En épigraphe :
"Monde de rosée
c'est un monde de rosée
et pourtant pourtant"
Kobayashi Issa
En vérité : le haïku est un art sans autre mystère que la confusion entretenue autour de lui par l'exotisme spiritualiste des philosophes, des poètes et des autres esprits religieux d'Orient et d'Occident. C'est pourquoi il y a une grande ironie à le voir devenu en Europe le refuge même de l'idéalisme poétique quand, historiquement, au Japon, c'est précisément en rupture avec un tel idéalisme qu'il s'est d'abord constitué.
Mais je parle pour ceux qui savent. Et je me soucie peu que quiconque vienne juger cette forme que j'ai donnée à ma vie. Possible et impossible, survivre a eu lieu. Telle est l'épreuve et l'énigme. Il y eut ce jour, cette nuit, puis ce jour encore où rien de ce qui faisait la nuit précédente n'a pourtant disparu et nous voici à nouveau, égarés quelque part en plein soleil; sans comprendre du tout pourquoi, debout dans la lumière d'un rêve, impardonnables et pourtant innocents, nous qui sommes vivants.
Survivre est l’épreuve et l’énigme
Garder la mémoire, a écrit un philosophe, signifie se confier à l’oubli. » Je ne suis pas certain de ce qu’une telle phrase veut dire. Il me semble cependant qu’écrire fut, au cours de ces dernières années, ma manière à moi de méditer l’oubli, de le laisser s’étendre afin de conserver interminablement vivante en lui la mémoire exclusive d’aimer. Je crois avoir compris ceci, seulement ceci : survivre est l’épreuve et l’énigme. Telle est la signification des trois histoires que j’ai voulu raconter…
露の世は
露の世ながら
さりながら
Monde de rosée
Monde éphémere comme rosée
Et pourtant, et pourtant...
小林一茶
Pourquoi? À cette question, la philosophie donne toutes sortes de réponses. Elle dit que l'image étant le signe de la chose, elle en rappelle à la fois la présence et l'absence. Qu'elle ne nous rend l'objet ainé qu'afin de nous signifier que nous en sommes privés. Qu'elle nous désigne sa disparition mais pour nous restituer aussitôt cela qui nous manque à jamais selon le simulacre éblouissant de son don. Et il faut le regard second qu'appelle l'image pour que nous parvienne ainsi la vérité de notre vie, offerte et dérobée à la fois.
L'art du roman ne porte en lui la promesse d'aucune illumination. Ou bien, s'il formule une telle promesse, c'est seulement afin de révéler à quel point elle est nécessairement mensongère. Il n'y a pas de mot à l'énigme de la vie.
L'Europe tient pour beau tout ce qui se dresse majestueusement dans l'espace et dans le temps, ce que la raison érige pour durer et inscrire son signe dans le néant. Mais au Japon, on trouve beau ce qui se soumet à la loi vide de l'être et qui se défait délicieusement afin d'offrir au coeur de l'homme un moment pur de jouissance triste.
si la poésie ne parle pas de ce monde alors elle n’est rien.
la poésie est le sentiment du temps