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Ecrivain et essayiste français, Philippe Forest a écrit, entre autres « Sarinagara », un livre de voyage certes, mais aussi une autobiographie très émouvante. « Sarinagara » signifie « cependant » en japonais. C'est le dernier mot d'un haïku de Kobayashi Issa. Un mot qui veut « tout » dire mais également « rien », qui sert de d'intrigue et de fil conducteur aux trois histoires bouleversantes de l'ouvrage de Philippe Forest. Philippe et Alice Forest ont perdu leur petite fille Pauline, atteinte d'un cancer et âgée de quatre ans. Si la mort et le cancer sont des notions rimant la plupart du temps avec injustice, cette révolte est encore plus forte lorsqu'il s'agit d'un petit enfant, de sa fille, d'un être dont le départ ne semble pouvoir être surmonté (Alice et Philippe Forest ont envisagé, à un moment, le suicide pour mettre un terme à l'insupportable douleur). « Sarinagara », c'est un hommage - un essai de délivrance - beaucoup d'humilité et d'impudeur mêlées pour raconter une vie qui se poursuit malgré et envers tout. Après le décès de sa fille, Philippe Forest s'exile au Japon, le bout du monde pour lui, en espérant que cette coupure lui permettra non pas d'oublier mais au moins d'atténuer ce qui l'empêche de vivre. A travers l'histoire de trois personnages (Natsume Sôseki, Kobayashi Issa et Yosuke Yamahata), Philippe Forest réalise que la souffrance est universelle et ne connaît aucune limite géographique ou temporelle. En contemplant les clichés de Yamahata, qui entra dans Nagazaki juste après le bombardement, l'auteur livre une réflexion intéressante sur la démarche de ces personnes qui n'ont pas reculé devant l'horreur et ont affronté la mort et la douleur en face. Pas vraiment comparable sur la forme avec la mort de son enfant, mais sur le fond, tout est là, la souffrance est identique - on se vide - l'âme doit accepter l'inacceptable - la vie va devoir continuer avec ces notions dans la tête. « les Japonais naissent - ils vivent - ils meurent, comme nous - ils passent d'un néant à l'autre, en essayant de sauver ce qui peut l'être du magnifique désastre d'exister». En lisant cet ouvrage très chargé en émotions, on pense à la démarche de Sophie Calle dans "Douleur exquise", un exercice de deuil qui se déroule aussi au Japon, un affrontement indispensable de la douleur. Philippe Forest se livre de manière intime et touchante - tous ses états d'âme y passent - on ressent ce qu'il a vécu - on soutient cet homme dans la détresse et on en arrive, guidé par la douceur de ses mots, à la conclusion qui s'impose : la vie est là. Avec ou sans nous, elle continue d'être. « Vivre et souffrir »… C'est la vie, c'est la mort. + Lire la suite |