Franquin chez
Fluide Glacial. L'annonce avait fait un peu de bruit dans le monde feutré et discret de la BD franco-belge.
Franquin le tendre, le doux, le rêveur, le rayonnant... C'est d'ailleurs le sens de la préface de cette intégrale, signée
Gotlib.
Franquin et
Fluide Glacial, c'était incompatible. La préface de
Gotlib est un pied de nez clairement assumé à l'image de
Franquin,
Gotlib étant celui qui a fait venir
Franquin à
Fluide Glacial.
Franquin était alors en pleine dépression. Il est difficile de toujours assumer l'image que les gens ont de vous, et de rendre compatible cette image avec celles qui vous trottent dans la tête.
Et quand un dessinateur du talent de
Franquin a de sombres idées en tête, elles finissent toujours par lui sortir par les doigts.
Cela donne les Idées noires.
Un condensé de peur intérieures, de frayeurs sociétales, d'horreurs militaires, j'en passe et des catastrophiques. Mais au-delà du choc provoqué par
Franquin, au-delà de l'humour très noir, cynique et dérangeant, on trouve de nouveau de la tendresse, de l'empathie, le sens du rire dans la douleur.
Et les thèmes? que dire en effet des thèmes de ces idées noires? Climat, pollution, biodiversité, technologie mortifère, guerres immondes, vivre ensemble, égoïsme, xénophobie...
Franquin règle ses comptes... sans doute. Mais avec qui? Avec nous, avec le monde, avec les dérives d'une société qui se profilait alors (et qui se profile toujours) et dont il ne voulait pas.
Un ouvrage à lire et relire encore. Une large majorité de gags n'a pas pris une seule ride. Marées noires, guerres sales, nucléaire... Ou les vampires qui font voiture balais dans une course cycliste et qui parlent de la difficulté de se nourrir sainement... le politicien qui a fait des coupes budgétaires et meurt par manque d'ambulance... cela parle aussi après le COVID même si
Franquin ne pouvait pas vraiment anticiper.
Quoi que...
Franquin est définitivement un visionnaire. Un sensible. Un homme qui a ressenti des choses sans vraiment pouvoir les nommer et qui a dessiné son mal-être. Je n'aurai qu'un seul mot... Merci.