Pour tout shaman, le monde des esprits est indissociable de celui des rêves – souvent impressionnants, peuplés de symboles compliqués, empreints d’émotions variées et parfois violentes, de visions de gens disparus… La sagesse shamanique regorgeait d’ailleurs de citations en ce sens : « Un grand shaman est avant tout un bon rêveur » ; ou : « Les rêves sont l’origine de la sagesse du shaman. »
Ce n’était pas la Sibérie qui tuait, mais le chemin qui y menait. Or, là où beaucoup y voyaient le bout du monde, une terre d’exil et de déportation, une vaste prison aux barreaux, murs et geôliers invisibles, la jeune femme la considérait quant à elle comme une splendide contrée, fascinante et généreuse.
La nature est belle dans sa rudesse et sa violence aussi bien que par sa douceur ou sa pureté, reprit-il. Ce sont ses couleurs, son harmonie, sa magie qui font sa beauté, pas une seule fleur ou une seule montagne qui en dicte la norme.
La Sibérie était riche en forêts offrant bois et gibier, en rivières abondant de poissons et en terres fertiles. De nombreux paysans furent donc fermement invités à s’y établir avec leur famille, dotés par l’Empire d’une télègue, de chevaux et de tout le nécessaire pour faire fructifier les sols leur ayant été affectés.
Pour un individu tel que lui, froid et dur, manifestement incapable de ressentir autre chose que de la haine et animé d’un sens de la propriété dénaturé, cette faute ne relevait pas seulement de l’infidélité. Le pardon lui était une notion étrangère. La vengeance, en revanche…