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sur 430 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Longtemps les origines d'Éric Fottorino, et plus encore son lien avec sa mère, n'auront été que secrets, mensonges ou souvenirs fragmentaires. "Korsakov" ou "L'homme qui m'aimait tout bas" (pour ne citer qu'eux), désarmants hommages à ses deux pères, témoignent de cette quête d'identité sans trêve qui relie la plupart des oeuvres de cet auteur sensible et discret.

Ici le voilà qui convoque à nouveau le secours de l'imaginaire et des mots pour comprendre l'histoire de sa vie, explorant pour la première fois son sujet sans doute le plus complexe et le plus douloureux : sa mère, le "profil perdu" qui manque à sa mosaïque familiale.

S'affranchissant des absences et des non-dits, Fottorino emprunte à l'artifice du roman pour mettre en lumière et réinventer sa "petite maman", celle qu'il côtoie depuis toujours mais dont il ignore tout. Celle qui, à l'âge de dix-sept ans, donna clandestinement le jour à cet enfant pas vraiment prévu au programme.

Plus que jamais l'on comprend combien, pour cet auteur, ses mots et leur magie sont une essentielle respiration de vie, et en l'occurrence ici sa seule façon d'exprimer un amour filial irrémédiablement entravé par un lourd passif de mutisme émotionnel.

« Ce livre est traduit du silence »… merveilleuse formule pour un message bouleversant, le plus lumineux moment de grâce que j'aie pu découvrir de cet auteur à ce jour.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Dix-sept ans, titre du livre d'Éric Fottorino, est également l'âge qu'avait sa mère quand il est né. Dix-sept ans est un très beau roman autobiographique. Cet auteur en avait déjà commis d'autres mais sur son père ou plutôt ses pères (naturel et biologique) avec L'homme qui m'aimait tout bas.
Un dimanche de décembre, donc, se retrouvent dans la maison familiale acquise au début des années 1980, à vingt minutes de la Rochelle, conviés par leur mètre à déjeuner, Éric, ses deux frères plus jeunes, plus exactement ses demi-frères, François et Jean, leurs compagnes et enfants. Éric est venu avec Sylvie et leur fille Apolline (11 ans), leur fils Théo étant retenu à Bordeaux pour un tournoi de foot avec les poussins Girondins.
Dès le début du repas, leur mère, Lina, annonce qu'elle souhaite parler à ses fils et à eux seuls. Stupeur ! « Ce déjeuner était un Waterloo. »
Elle va alors leur dévoiler ce secret qu'elle a tu jusque-là, à savoir que, très jeune, à 23 ans, le 10 janvier 1963, elle a accouché d'une petite fille qu'elle a été forcée d'abandonner dès sa naissance. Si François et Jean, ses frères, sont très émus à l'annonce de cette révélation, Éric, lui, reste de marbre.
Il rentre chez lui croyant que tout allait bien mais en fait, ne cesse de se poser des questions sur son désamour pour sa mère. Il tente de reprendre ses cours à la fac mais en véritable automate. Il annonce alors aux siens qu'il a décidé de partir quelques jours à Nice où il s'envole.
Et c'est à Nice où le narrateur Éric est né, qu'il va tenter de résoudre l'énigme de son existence et percer le mystère de cette mère quand elle avait dix-sept ans.
Pour cela, il va arpenter les rues de Nice, monter jusqu'au village d'Ascos où elle logeait, marchant à sa rencontre, dans ses pas. Il va peu à peu comprendre qu'on l'a dépouillé de son identité, qu'on lui a volé sa mère, son père et même sa judéité.
Cette quête du passé va lui permettre de retrouver la paix avec lui-même. C'est un roman très personnel dans lequel il réajuste la réalité au grè de sa plume, un roman touchant, émouvant, bouleversant, écrit avec beaucoup de justesse, de poésie et beaucoup d'amour.
Quelle écriture ! C'est un véritable cri d'amour pour sa mère, un roman qui, bien que très personnel, touche tout un chacun par l'universalité des sentiments.
La dernière phrase de cet ouvrage est absolument magique et m'a bouleversée !

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Devenir mère célibataire à 17 ans dans les années 60.

Inacceptable, honte sociale à taire et à oublier sans laisser le choix à la jeune fille mineure qui n'a pas voix au chapitre. Au sein secret de la famille, les décisions prises sont extrêmes, surtout quand le problème se renouvelle une deuxième fois...

Quand la parole se dévoile enfin après plusieurs décennies de silence, le premier fils se cherche, refait le film de l'enfance, tente de comprendre…
Et l'écrivain en fait un livre.

Bien que l'autofiction me gêne toujours, coincée et interrogative que je suis entre la vérité vraie de l'auteur et la part de son imaginaire, j'ai dégusté ce récit personnel en déclaration d'amour pour une mère mal aimée ou mal comprise. Le secret de famille dévoilé sur le tard se construit sur de beaux personnages et une grande sensibilité de narration.

Se retourner vers l'enfance à la lumière d'un non-dit favorise l'introspection et Éric Fottorino le fait fort bien, sans jugement, avec tendresse et un brin de cocasserie. Par l'écrit le fils parle à la mère, recrée le lien, ressuscite les souvenirs, se projette en regrets et en émotion.

Après avoir beaucoup évoqué la filiation paternelle dans sa bibliographie, l'auteur joue une partition mélancolique sur les séquelles de l'abandon. Il l'accompagne de ce talent de savoir raconter les petits riens, les observations du quotidien, la curiosité envers les autres.

Un régal d'écriture.
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Retrouver Éric Fottorino est toujours un plaisir. Avec Dix-sept ans, il est encore une fois très émouvant car il traite de son histoire familiale peu ordinaire. La forme est romancée, certes, les noms de famille sont changés mais impossible, en cours de lecture, de ne pas être touché, interrogé, dérangé par cette quête pour retrouver ce que fut une mère dont la vie n'a pas été facile du tout.
Dans L'homme qui m'aimait tout bas, il m'avait fait partager la vie de son père d'adoption qui lui a fait aimer le vélo mais qui a mis un terme tragique à son existence. Dans Dix-sept ans, c'est avec Lina, sa mère, qu'il tente des retrouvailles qui déclenchent une cascade de souvenirs.
Elle avait 17 ans quand elle a mis Éric au monde mais celui-ci parle d'abord de cette fille, cette soeur née trois ans après lui. Cela permet tout de suite de voir le rôle joué par sa grand-mère qui est pieds et poings liés avec les représentants de la religion, les religieuses et les curés. Déjà, pour Éric, elle n'a pas accepté que sa fille, mineure soit enceinte de Moshé, un étudiant en médecine juif et Tunisien. Alors, pour cette fille : « À cette époque, l'Église trafique à qui mieux mieux les bâtards des filles perdues. Des femmes stériles, une épreuve envoyée par le Seigneur, se font confectionner ces prothèses. le simulacre est total. le jour venu, le plus naturellement du monde, elles récupèrent l'enfant d'une autre qui devient aussitôt le leur puisque la mère, méprisable pècheresse, a été rejetée. Hosanna au plus haut des cieux. »
La situation familiale est des plus compliquées mais c'est à Nice où sa mère l'a mis au monde que se rend le narrateur. de nombreux chapitres s'y déroulent avant un retour à Bordeaux et sa région où leur vie s'est poursuivie.
Dix-sept ans est un roman d'une sensibilité exacerbée, riche d'amour, d'une recherche désespérée de l'autre avec quantité d'éléments familiaux et une observation du réel très pertinente. le quotidien, les ruptures familiales et leurs dégâts irréversibles ne peuvent s'effacer totalement mais les vies filent vite et il ne faut jamais attendre qu'il soit trop tard pour parler enfin.

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Une quête, une randonnée vertigineuse dans le temps, cadence les pas d'Éric Fottorino, pour retrouver celle qu'il appelait Lina, ma toute petite, ma petite maman.

“Dix-sept ans" est le portrait d'une mère, le regard d'une femme déchirée par un chagrin étouffé depuis 1963, le récit éperdu et glaçant d'une maman, qui n'ose pas encore regarder ses trois garçons dans les yeux, le long chemin d'Eric Fottorino vers celle qui l'a abandonné.


“Il était temps de rembobiner le temps. de m'enfoncer là où je n'étais jamais allé, au plus profond de l'oubli” confesse l'auteur page 41, dans son récit “Dix sept ans”.
Pourquoi parler de sa maman ? Est-il si douloureux, pour son fils Éric Fottorino de parler de sa mère devenue grand-mère. Chaque souvenir ravive une blessure, chaque regard sur son passé rappelle un abandon.


Alors l'enfant, lui sait combien de fois, il a fuit et oublié toutes les menaces, d'où qu'elles venaient, car dit-il “Ce qu'elle a dit après, j'ai oublié. Si je m'en étais souvenu, je n'aurais pas eu la force de vivre. L'oubli est une assurance-vie.”


Ils sont au bord du gouffre, au cours de ce déjeuner, c'était Waterloo. "Pour qu'elle soit si pâle son sang avait du geler dans ses veines".
"Le 10 janvier 1963 j'ai mis au monde une petite fille, je n'ai pas pu la serrer contre moi. Je ne l'ai pas vue."


Après la révélation de la mère, te pardonner, quoi, maman ? Seul Éric gamberge, "où j'étais" ?


Éric Fottorino se déchaîne, maillon après maillon, il remonte le temps, cherche la vérité, il doit enfin comprendre pourquoi il a tant de mal à aimer maman.
Au fil des pages il parle, à Lina, à sa maman qui lui a enfin livré son lourd, son trop lourd secret. Nous sommes loin, nous lecteurs, il ne parle qu'à elle, il ne restera dans son récit que les mots écrits pour elle, 262 pages qui n'iront pas au ciel mais dans ses mains, puis toucher son cœur, puis lui couvrir le visage de larmes.


Les premières pages sont terrifiantes de colère, quand il avoue page 67 : “Tu en ferais une tête si tu m'entendais. Que puis-je ajouter encore ? Je ne suis pas ton fils. Je suis ton fardeau.”
Et cette autre phrase comme un pavé lancé à l'état civil et à l'église page 60 : "La vérité c'est que tu n'as pas existé. Que nous n'avons pas existé. Nice ne nous connaît pas davantage que nous la connaissons. Un sentiment d'inexistence qui dure depuis le début manqué, je ne vais pas rattraper un courant d'air."


De rencontres en témoignages, les données de son histoire éclairent ce que fut la famille de Lina, la grand-mère d' Éric, une mère dépassée par les épreuves, la fuite d'un mari, le suicide d'un enfant...C'est une mère, et juste une jeune fille livrées au gang des soutanes.


Au cours de sa quête il s'émerveille parfois, quand des lambeaux de vies lui étaient rendues, mais elle, Lina ne rendait des comptes qu'à ses rêves. Il faudra refaire le chemin de ses Dix-sept ans jusqu'à Nice pour qu'elle renaisse enfin.


Et quand elle te supplie de continuer ton récit, elle dit : continue Moshé, et tu lui réponds, je ne suis pas Moshé, elle n'entend pas, mais laisse passer une ombre. Elle déplie le temps de ses dix-sept ans comme une nappe blanche toute neuve, dans les yeux de son fils.
"Comme il faudrait trouver d'autres moyens plus doux pour s'aimer".


Dans cette mémoire retrouvée, les traits de Lina s'embellissent et le récit de son fils, efface les rancoeurs du passé.
La joie de mettre au monde Éric éclate sous le soleil de Nice.

"Il est cinq heures du soir et nous venons de naître".

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Pantelante, bouleversée, vidée, le corps mou, les mains tremblantes et la tête d'une fille inconsolable et insomniaque. C'est dans cet état que je rencontre une amie, responsable d'une médiathèque : « Alors, tes vacances ? », me demande-t-elle. Je bafouille lamentablement quelques mots sans aucun sens et très vite, j'en viens à ce qui me paraît être l'essentiel : « Écoute, dis-je dans un souffle, je viens de finir le dernier livre de Fottorino, lis-le, vraiment, lis-le ! Ce texte est d'une beauté absolue. Quelle écriture, mais quelle écriture ! Lis-le et commande-le très vite ! »
Je suis là, physiquement dans les rues de ma ville, mais mon esprit est ailleurs, à leurs côtés, auprès du fils et de la mère, dans les ruelles du vieux Nice. La tête me tourne encore un peu. Je laisse mon amie éberluée. Elle connaît Fottorino, elle l'a fait venir dans sa médiathèque il y a quelques années. Au fond, je sais qu'elle n'est pas surprise malgré tout. A coup sûr, le livre sera bientôt sur le présentoir Nouveautés…
Bon, comment trouver les mots pour vous parler d'une telle splendeur ? Parce que… attention ! ce livre n'est pas seulement « touchant »  par son propos, non, il est aussi et surtout merveilleusement bien écrit. de la première à la dernière ligne. Pure magie, beauté absolue de ces dernières pages, moments de grâce et de poésie totale…
Allez, il faut que j'entre dans le sujet : si ce texte a indéniablement une dimension autobiographique, il est néanmoins appelé « roman ». Ah, la part du réel et de la fiction… J'imagine que dans les futures rencontres littéraires autour de son « roman », Éric Fottorino sera assailli par ce genre de questions. Moi, je ne veux pas savoir. Ce qu'il raconte là me convient parfaitement. La fiction me comble. le reste… n'est que littérature !
À la fin d'un repas de famille, Éric, la cinquantaine, et ses deux frères sont priés d'écouter ce que leur mère a à leur confier. Pour les trois hommes, la révélation est un choc. Un petit pan de la vie de cette femme se trouve révélé au grand jour. Les frères dissimulent difficilement leur émotion. Mais Éric reste de marbre. Il s'en veut mais ça fait un bout de temps qu'il ressent sa mère comme une étrangère, quelqu'un qu'on regarde de loin, que l'on ne parvient pas à serrer dans ses bras, qu'on a, disons-le, du mal à aimer…
Chacun rentre chez soi et la vie continue…
Sauf que, pour Éric, ça bloque. Impossible d'avancer. Il lui faut savoir, aller voir, tenter de comprendre pourquoi une distance infranchissable l'empêche d'accéder à celle qui lui a donné la vie. Alors, il se rend là où il est né : Nice. Une ville qu'il ne connaît pas puisque tout de suite après sa naissance, la mère et l'enfant sont repartis à Bordeaux où la famille vivait. Il lui faut comprendre comment, alors qu'elle s'est retrouvée enceinte à dix-sept ans d'un homme qu'elle aimait, Moshé, un juif marocain, comment cette femme qu'il a toujours eu un mal fou à appeler « maman » a vécu cette mise en quarantaine, cette solitude absolue à une période de la vie où l'on a tellement besoin d'être entourée, rassurée, aimée.
Éric va donc partir dans un lieu que sa mère a quitté depuis longtemps, il va arpenter les rues de Nice, monter jusqu'au petit village d'Ascros où elle logeait, marchant à la rencontre de cette femme qu'il ne connaît pas.
Comment vous décrire ces pages, cette recherche d'une mère dans une ville où il l'imagine à chaque coin de rue, où il tente de saisir ce qu'elle a pu ressentir, elle, l'adolescente de dix-sept ans, à peine sortie de l'enfance, la façon dont elle a vécu cette immense solitude, loin de sa famille, loin de l'homme dont elle espérait encore le retour...
Le narrateur va peu à peu comprendre que pour se soumettre aux diktats de la société de l'époque, on l'a littéralement dépouillé : on lui a volé sa mère, son père, sa judéité, son identité. Il doit maintenant faire le chemin inverse, repartir aux sources afin de savoir qui il est, qui est celle qui l'a mis au monde, avançant à tâtons dans ce passé lointain où il n'était qu'un enfant, interrogeant celles et ceux qui ont connu cette femme ou croisé son chemin, s'accrochant à ce fil ténu qui petit à petit va le mener jusqu'à elle…
De nouveau, l'émotion me gagne.
J'arrête là.
C'est magnifique et la fin... inouïe. Une pure merveille...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Ce roman très personnel et émouvant de Eric Fottorino, a le goût amer d'un rendez-vous manqué.   " Dix-sept ans " paru en cette rentrée littéraire 2018 aux éditions Gallimard, traduit de la difficulté d'écrire sur sa propre histoire, sur sa propre mère.

Un soir de décembre, ils sont tous réunis chez Lina, en Charentes. C'est la maison de feu Michel, le père adoptif d'Eric. Mais ce soir Lina a une confession à faire à ses fils : Eric, François et Jean. Elle leur explique douloureusement qu'à l'âge de dix-sept ans, elle a mis au monde une petite fille.  Sous la pression de sa mère, l'enfant a été immédiatement adoptée par une autre famille, sans que Lina n'ait ni le temps de la voir, encore moins de toucher.
p. 7 : " - le 10 janvier 1963, j'ai mis au monde une petite fille. On me l'a enlevée aussitôt. Je n'ai pas pu la serrer contre moi. Je ne me souviens même pas de l'avoir vue. D'avoir vu d'elle le moindre détail. Elle n'est pas rentrée dans mes yeux. "
Agée aujourd'hui de soixante-quinze ans, c'est pour Lina l'aveu d'une douloureuse blessure qui n'a jamais cicatrisée. Si ses frères font preuve de compréhension, Eric accuse le coup. Lui qui n'a jamais su aimer sa mère, et encore moins lui montrer, il reste là,  dans le silence.
p. 18 : " J'aurais voulu pleurer, la consoler, dire à Lina que je l'aimais. C'était le moment. Je n'ai pas pu. "
Même sur la route du retour, aux côtés de sa femme Sylvie et de sa fille Appoline, il reste muet, laissant celles-ci dans l'incompréhension. Mais tout s'emmêle dans sa tête :  sa propre histoire, sa propre naissance, son enfance.  Il ressent soudainement le besoin d'aller à Nice, lieu de sa naissance, afin de revivre l'histoire de sa mère. Les silences et les malentendus ont eu raison de ce fils qui a été si peu un fils, et de cette mère qui a été si peu une mère...
p. 25 : " Il était temps de rembobiner le temps. de m'enfoncer là où je n'étais jamais allé, au plus profond de l'oubli. "
Eric revient donc sur les traces de cette mère, qui a dix-sept ans, a mis au monde une petite fille, arrachée de force en vu d'une adoption. Ce voyage à Nice est l'occasion pour le narrateur de revivre, en transparence, la jeunesse de cette mère, ou de cette soeur dont le rôle a fait défaut, prisonnière du dicta d'une mère castratrice de liberté et d'émancipation.
p. 51 : " C'est dans le silence que nous nous sommes perdus. le silence. Il est devenu notre marque de fabrique. Depuis toutes ces années, ne rien se dire a été notre mode unique de conversation. "
Les déambulations du narrateur sur la Promenade des Anglais, va provoquer des flash back dans sa mémoire, recollant ainsi les morceaux d'une histoire décousue de non-dit. S'ajoute à cette introspection inconsciente,  la rencontre fortuite de personnages dont les témoignages ou expériences vont ainsi l'aider à mieux comprendre cette mère.
p. 83 : " J'ai pris un taxi pour rentrer de l'aéroport. A ma grande surprise comme à la sienne, le même chauffeur qu'à l'aller s'est arrêté : " Vous n'êtes pas parti ? - Croyez-moi j'ai fait un grand voyage. "
Nice, bord de mère...
p. 140 : " Ton lait je ne l'ai pas bu.  A peine quelques tétées volées à Nice avant que ta mère nous éloigne. le mal que ça nous a fait. Tu étais unique, petite maman. Tu étais irremplaçable et on t'avait remplacée. "
Lorsque Lina lui téléphone, elle lui demande de venir la voir le plus rapidement possible. La vie ne les a pas épargnés, mais c'est ensemble, à la demande de Lina, qu'ils retournent à Nice. Deux coeurs blessés dont le temps prend aujourd'hui un caractère d'urgence à se dire les choses, celles qu'ils ne se sont jamais dites.
p. 195 : " Jamais tu ne m'avais parlé ainsi. Je suis suspendu à tes lèvres. "

C'est avec une immense émotion que j'ai parcouru les pages de ce roman, d'une intimité poignante, dont Eric Fottorino nous fait les témoins de la  résilience de ce lien maternel.
p. 212 : " Réparer nos débuts manqués. Nous sommes là pour une mise au monde. "
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Eric Fottorino est né à Nice en 1960. Sa mère, fille d'une famille qui a des prétentions de « sang bleu, et flirte avec un antisémitisme de bon aloi, avait Dix-sept ans ! Être fille-mère à dix-sept ans dans la France des années 1960, signifie vivre cachée, vivre dans le secret, fréquenter des institutions qui n'ont de charitable que le nom, abandonner son enfant à une mère qui ne peut pas en avoir et simule la grossesse… »
Parvenu à l'âge adulte, Eric tente de reconstituer le parcours de sa mère et d'en comprendre les raisons.
Démarche courageuse si l'en est, tant nous dit l'auteur « L'injustice est le propre des enfants même quand ils ont vieilli. ». Parviendra-t-il à mieux comprendre sa mère, à lui parler, à lui pardonner si tant est qu'il y ait des choses à pardonner et des fautes commises.
Peu à peu le portrait à charge de Lina Labrie se transforme en portrait à décharge. le roman est parsemé de formules qui retiennent la sympathie et transforment la coupable en victime « Tu t'es fait une raison. La famille, c'est mieux sans. »
L'histoire de la famille Labrie n'est pas glorieuse et sous les rêves d'ors plus monarchiques que républicains se cache la misère, « Ce n'était pas la gloire. A table, même serrés, il y avait toujours de la place pour l'angoisse. Elle mangeait comme quatre, l'angoisse. Plus on était maigres et plus elle était grosse. »
La famille nie la capacité de Lina à être mère, à élever le jeune Eric dans la dignité, au mieux dit la grand-mère qui règne, elle est une soeur, et se dit le jeune Eric « Si tu étais ma soeur, qui devais-je aimer pour aimer ma mère ? »
La colère submerge le jeune adolescent qui sans savoir pourquoi écrit un jour sur son carnet « Je suis le fils d'une pute qu'un salaud de juif a tringlée avant de se tirer. »
Son père biologique Moshé est un juif marocain qui ne l'a jamais reconnu et dont la famille ne souhaitait pas qu'il le fasse.
Dans son périple sur les traes de Lina, Eric se retrouve à Nice où il retrouve des personnages du passé.
« - Personne ne ressemble à un juif ! a protesté Rivka. Ceux qui le croient s'appellent des nazis ! »
Formidable ode à sa mère mais aussi au père tunisien qui le reconnaitra et lui donnera son nom, le roman d'Eric Fottorino est aussi un chant à la ville de Nice qui l'a vu naître, il se joue des mots en écrivant « Nice, bord de mère. », ou « Je suis né anis » lorsqu'il entend sa mère dire « Mon fils aîné » lui comprend, « mon fils est né »
Il imagine que son père adoptif né à Tunis, tue Nice la ville dans laquelle sa mère fut exilée pour lui donner la vie.
« Éric devient crié » et c'est ce cri que nous fait entendre l'auteur, un cri de libération tel le cri primal qui est l'essentiel de ce roman écrit des années après la naissance biologique de l'auteur qui retrouve sa mère, une jeune fille de soixante-quinze ans.

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J'ai toujours du mal avec les auteurs qui utilisent leurs lecteurs comme psychanalystes. Est-ce notre rôle ? Un peu facile de vomir sur le papier toutes ses névroses et ses failles.
Sauf quand le talent s'en mêle. Eric Fottorino nous livre ici un récit des plus intimes mais également des plus universels grâce au talent de sa plume. J'ai souvent eu les larmes au bord des yeux, me retrouvant tellement dans sa situation. Certains diront, c'est pourtant facile d'aimer sa mère, et bien non, la communication est loin d'être évidente, c'est incroyablement bien décrit. Pas si facile d'offrir un bouquet de fleurs, un poème et de dire "je t'aime maman" à la fête des mères. On aimerait parfois tellement être comme les autres enfants.
Merci aux éditions Folio et à l'opération Masse critique de m'avoir permis de découvrir cet auteur, que j'appréciais déjà beaucoup en tant que journaliste.
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Une distance et des silences s'étaient installés entre Eric, né en 1960, d'un père marocain juif, et sa mère, Lina, 75 ans à l'heure du récit. Lorsque celle-ci apprend à Eric et à ses autres fils nés d'un autre père, qu'en 1963, elle a été obligée par sa mère, ultra-catholique, de confier une petite fille à l'adoption, Eric part à la recherche de l'endroit où il est né, à Nice. Il finira par y retrouver le lien qui s'était rompu. Un roman très émouvant et bien écrit, qui se lit en un seul souffle.
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