AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,34

sur 1361 notes
5
88 avis
4
33 avis
3
6 avis
2
1 avis
1
0 avis
Un pas de côté.
Pour vivre, surtout pendant la guerre, incompréhensible... pour vivre donc, il faut savoir raison garder et saupoudrer la réalité d'un brin de folie. Ludovic Fleury, élevé - dans tous les sens du terme - par son oncle, le facteur fabriquant de cerfs-volants aux effigies toujours renouvelées (dont un De Gaulle), traverse cette période avec une forme d'optimisme et de courage insensés, et un amour indéfectible pour une femme fragile et altière, qui se cherche et se fourvoie.
Avec ce précieux décalage qui transforme parfois sa prose en poésie, Romain Gary nous entraîne dans un roman qui mêle la destinée du restaurant trois étoiles de son ami Marcellin, à la Résistance française ou au combat des Justes.
Un savant dosage qui transforme cette histoire simple en un récit fabuleux à travers une France bouleversée par l'occupation allemande.
Commenter  J’apprécie          340
Chef d'oeuvre !

Le premier qualificatif qui m'est venu, dès les premières pages, et qui revient à l'issue de la dernière, c'est "charmant".
Oui, quel charme dans ce roman ! Malgré le contexte de Seconde Guerre Mondiale et d'occupation allemande, Romain Gary a parsemé d'un charme un brin fantasque tout ce roman.

Ses personnages d'abord, au premier rang desquels je placerais Ambroise, l'oncle abîmé par la vie, revenu des tranchées où il a perdu deux frères. Il a recueilli Ludo, notre narrateur et lui transmet l'art de garder et raviver l'espoir en parsemant le ciel de cerfs-volants colorés. Facteur timbré ? Sa douce folie, face aux évènements de 1940, devient une force.
Marcellin Duprat aussi, fait preuve d'un indéniable charme dans son entêtement à préserver la France au travers de sa gastronomie.

L'histoire d'amour a également ce charme fantasque et touchant. Cette Lila, sa quête identitaire, sa loyauté à plusieurs jeunes hommes, sa façon de mener tout le monde par le bout du nez alors même qu'elle manque de confiance. Surtout, Ludo y croit, envers et contre tout, à cet amour. Par delà les classes sociales qui rendent leur union inimaginable, par delà les heures sombres de l'histoire qui les séparent et les laissent sans nouvelles pendant des mois. Par delà les kilomètres qui s'immiscent entre eux. Il le croit, qu'il va la retrouver, sa Lila. Et en attendant, il la fait vivre dans son imagination, en utilisant sa mémoire. Timbré lui aussi Ludovic ? Sa douce folie amoureuse devient sa force et fait de lui cet homme courageux qui résiste à l'occupant allemand au péril de sa vie, pour accélérer ses retrouvailles.

Et puis le charme de cette plume ! Gary y déverse ce qu'il a de tendresse et d'humour. de tendre ironie. J'ai souri, souvent, tendrement. Je me suis tant attachée à Ambroise, Ludo, Marcellin et à ces cerfs-volants, symboles d'espoir et de liberté, comme un pied de nez aux allemands, comme une affirmation d'une certaine idée de la France. D'une si belle idée de la France.

Ah Gary ! Comment un homme capable d'écrire l'espoir avec autant de talent, en a-t-il manqué au point de mettre fin à ses jours quelques mois seulement après avoir écrit ce livre ?
Commenter  J’apprécie          334
Romain Gary situe son roman avant et pendant la seconde guerre mondiale, sur plus d'une dizaine d'années. Pour l'essentiel l'action a lieu en Normandie près de Cléry, mais quelques scènes se déroulent aussi à Paris et à Grodeck, en Pologne, au bord de la Baltique à dix kilomètres de la frontière allemande.
Le livre raconte l'histoire d'amour qui nait entre deux enfants de milieux très différents Lila, la fille d'une famille d'aristocrates polonais qui possède le château du village et Ludo, 10 ans au début du roman et 23 ans à la fin, orphelin élevé par son oncle, Ambroise Fleury. Cet oncle est un personnage haut en couleurs, facteur rural surnommé dans le pays le « facteur timbré », devenu pacifiste après le traumatisme de la première guerre mondiale, Ambroise Fleury est un homme à la mémoire historique très aigüe. Il passe son temps de manière obsessionnelle a créé des cerfs-volants qui célèbrent la France, son histoire et ses grands personnages.
Ludo et Lila vont devoir trouver un chemin dans cette période de troubles et de chaos.
C'est un très bon roman qui décrit avec beaucoup d'imagination, des rebondissements et un certain suspens, cette aventure tragique et humaine tout au long de la période. Outre les trois personnages déjà évoqués, Romain Gary met en scène quelques autres personnages dont les traits de caractère et les personnalités sont finement décrits : les proches de Lila comme Hans, son cousin allemand ; Stas Bronicki, son père ; Tad, son frère ; Bruno, son frère adoptif ; mais aussi le général von Tiele dirigeant la Wehrmacht en Normandie, Julie Espinoza, alias la Gräfin Esterhazy, mère maquerelle convertie au renseignement pour le compte de la résistance, Marcellin Duprat, chef cuisinier de renom, ami d'Ambroise Fleury.
Les cerfs-volants sont présents tout au long du récit. Ils sont eux aussi en quelque sorte un personnage. Ils expriment l'état d'âme d'Ambroise Fleury, la quête du bleu et de l'élévation de l'esprit. Ils sont l'expression de la mémoire, ils sont un appel à la résistance, à ne pas accepter la réalité. Plus simplement aussi, ils sont une ode à la joie et à l'enfance.
La guerre est bien entendu un personnage incontournable du roman, elle transcende certains personnages et permet de révéler ce qu'il y a de mieux en eux, ou dit autrement elle peut masquer la médiocrité. Ce qui est une idée force de Gary : « Je me disais que les nazis allaient beaucoup nous manquer, que ce serait dur, sans eux, car nous n'aurions plus d'excuses. »
Commenter  J’apprécie          290
Dernier roman de Romain Gary, peut-être un testament...
Deux parties très distinctes : avant la deuxième guerre mondiale, et pendant celle-ci.
On rencontre Ludo, 10 ans, en 1929 en Normandie. Il est élevé par un oncle vétéran de la grande guerre, qui crie son pacifisme par la confection de merveilleux cerfs volants à la dimension symbolique. Il nous montre le monde tel qu'il devrait être sans sa violence aveugle et stupide. Son meilleur ami est le chef trois étoiles du restaurant "le clos joli", pour son propriétaire la représentation la plus puissante de la France éternelle...
Ludo fait à dix ans la connaissance d'une aristocrate polonaise, Lila Bronicka. Elle reste dix minutes auprès de lui, mange toutes ses fraises, et lui dit qu'elle reviendra peut-être le lendemain. Il l'attend quatre ans. Dans cette famille, on ne peut pas oublier. Il souffre tous d'un trop plein de mémoire. Lila revient enfin, ils se lient d'amitié et plus encore, et vont traverser des heures sombres.
La première partie est divine de grâce. Cela ressemble un peu au Grand Meaulnes, avec les fêtes et le château des Polonais, et Le Normand campagnard. L'humour débridé de Gary en plus, car tout le monde est fou et fantasque dans les deux familles normande et polonaise. Duels pour les beaux yeux de Lila avec le cousin allemand, cracks boursiers pour le comte Bronicki, ruiné toutes les deux heures, comtesse qui rattrape tout en usant de ses charmes, et le maitre du Clos Joli qui ne pense qu'à ses menus truffés...
La deuxième partie, bien sûr, vient détruire ce fragile édifice. Disparitions, bombardements, résistance, épuration ...Mais on dirait que Gary s'est lassé, qu'il en a marre de cette guerre. Il aurait pu aller plus loin, il passe vite, finalement. Et le monde qui sort du marasme a perdu son enchantement.
Malgré les cerfs volants et les pâtés aux truffes.
A une époque, on ne parlait pas de la guerre, ceux qui l'avaient vécu étaient encore jeunes et bien vivants. On ne regardait pas le mal en face, on n'entendait pas la voix des justes et des déportés, comme l'oncle de Ludo, passé par Auschwitz. Ce silence a pesé sur Romain Gary, sur sa sensibilité exacerbée, sur son sens de l'honneur, sa haine de la bêtise et de la violence. La lassitude a-elle fini par s'emparer de lui ? Où n'est passé cette France éternelle que vantent ses héros à la mémoire trop vive ? Celle qu'ils ont appris à l'école publique, comme il le répète dans tout le texte ? Marre d'attendre qu'elle revienne, peur qu'elle n'ait disparu, crainte qu'elle n'ait jamais existé ? La fin du texte se perd dans un avenir terne, sans folie, sans rires et presque sans espoir.
Commenter  J’apprécie          290
Quel bonheur de retrouver la plume de Romain Gary ! Et d'autant plus que j'avais eu une petite déception à la lecture de Gros-Câlin. J'étais restée insensible à la poésie de ce roman qui m'avait même profondément ennuyée. Heureusement, ça n'a pas été le cas avec Les cerfs-volants.

Le premier tiers du livre pose les bases, nous permet de faire connaissance avec ses (nombreux) personnages et de découvrir des personnalités colorées et atypiques. Si je ne me suis pas ennuyée en lisant cette première partie, je l'ai quand même trouvée un peu longue parfois. Nous sommes au début des années 1930. La Première Guerre mondiale a laissé des traces dans les esprits et chacun vit un peu comme il peut. En tout cas, certains – ceux qui ont moins de mémoire que les autres – sont peut-être plus avantagés que ceux qui souffrent d'un « excès de mémoire » comme c'est le cas des Fleury. Ludo est un Fleury. Il souffre donc de ce « mal ». Il n'a qu'une dizaine d'années lorsqu'il rencontre Lila, l'amour de sa vie, une petite Polonaise agaçante qui, selon son frère Tad (lui-même anarchiste), souffre d'un « excès d'elle-même ». Ludo vit chez son oncle et tuteur Ambroise, dit « le facteur timbré » et travaille un moment au restaurant le Clos-Joli dont le chef, Marcellin Duprat, ne conçoit la grandeur de la France qu'à travers sa gastronomie. Les nombreuses énumérations des plats gastronomiques et spécialités du Clos-Joli m'ont mis l'eau à la bouche à plusieurs reprises : soupe crémière d'écrevisses de rivière… galette feuilletée aux truffes au vin de Graves… loup à la compotée de tomates…, etc. Et au milieu de ces personnages fascinants (et de ces plats appétissants), les cerfs-volants de l'oncle Ambroise s'élèvent et volent à la poursuite du « bleu ».

Après la première partie du livre, j'ai été happée par l'histoire. Et plus l'intrigue avançait, plus je le trouvais passionnant : l'imminence du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la guerre elle-même, la résistance, les arrestations, etc. Et toujours les cerfs-volants qui, eux aussi, ont résisté comme ils ont pu, parfois au ras du sol.

Les cerfs-volants est un roman magnifique, très poétique. Il vaut d'abord pour ses personnages principaux qui ont, tous, beaucoup de caractère. Ils évoluent aussi, tout au long de ces années, ce qui leur donne de la profondeur. Et les passions des différents personnages (Ambroise pour ses cerfs-volants, Marcellin pour la gastronomie française, Ludo pour Lila, Lila pour elle-même, etc.) sont bien étudiées. Par ailleurs, Les cerfs-volants, c'est aussi la belle plume de Romain Gary qui magnifie les mots, même les plus simples. Enfin, et de façon plus terre-à-terre, j'ai trouvé le récit de l'organisation de la résistance et de la vie quotidienne lors de l'Occupation vraiment très intéressant.

Au-delà de la guerre et de ses tourments, Les cerfs-volants est un livre sur l'amour, la mémoire, la folie, les rêves. C'est un livre qui nous permet de nous questionner, autant que Ludo (et les autres d'ailleurs) : vaut-il mieux savoir raison garder ou garder sa raison de vivre ? Après avoir lu ce roman, le dernier de Romain Gary, j'ai ma petite idée sur la question…
Commenter  J’apprécie          287
Ce récit m'a surprise, je ne m'attendais pas à l'aimer autant. En effet, malgré un début un peu long, ce qui lui fait perdre sa petite étoile, ce récit m'a subjugué.

Romain Gary a une narration douce qui est très agréable. C'est un bon récit mais aussi, un beau récit. Il y retrace différentes émotions humaines, l'amour, évidemment, mais également la jalousie, la peur et l'amitié. J'ai trouvé qu'humainement, c'était réaliste et qu'historiquement c'était très bien construit. Il n'enjolive rien. Il a une jolie façon de raconter la résistance et la Résistance, sous toutes leurs facettes. De plus, dans ce réalisme, il montre l'amitié franco-allemande qu'il décrit si brillamment, il nous prouve qu'il n'y a pas des "gentils" et des "méchants", mais des êtres humains multiples dans leurs actes et leurs émotions.

J'ai vraiment adoré son récit et je ne m'y attendais pas. Il met en valeur l'espoir et les différentes raisons pour lesquelles on aurait envie d'avancer dans la vie. Je suis au bord du coup de coeur. Je n'ai pas encore décidé...
Commenter  J’apprécie          283
Un très grand livre ! qui était ( honte à moi!) passé à travers les mailles de mon admiration pour Romain Gary ( un des mes 3 auteurs préférés avec Giono et Albert Cohen) ...chose faite et j'ai retrouvé cette belle plume mise au service d'une belle histoire , pure, toute en souffrance et en espérance. Dernier livre de Romain Gary, paru 6 mois avant son suicide.....je n'ai pas senti justement cette touche de désespoir....au contraire....peut être justement écrire ce livre a t il été une antidote pour lui....à lire, absolument.
Commenter  J’apprécie          260
4e de couverture : Pour Ludo, le narrateur, l'unique amour de sa vie commence à l'âge de dix ans en 1930, lorsqu'il aperçoit dans la forêt de sa Normandie natale la petite Lila Bronicka, aristocrate polonaise passant ses vacances avec ses parents dans leur manoir. Depuis la mort des siens après la Première Guerre, le jeune garçon a pour tuteur son oncle Ambroise Fleury, dit « le facteur timbré » parce qu'il fabrique de merveilleux cerfs-volants connus dans le monde entier. Doué de l'exceptionnelle mémoire « historique » de tous les siens, fidèle aux valeurs de « l'enseignement public obligatoire », le petit Normand n'oubliera jamais Lila. Il essaye de s'en rendre digne, étudie, souffre de jalousie à cause du bel Allemand Hans von Schwede, devient le secrétaire du comte Bronicki avant le départ de la famille pour la Pologne, où il les rejoint au mois de juin 1939, juste avant l'explosion de la seconde guerre mondiale qui l'oblige à rentrer en France.
Alors la séparation commence pour les très jeunes amants.
Les cerfs-volants de l'oncle Ambroise, emblèmes de liberté, de fidélité aux valeurs humanistes et à leurs créateurs et défenseurs, vont soutenir Ludo, autant que son étonnante faculté de souvenir. S'il entre dans la résistance, s'il fait tout pour retrouver Lila dont on affirme qu'elle serait passée du côté des Allemands, s'il s'acharne à réaliser contre l'occupant les exploits les plus périlleux, c'est que sa mémoire vole dans le ciel de la fidélité et de la foi, tout comme les créations de l'oncle Ambroise déporté à Buchenwald. le jeune homme sait, à travers les drames de la conquête, du Débarquement et de la Libération, que Lila a traversé les épreuves avec ténacité et honneur, au prix de cruels sacrifices, afin de devenir enfin sa femme. Il sait, avec tout autant de certitudes, qu'Ambroise et ses cerfs-volants sortiront sains et saufs de leur traversée de l'enfer.

Mon avis : La quatrième de couverture en dévoile beaucoup trop à mon goût. Inutile de présenter Romain Gary, un écrivain connu et talentueux.
Que dire de plus de cette oeuvre, véritable ode à l'amour et à la vie, écrit dans un style impeccable ?
370 pages qui se dévorent : le parcours de Ludo, son histoire et L Histoire qui s'en mêle, sa pugnacité et toujours sa foi en l'amour, en la vie.
Roman bouleversant de Romain Gary que bien évidemment je ne peux que conseiller à ceux qui ne l'ont pas encore lu.

À lire avec du soufflé aux pommes sures (un cake aux pommes fera l'affaire), un café suivi d'un petit verre de cognac (p. 303), en écoutant La Polonaise de Chopin.

Instagram : @la_cath_a_strophes

Commenter  J’apprécie          252
J'ai mis un peu de temps pour venir à Romain Gary et, à vrai dire, je ne connais encore que fort incomplètement sa bibliographie dont je ne sais pas encore tout ce qu'elle me réserve, ni quand je m'y plongerai plus ardemment. Ce que je sais en revanche, c'est que je m'étais promis, après « Les Racines du Ciel » et « La Vie devant Soi » que, sans attendre et coûte que coûte, je lirai « Les Cerfs-Volants » pour le tout le bien qu'on m'en a dit mais surtout pour son résumé et pour la beauté de sa couverture. Je savais que je ne serai pas déçue…
Le coup au coeur fut si grand que s'en est presque désespérant… Et je me dis qu'après ça, il me faudra du temps pour avoir envie d'un autre roman de Romain Gary… Qu'après ça, les autres seront toujours un peu moins… Moins poétique, moins douloureux, moins intense… Je suis peut-être injuste et hâtive mais je n'y peux rien. J'ai eu trop de bleu, trop de ciel et trop de lumière le temps de ma lecture pour ne pas la juger si forte qu'elle en surpasse forcément les autres. Aux racines du ciel, j'ai préféré sa nuée et ses tempêtes, surtout quand on craint de ne pas avoir la vie devant soi
« Les Cerfs-Volants » est d'une intensité et d'une beauté bouleversantes et c'est d'autant plus troublant quand on sait que ce roman fut le dernier pour son auteur qui quelques mois à peine après sa parution décida de mettre fin à ses jours. J'espère qu'il a trouvé le bleu à son tour, loin du gris de ce monde qui devait lui faire tant de mal… Testament littéraire « Les Cerfs-Volants » ? Peut-être bien tant on semble y retrouver les thèmes chers à son auteur : l'amour bien sûr, encore et toujours, l'amour absolu ; le pouvoir infini de l'imagination et de la poésie, la guerre, la fraternité, l'espoir en l'avenir malgré tout et envers et contre tout, la liberté d'agir et de penser, la liberté tout court… Testament de lumière et de beauté… C'est étrange de se dire qu'un texte si lumineux puisse avoir été écrit peu avant que son auteur ne se donne la mort… ça fait comme une épine dans le coeur, une boule au ventre… Romain Gary nous a offert tout l'espoir qui lui restait, tout le beau et la lumière. « Les Cerfs-Volants » sont un cadeau.
Le roman est une magnifique histoire d'amour doublé d'un récit historique passionnant qui court de l'aube des années 30 – cette aube qui ne tint aucune de ses promesses- à 1945 et s'empare donc de cette époque noire qu'il fait revivre grâce à des personnages flamboyants, touchants et parfois décalés, une bonne dose de suspense et un sens certain du romanesque et un ton, une langue à nulle autre pareil, subtil mélange d'humour et de gravité, de dureté et de poésie. Grâce, enfin, à une imagination stupéfiante.
Le petit Ludo a à peine dix ans lorsqu'il rencontre la belle et fantasque Lila, petite aristocrate polonaise en villégiature dans la Normandie du petit orphelin qu'élève seul un oncle rentré cabossé de Verdun et qu'on dit fantasque dans le pays. L'homme est un original, un doux illuminé, un poète à sa manière : quand son travail d'employé des postes lui en laisse le temps, il fabrique -par dizaines- des cerfs-volants qu'il pare des couleurs les plus chatoyantes et qu'il fait voler comme des oiseaux dans un ciel de plus en plus lourd.
Ludo sait, dès leur première rencontre, qu'il n'aimera jamais que Lila et qu'il ne pourra plus vivre sans elle. Amour fou, amour d'enfant qui colore et conditionne sa vie entière. Pour se rendre digne de sa Lila, il fera tout. Tout et même devenir un héros de cette France qui rend les armes en 1940 et qui devra résister. Cette histoire touchée par la grâce permet à Gary qui fut compagnon de la Libération de parler une dernière fois de la Seconde Guerre Mondiale, de sa barbarie, de ceux qui ont résisté. de parler d'espoir et de liberté, de quête plus grande que soi. « Les Cerfs-Volants » dénoncent l'absurdité de la guerre et la bêtise crasse de l'être humain autant qu'il célèbre la vie, l'amour et ces gens qui ne se clament d'aucune chapelle, qui ont fait ce qu'ils estimaient devoir faire. Ces gens un peu bancals aussi, un peu à l'ouest.
Tout est beau dans ce roman, tout est intense.
L'amour fou, Lilia et Ludo bien sûr, mais les cerfs-volants aussi, symboles de vie et de résistance contre la barbarie, légers malgré le poids du ciel et de la peur. Colorés malgré le gris. Et des couleurs, dieu sait qu'il en faut pour vivre. Il est des cerfs-volants comme des fleurs ou des oiseaux, il en faut. Hier et aujourd'hui encore. Encore et toujours, chercher un cerf-volant et s'y agripper…
Les Cerfs-Volants et les personnages secondaires qui broient le coeur : Bruno, Hans. L'inénarrable et non moins truculent Duprat pour qui cuisiner est aussi résister.
Ambroise Fleury enfin. le résistant, le pacifiste, le rêveur, le faiseur de cerfs-volants, l'oncle de Ludo. J'ai une affection toute particulière pour les rêveurs. Ce monde est si peu fait pour eux, il les piétine tellement et pourtant on a tellement besoin d'eux… Et puis, parce que moi aussi, j'ai eu un oncle qui est devenu mon père quand j'ai perdu le mien, j'ai une tendresse pour tous ces oncles aimants de la littérature, ces pères de sang et d'élection. Et le mien, d'oncle, il a en lui quelque chose d'Ambroise Fleury, les cerfs-volants en moins, les fleurs et les oiseaux en plus.

Commenter  J’apprécie          253
Qu'il est difficile de donner à avis lorsqu'on ressort d'une lecture de Romain Gary ! ...
Encore une fois, on plonge avec délectation dans l'écriture humaniste et poétique de ce grand écrivain.
On y retrouve des traces de son merveilleux La vie devant soi, avec ce garçon Ludo qui donne de l'espoir en l'espèce humaine; mais aussi avec son superbe La promesse de l'aube, avec son romantisme, être prêt à tout pour son amoureuse.
Je ne vais pas faire toutes les analogies d'avec ses autres romans mais on y retrouve tout ce qu'on aime : l'amour, la fraternité, l'espoir; le tout dans un monde où le manichéisme est absent et la folie une arme d'espoir.

On ne se lasse pas de lire et relire certains passages, ses adages par dizaine que l'on veut retenir pour garder une philosophie positive en tête.

Un pur bonheur de lecture !
Commenter  J’apprécie          250




Lecteurs (3791) Voir plus



Quiz Voir plus

Tout sur Romain Gary

Dans quelle ville est né Romain Gary ?

Kaunas
Riga
Vilnius
Odessa

12 questions
616 lecteurs ont répondu
Thème : Romain GaryCréer un quiz sur ce livre

{* *}