La forêt des 29

p.343-4.
" Nos maris ne lèvent jamais la main sur nous, leur avait confié une Vingt-Neuf, ils nous font confiance, tout ce qu'ils nous demandent, c'est de ne pas leur mentir. Mais eux aussi, ils nous doivent la vérité, et, sils nous trompent, il leur faut quitter le village, exactement comme s'ils avaient coupé du bois vert ou tué une bête. Comme nous, du reste, si nous prenons un amant. C'est le prix à payer. En revanche, si nous devenons veuves, nous ne sommes pas chassées, comme ailleurs au Pays de la Mort. Nous avons le droit de nous remarier et de faire d'autres enfants. Ce n'est que justice, non, puisque les hommes le font ! "

p.283.
Inda jubile. Pas meilleure occasion pour elle de savoir à qui elle a affaire. Comme dit Kanchi, la vieille qui tient le bordel à deux rues d'ici : " On ne sait rien des gens tant qu'on ne sait pas comment ils font l'amour... "

p.180.
Djambo a éclaté de rire. C'était la joie  comme avec Karma, de se sentir compris. Le bonheur de se découvrir une raison d'être. Une place aussi sûre que, la veille au soir, celle de étoiles dans le dessin des constellations.

p.172.
on peut toucher le fond, la réalité s'en fout. Les buffles continuent à se baguenauder, le vent soulève, comme tout les matins, de grandes volutes de poussière, les serpents pointent la tête de leur trou en déroulant sournoisement leurs anneaux avant d'aller rappeller à qui se trouvera sur leur chemin que ce dont eux, les seuls maîtres de cette terre.

p.157.
Il faudrait dresser un mir pour protéger les champs.
Djambo arrondit l'oeil.
- Un mur ? Mais avec quoi ?
- Avec du sable ! Le mal contre le mal !
Il est toujours aussi interloqué. Karma ne se trouble pas, elle se retourne vers la dune.
- On récolterait le sable qui a envahit les champs, on le porterait en haut de la dune. On s'y mettrait tous, la fine grandirait, grandirait. Et une fois qu'elle serait très haute, on la fixerait avec des arbres ou des buissons. Au moment des tempêtes, les poussiers se casseraient dessus. Et les champs seraient à l'abri.

p.131.
À chacun de nos souffles, souvenons-nous que la Nature est le second visage de Dieu ! Nos vies sont aussi incertaines qu'une goutte d'eau suspendue à une feuille de lotus. Donc à ces temps de malheur et de guerres, opposons la tendresse, la paix, la douceur..."

p.33.

Même s'ils estiment que toutes les légendes ont droit à la vie, ils protestent : non Djambo ne fut pas ce premier-né choyé, protégé, adulé. C'est absolument le contraire : on l'a rejeté. Et c'est précisément là, dans la douleur des mal-aimés, qu'il a trouvé la force de changer le monde. Après avoir failli basculer dans le pire.

Le Suprême est partout dans la Nature, comme je vous l’ai dit, et par conséquent il est en nous, les hommes. Nous les Vingt-Neuf, quand nous nous levons, chaque matin avant l’aube, nous n’avons qu’une seule interrogation : savoir par quels actes nous illustrerons cette parcelle de divin qui nous a été remise avec la vie. Nous estimons l’homme à ce qu’il fait, non à ce qu’il raconte. Et pour le juger, nous ne nous posons que deux questions. La première : a-t-il dit et respecté la vérité ? La seconde : le feu de la violence, en lui, a-t-il réussi à l’éteindre ?

Si  vous voulez de l’eau, dit Djambo ce soir-là pour la première fois, commencez par la chercher au fond de vous, soyez à vous-même une source. Et ensuite, rappelez-vous que la nature est un corps, un corps immense, dont nous ne sommes, nous, les humains, qu’une infime partie.

...on savait qu'il ne s'inscrivait dans aucun courant, ne répondait qu'à lui-même de ses idées et de ses actes. En somme, il était libre.