AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,36

sur 59 notes
5
2 avis
4
4 avis
3
4 avis
2
3 avis
1
2 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Et bien moi j'ai adhéré à Europa, à sa narration alambiquée, tordue, à son histoire complexe, à son style mi-réaliste mi-onirique, à son goût d'inachevé, de pessimisme européen, à ses personnages qui s'inventent les uns les autres, à ses réflexions alchimico-politico-historico-poétiques.
Danthès rêve d'une Europe de la culture, à défaut d'être politique, d'autre chose que le monstre de charbon et d'acier de la CECA, Malwina rêve de vengeance à travers les siècles et son amour, le Baron entame une partie d'échec sur le long cours pour tendre un piège machiavélique...
Ces personnages s'entrecroisent, se rêvent, s'inventent, se mêlent, s'aiment et se déteste à travers les âges, chacun créant ou rêvant l'imaginaire de l'autre entre les chapitres et au sein même de ceux-ci.
L'écriture suit ce rythme complètement fou et épouse le regard de chacun, les interprétations personnelles des protagonistes, leurs lubies et phantasmes, le tout interprété par un psychiatre qui sert de fil rouge au récit et offre un semblant de réalisme à ce conte baroque que l'on peine de prime abord à suivre, mais qui bien vite nous emballe pour finir dans un époustouflant, mais peu réjouissant feu d'artifice d'illusions et de désespoir.

Le style est bien celui de Gary, d'un Gary affirmé, épris d'Europe mais toujours aussi peu confiant dans les destinée des peuples et de la politique. On y retrouve l'effet produit par un Faulkner dans le Bruit et la Fureur qui mélange les narrateurs pour amener son lecteur à un état proche de celui des personnages: halluciné, perdu, chamboulé, dépressif.
C'est un peu comme ça que Gary voyait l'Europe... Force est de constater aujourd'hui que sa vision était peut être juste assez pessimiste... il nous manque aujourd'hui de tels romanciers à Goncouriser pour nous aider à affronter cette période morne et peu emballante !
Commenter  J’apprécie          62
Dans cette oeuvre, chaque personnage est ou peut être imaginé par un autre, maîtrisant ainsi ses actions et parfois, ses réflexions. Dans ces identifications changeantes, il est nécessaire de se laisser porter par l'histoire sans forcément se repérer a chaque fois dans la réalité du personnage, ce qui est très perturbant.
La préface écrite par l'auteur aide bien évidemment à s'inscrire dans le roman plus aisément.
J'ai trouvé cependant la lecture assez fastidieuse et j'ai souvent eu l'impression de nombreuses longueurs.
Ce que je retiens majoritairement de cette histoire est une énorme mélancolie de la part du héros Danthès, et même sûrement de Romain Gary, de l'Europe. En effet, l'idée globale de ce livre est une énorme déception de ce que l'Europe a pu générer en termes culturels, et qui pour autant n'a pas épargné de nombreuses horreurs commises pendant la guerre. L'auteur écrit ainsi "L'Europe n'a jamais su devenir ce qui aurait pû la faire naître : une concrétisation vécue de son imaginaire. Elle n'a jamais su donner à vivre ses chefs d'oeuvre, laissant la musique à la musique, le poème au poème, l'esprit à l'esprit. Elle les a ainsi condamné à un exil que plus tard au XXème siècle, on appellera aliénation". Durant tout l'ouvrage, les personnages côtoient d'illustres célébrités (auteurs, politiques, artistes peintres,....), mais dans la mesure où tous les personnages sont potentiellement fictifs, cela rend les apports de ces personnalités quasiment inutiles à la société, exactement ce que le héros ressent après avoir été victime de la guerre.
Je conseille néanmoins la lecture de cet ouvrage, que ce soit sur la vision du clivage culture/réalité ou sur cette histoire d'amour que vit le héros, certains passages sont magnifiques !
Commenter  J’apprécie          22
C'est mon tout premier roman de Romain Gary. Danthès, diplomate français, est confronté à deux femmes : Malwin von Leyden, qui représente la vieille Europe, celle des Lumières et de la culture et Erika, qui représente l'Europe du XXe siècle, celle des atrocités totalitaristes. Danthès entend rappeler à ses contemporains les véritables valeurs européennes que le XXe siècle a voulu supprimer. Mais il est conduit à se réfugier dans son imagination pour y vivre le rêve européen, car dans le « monde réel », l'Europe a souillé ses valeurs. Les personnages féminins sont particulièrement bien explorés, il est difficile de discerner l'imaginaire du réel …
Commenter  J’apprécie          20
La lecture de "La vie devant soi" ne m'avait guère préparée à l'expérience que je viens de vivre avec celle "d'Europa", roman méconnu de Romain Gary, caractérisé par une intrigue riche et complexe, une écriture foisonnante et une construction labyrinthique.

Dans ce récit à la réalité fluctuante, où les faits sont sans cesse réinventés, revisités, dont vous n'êtes jamais vraiment sûr de capter le sens, l'auteur met en scène des personnages à la texture presque impalpable, qui ignorent eux-mêmes s'ils sont réels ou le fruit de l'imagination d'autrui.

Danthès, la cinquantaine passée, ambassadeur de France en Italie, en poste à Rome depuis un an, voit là le couronnement de sa carrière. Il a récemment fait la rencontre d'Erika, fille de Malwina von Leyden, avec laquelle il eut une aventure trois décennies auparavant. Malwina n'a depuis lors qu'une obsession : se venger de Danthès, qui l'aurait lâchement abandonnée après qu'elle se fut retrouvée paralysée à la suite d'un accident dont elle l'estime responsable.

Malwina est un personnage ambigu et haut en couleur. Cette invalide aurait vécu de multiples existences à travers les siècles -le XVIIIème étant son préféré-, et entretenu des liens privilégiés avec certaines des plus grandes figures européennes, tels les Médicis, Goethe, Nostradamus ou encore Louis II de Bavière. Elle vit ainsi dans un monde où s'abolit la frontière entre les siècles, menant avec Erika et son mari le baron von Putz Zu Sterne une existence de saltimbanque, s'adonnant à sa passion du jeu et exerçant ses prétendus dons de voyance pour combler les pertes financières occasionnées par la dite passion, avec un succès plus que relatif.

Tous ces héros sont parés d'un caractère insaisissable dont certains subissent fortement les aléas : Danthès ressent par intermittences une sorte d'effacement, de perte d'identité, Erika a des absences desquelles elle émerge complètement amnésique... Ils sont ainsi dotés à la fois d'une superbe que leur confèrent leur statut social, l'étalage de leur culture, et leurs manières aristocratiques, et d'une superficialité due à cette impression qu'ils ne sont pas tout à fait réels, mais aussi parce qu'ils évoluent dans un univers qui oscille constamment entre fiction et réalité, où le temps paraît tantôt se dilater, tantôt "hoqueter" (certaines scènes revenant en boucle), passé et présent finissant par se fondre dans un espace temps insolite et comme immobile.

Il est par conséquent parfois difficile de ne pas se perdre dans "Europa". On ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la frontière entre hallucination et vérité, entre faits et songe, entre mésaventure vécue ou seulement anticipée...

Et non content de nous offrir un récit déjà fascinant par son intrigue à tiroirs et l'atypisme de ses personnages, Romain Gary nous livre, par l'intermédiaire de Danthès, une réflexion captivante sur la nature et le devenir d'une Europe qui voit la légitimité de ses idéaux remis en question par les événements ayant agité le XXème siècle.

L'ambassadeur prend conscience que l'idée qu'il se faisait du vieux continent est caduque et faussée, inspirée d'un romantique "vague à l'âme" déconnecté de la réalité, héritée d'un siècle des Lumières durant lequel on a conceptualisé les problématiques humaines et sociales. Il en a peu à peu émergé une Europe purement mythologique, celle des grandes et honorables idées, d'une culture rayonnante, dont la priorité était secrètement donnée à la beauté. Beauté des principes, des arts, des notions, l'homme lui-même étant davantage "pensé" dans une esthétique abstraction que reconnu dans sa nature et sa réalité... L'"esprit européen" n'était donc finalement qu'un leurre, une imposture qui s'efface derrière une réalité sociale et économique inacceptable, et qui surtout a été foulé du pied avec une impitoyable violence par les horreurs -avec comme apogée celle des camps de concentration- perpétrées au cours du XXème siècle. Danthès ayant lui-même passé deux ans à Dachau ne peut que constater la mort de l'idéal européen auquel il a cru si longtemps. Et il ne voit pas comment soigner l'Europe de sa schizophrénie, faire cohabiter ses aspirations hautement esthétiques et intellectuelles avec la souffrance et l'abêtissement des hommes paraissant inconcevable.

"Europa" est donc un roman dont dont la lecture n'est pas toujours confortable, mais qui force l'admiration par sa maîtrise et la diversité des sujets abordés.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (189) Voir plus



Quiz Voir plus

Tout sur Romain Gary

Dans quelle ville est né Romain Gary ?

Kaunas
Riga
Vilnius
Odessa

12 questions
609 lecteurs ont répondu
Thème : Romain GaryCréer un quiz sur ce livre

{* *}