La mort est passée, la vie est pressée.
Mal nommer les choses, jugeait Camus, c'est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c'est nier notre humanité.
Les gens qui n’ont rien dans le cœur pensent que les suicidés n’ont rien dans le ventre.
L’échelle des priorités s’imposait dans sa crudité, dans
sa cruauté. Le suicide sur les voies n’est pas une vie perdue. C’est du temps perdu.
"Personne sous un train". Double sens troublant. Qui s'est jeté sous le train? Personne. Il y avait bien quelqu'un, pourtant, juste avant. J'entends l'écho de certaines annonces qui parlent d'un "accident de personne". Le terme est bien choisi puisqu'en effet, l'accident n'ayant touché personne, ou un être privé de nom, de visage, d'existence réelle, les meilleurs efforts sont faits pour réduire le temps d'attente. Un accident de personne, c'est se déplacer pour rien.
La mort est passée, la vie est pressée.
La mort des inconnus passe vite.
J'ai gardé cette peur d'enfant qui me prenait jadis dans les gares. La peur de me perdre, de perdre mes parents, de perdre la vie. La peur d'être abandonné ou que quelqu'un me pousse dans le dos.
Les gens qui n'ont rien dans le cœur pensent que les suicidés n'ont rien dans le ventre.
Méditatif, sobre, profond et très bien écrit !