Tout le monde se pencha par-dessus la balustrade. Moi aussi dans la confusion, persuadé de voir le corps de mon ami disloqué dans un amas de tuiles. Il n'y avait que les débris et le cri de plus en plus perçant d'une femme.
Bras tordus dans le dos on me traîna sur la terrasse. Je cessai de respirer : un itinéraire de sang menait à l'endroit où Charlie venait de disparaître.
Je n'avais pas fini de déverrouiller ma porte qu'une horde de flics en civil me clouait sur le tapis du salon. En un clin d'œil ils envahirent toutes les pièces, arme au poing. L'un d'eux cria : « Par ici ! »
À la seconde où je me redressai, j'entendis un fracas de tous les diables. Charlie venait de dégringoler de tout son poids sur la toiture d'en dessous, les tuiles explosaient. Quelque part une femme se mit à hurler.
À l'intérieur ma porte allait céder. Sans réfléchir je me précipitai sur le premier pot de laurier-rose et j'enfouis dans la terre le petit objet plat bien emballé dans un sachet de plastique.
– Tiens, prends ce numéro de téléphone. N'appelle qu'en extrême urgence et seulement d'une cabine. Apprends-le par cœur et détruis-le.
Je glissai dans mon slip un minuscule morceau de papier plié très serré. Je l'aidai à franchir la balustrade et le soutins pendant qu'il s'agrippait à l'antenne.
– Lâche-moi ! gronda-t-il. Planque la cassette !
Les coups ébranlaient maintenant ma propre porte. J'avais l'impression qu'on allait l'arracher.
« Ouvrez immédiatement, police ! »
Il tira de sa poche un petit objet qu'il me tendit.
– Planque ça, souffla-t-il, c'est une cassette numérique, il ne faut surtout pas qu'elle tombe entre leurs mains. Tu vois le résultat.
On entendait une cavalcade dans la cage d'escalier. Les appels se rapprochaient.
Je le poussai sur la terrasse de derrière.
– Enjambe la balustrade et accroche-toi à l'antenne de télé scellée dans le mur, elle est solide. Ensuite laisse-toi glisser sur le toit, tu atterriras sur une autre terrasse. La rue est juste dessous, si tu l'atteins file sur ta droite, ils auront plus de mal à te coincer, c'est plein de ruelles.
Je courus à la cuisine. C'est alors qu'on entendit de grands coups résonner contre les portes des étages inférieurs et des voix d'hommes qui hurlaient d'ouvrir.
Charlie bondit sur mes talons.
– Laisse tomber la flotte ! Je peux me tirer par les toits ?
– Pas dans cet état.
– Bouge-toi, ils montent !