AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,72

sur 181 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Travestissements, libertinage, bisexualité: le roman a scandalisé les critiques en son temps: «Le livre de M. Gautier est de ceux dont on ne peut parcourir une page sans le fermer aussitôt avec dégoût et indignation.» Heureusement, maintes fois réédité entre 1851 et 1883, il l'est encore aujourd'hui.
Mademoiselle de Maupin n'est pas qu'un roman libertin, où les corps recherchent la volupté et les personnages s'émancipent des codes que leur société leur a imposés, des rôles dans lesquels elle les a cantonnés.
Mademoiselle de Maupin est une jeune femme en âge de se marier. Mais son éducation l'a empêchée de connaître les hommes. Elle suppose que les hommes ont un double langage et une double vie : ils sont différents quand ils sont parmi les femmes et quand ils sont entre eux. Elle décide donc de se déguiser en homme pour vivre parmi eux en tant qu'homme et apprendre à les connaître. Mais non seulement va-t-elle les connaître, mais elle va se découvrir elle-même : elle n'est pas une petite chose fragile et débile.
«Sous mon front poli et mes cheveux de soie remuent de fortes et viriles pensées ; toutes les précieuses niaiseries qui séduisent principalement les femmes ne m'ont jamais que médiocrement touchée.»
C'est travestie en homme qu'Albert le héros, totalement hétérosexuel, va la rencontrer… et tomber amoureux d'elle, ou plutôt de lui. Albert-Théophile Gautier est amoureux de la beauté, de l'idéal de la beauté que représente Madeleine de Maupin qu'Albert pense être un homme.
«J'aime un homme, Silvio. J'ai cherché longtemps à me faire illusion. J'ai donné un nom différent au sentiment que j'éprouvais, je l'ai vêtu de l'habit d'une amitié pure et désintéressée. J'ai cru que cela n'était que l'admiration que j'ai pour toutes les belles personnes et les belles choses (…) je reconnais maintenant dans quelle profonde et terrible voie je me suis engagé. Il n'y a pas à se le cacher : je me suis bien examiné, (…) j'ai fouillé mon âme dans tous les sens avec cette sûreté que donne l'habitude d'étudier sur soi-même. Je rougis d'y penser et de l'écrire, mais la chose, hélas ! n'est que trop certaine, j'aime ce jeune homme, non d'amitié, mais d'amour. Oui, d'amour.»
Mademoiselle de Maupin, ne vous avisez pas de me le piquer ou je vous maudis à jamais !

Là est le conflit, là est le noeud du roman, noeud qui, vous vous en doutez bien, est le point de départ du scandale qu'a provoqué ce sublime, ce merveilleux, cet idéal de roman ! Ok, je suis totalement fan de Théophile Gautier, j'assume !
L'androgynie qui définit Madeleine constitue l'idéal esthétique de d'Albert : la quête amoureuse de ce héros romantique illustre la tension entre l'aspiration à un idéal et l'amour de la réalité matérielle. Les deux personnages offrent ainsi une réflexion sur les rapports conflictuels entre l'esprit et le corps, entre le rêve et le réel.

Lien : https://www.gabrielle-dubois..
Commenter  J’apprécie          101
Gauthier nous conte candidement les questionnements et agissements d'une très charmante jeune femme qui se sent un peu limitée par son sexe. Elle souhaite en outre voir comment les hommes se comportent entre eux avant de leur donner sa virginité. Pour ce faire, elle se travestit et sa vie de chevalier lui sied si bien qu'elle découvre combien les hommes sont vulgaires et animaux mais aussi combien les frontières du sexe ne sont pas si bien délimitées que la société veut bien nous le faire croire. Une histoire bien moderne qui a dû faire scandale à l'époque !
Commenter  J’apprécie          50
La publication, en 1835, de Mademoiselle de Maupin, le premier roman de Théophile Gautier, provoque un scandale. L'indignation vient d'abord du sujet du roman, qui défie la morale et les bonnes moeurs de l'époque : l'héroïne, Madeleine de Maupin, se fait appeler Théodore, se travestit en homme et voyage ; en quête de Vérité, elle veut découvrir la véritable nature des hommes…

Mais c'est surtout la Préface de Mademoiselle de Maupin qui suscite des réactions indignées : en effet, Théophile Gautier y critique la société et la politique de son temps, en s'attaquant surtout aux journalistes, en s'insurgeant contre la moralité prônée dans les journaux. Car, Gautier l'affirme, l'art n'a pas à être vertueux, moral ou moralisateur. Dans cette Préface, Gautier expose en effet sa théorie sur l'art (au sens large du terme : le mot art désigne ici à la fois la création artistique, poétique et littéraire).

La préface de Mademoiselle de Maupin est aujourd'hui célèbre, mais à l'époque elle a été jugée très sévèrement, comme le roman, et Théophile Gautier n'a été soutenu et félicité que par ses amis Victor Hugo et Honoré de Balzac.
Commenter  J’apprécie          30
Sûrement mon livre préféré de Gautier, un livre comme peu en ont écrit à l'époque et que personne ne peut même essayer d'atteindre.. Mademoiselle de Maupin est un peu le personnage que l'on rêve tous de devenir, une beauté exceptionnelle et un charme à couper le souffle, qu'elle porte une jolie robe de bal ou un habit de chasse ; et qui plaît autant aux hommes qu'aux femmes..
Commenter  J’apprécie          20
De tous temps Théophile Gautier aura été le représentant d'une philosophie artistique absolument exprimée pendant longtemps mais quelque peu tombée en désuétude de nos jours – à mon avis, malheureusement – : le Parnasse, ce groupe d'écrivains partisans de « l'art pour l'art » sans aucun message, aucune arrière-pensée, aucune idéologie, aucun sous-entendu exprimé. L'idée était à l'insurgence envers l'utilité de l'art, que celle-ci ne devait être que l'expression d'un paysage psychique, l'apport de sensations, et non l'expression d'une idéologie et dénonciation quelconque. C'est d'ailleurs pour cette idéologie que la préface de ce roman, rédigée par l‘auteur en mai 1834, a longtemps été plus célèbre que le roman en question. A l'époque où les préfaces font office de pamphlets, celle-ci était éclatante, presque romantique ; comme une préface de Cromwell – où Hugo faisait l'apologie du drame romantique – où ici tout message est disculpé par une mise en situation obscure, presque métaphysique, complètement littéraire et psychique. Nous rencontrons tous les dieux dans une démarche purement artistique pour annoncer la couleur du texte qui suivra ; chaque message disposé dans une oeuvre dénature celle-ci, elle supprime même son caractère d'oeuvre d'art pour en faire autre-chose de différente en fonction dudit message, il ne faut pas qu'une oeuvre soit utile, car cela enlèverait sa beauté, caractérielle dans une oeuvre d'art : tout ce qui est beau est inutile, et, à l'inverse, l'utile est laid. On pense directement à cette fameuse phrase tirée de la préface en question : « L'endroit le plus utile d'une maison, ce sont les latrines. » de plus, c'est gratuitement que Gautier nous offre son avis sur les critiques et la presse, comme des écrivains manqués qui ne ciblent que l'envie, où des divulgâcheurs qui ne méritent pas de travailler car occultent le Beau pour le rendement et l'annonce. J'ai trouvé ce pamphlet absolument éclatant de beauté, c'était très puissant, voire assez violent ; c'est personnellement une image de l'art que j'adore, l'art inutile dans une quelconque dénonciation que ce soit, mais nécessaire à nos vies trop remplies par l' « utile », et en découvrir ici les fondements m'a profondément marqué. C'était une brillante préface.

Maintenant si l'on parle du roman en lui-même, je l'ai trouvé vraiment amusant. Vous ne pourriez imaginer à quel point j'ai ris ! C'est un roman dans lequel il ne se passe pas grand-chose, c'est un triangle qui semble particulièrement basique : l'un qui aime l'autre qui aime un troisième. Mais fait amusant : chacune des flèches reliant les amants de cette figure sont des flèches à double sens, ainsi chacun est tombé dans les bras de l'autre, et chaque autre est tombé dans les bras des uns, petit à petit, au fil de l'histoire et des retournements de situation. C'est un ouvrage qui, comme l'initie la préface, ne prône rien, ne défend rien, ne dénonce rien non plus. C'est un ouvrage se consacrant seulement au Beau, si bien qu'il ne s'y passe franchement presque rien sauf quelques échanges de lettres et quelques échanges sentimentaux, mais il y a de très longues et fructueuses descriptions de beautés physiques, beautés morales, qui prennent des pages entières. C'est absolument discordant de beauté, une vraie oeuvre d'art et un chef d'oeuvre descriptif, si bien qu'on aurait parfois l'impression d'avoir en face yeux non plus des mots mais des peintures extrasensorielles. le récit est à la fois suranné et actuel, c'est très étrange ; nous ferons la connaissance d'un être enchanteur, cible de beaucoup de réflexions sur la Beauté recherchée par d'Albert, personnage principal : un personnage qui se rapproche beaucoup du mythe de l'androgyne, un personnage à la fois homme, à la fois femme, les deux à la fois, et en même temps aucun des deux. Ce personnage se voudra, de plus, presque parfaitement bisexuel. C'est tout de même un fait très intéressant pour un ouvrage du XIXe siècle, c'est à notifier, et tout cela s'accentue dans une perspective de beauté. J'ai cru qu'il y aurait une assimilation entre le mythe de l'androgyne et une potentielle transidentité du personnage en question, car il tient des discours tendancieux – à savoir le fait de se regretter d'un tel genre, se préférer dans un autre, que son sexe et son identité ne sont pas les mêmes, etc. Mais tout cela est rompu lorsque l'on dépasse ce stade et que ce personnage se proclame d'un « troisième genre ». C'est si beau à lire, et les envolées lyriques qui en découleront seront tout autant éclairantes. On découvrira toutes les étapes de la mise en relation entre deux amants, avec de nombreux hauts et bas : l'énamourement, la découverte de l'autre, les émois amoureux (qui sont parfois très étranges et décris avec une parcimonie hilarante), l'ennui, l'ennui de l'autre, la détestation, le détachement… Tout tient son rôle selon un cercle qui ne saurait se rompre que si l'on tombe sur l'être qui fera découvrir la Beauté d'une relation qui vaut non seulement d'être vécue, mais qui vaut aussi la mort lors de la séparation. Vous l'aurez compris, tout ici est recherche de Beauté, et j'ai adoré cela. C'était si émouvant parfois, si touchant, tant dans les refus de certains personnages envers d'autres, que dans la découverte de l'innommable que certains donneront à d'autres. Je tiens à faire mention de la finalité du roman qui m'a enchanté encore plus que le reste : car malgré cette quête que se fait d'Albert pendant de nombreuses pages, une fois qu'il trouve cet objet de Beauté, qu'il a conquis cet objet de tous les rêves et toutes les ambitions, celui-ci s'égare pour révéler le caractère le plus pur du Beau : son caractère éphémère.

Ce livre aura été comme une excellente découverte pour moi, une révélation, même. La recherche du Beau de la pensée de Théophile Gautier donnant lieu au « Parnasse » donnera, après une sublime préface, un récit descriptif et dramatique puissant avec une rupture du type narratif habituel, présentant ainsi différents genres au sein d'un même texte pour tirer au plus clair le plus beau. {18}
Lien : https://clemslibrary.wordpre..
Commenter  J’apprécie          20

Mademoiselle de Maupin / Théophile Gautier
Roman épistolaire (sauf pour l'avant-dernier chapitre !) publié en 1835, ce récit raconte la vie de Madeleine de Maupin et ses aventures galantes.
Sorte de manifeste du Parnasse et de la doctrine de l'art pour l'art dont Gautier est le précurseur, ce texte est devenu célèbre aussi par ses deux préfaces qui fustigent les visions moralistes ou utilitaires de la littérature.
La première préface s'avère être une polémique acide à l'encontre de certains journalistes et critiques littéraires que Théophile Gautier juge trop vertueux. Certes, la vertu est assurément quelque chose de fort respectable, mais il semble à l'auteur naturel de lui préférer, surtout lorsque l'on a vingt ans, « quelque petite immoralité bien pimpante, bien coquette, bien bonne fille, la jupe plutôt courte que longue, la joue légèrement allumée, le rire à la bouche et le coeur sur la main. » Et d'ajouter que penser une chose et en écrire une autre, cela arrive tous les jours, surtout aux gens vertueux.
L'institutionnalité des plus méritoires de la feuille de vigne pour dissimuler ce que l'on ne saurait voir, est d'un ridicule affirme l'auteur qui poursuite en écrivant : « J'avoue que je ne suis pas assez vertueux pour défendre la feuille de vigne. Dorine, la soubrette effrontée, peut très bien étaler devant moi sa gorge rebondie, certainement je ne tirerai pas mon mouchoir de ma poche pour couvrir ce sein que l'on ne saurait voir. Je regarderai sa gorge comme sa figure et si elle l'a blanche et bien formée, j'y prendrai plaisir. »
La grande affectation de morale qui touche ces journalistes serait fort risible si elle n'était pas fort ennuyeuse ! Et à chacun de ces prédicateurs qui ne sauraient que faire sans le vice, ne manque que la tonsure et le petit collet. Hypocrisie et envie sont les marques de ces grimauds
Au terme de cette diatribe aux allures de pamphlet, Gautier ajoute avec humour : « Si vous voulez lire mon livre, enfermez-vous soigneusement chez vous ; ne le laissez pas trainer sur la table. S votre femme et votre fille venaient à l'ouvrir, elles seraient perdues. Ce livre est dangereux, il conseille le vice. »
Une seconde préface nous livre la pensée de l'auteur quant au rôle de l'utile et de l'inutile. L'art doit être indépendant et inutile et ne viser que le beau. Et pour Gautier, la jouissance lui parait le but de la vie, la seule chose vraiment utile au monde. Tout un chapitre au style somptueux pour vouer les critiques littéraires aux gémonies avant que ne commence le roman proprement dit.
En résumé, les préfaces sont une oeuvre à part entière et ont fait date dans l'histoire littéraire. Sur un ton enlevé, perfide et caustique, l'auteur attaque les bien-pensants, représentants de la tartufferie et de la censure et ceux qui voudrait absolument voir un côté utile dans une oeuvre littéraire, alors que l'art n'est pas assujetti à la morale ou à l'utilité pour ne s'allier qu'à la notion de plaisir. »
D'Albert, le personnage qui s'exprime épistolairement, recherche le beau et par là-même la belle. Il ne demande aux femmes que d'être belles.
« O beauté ! nous ne sommes créés que pour t'aimer et t'adorer à genoux si nous t'avons trouvée. Nous cherchons tous à t'élever un autel, l'amant dans sa maîtresse, le poète dans son chant, le peintre dans sa toile, le sculpteur dans son marbre.»
À son lecteur et ami d'enfance, il fait part du linceul d'ennui qui l'entoure et de la monotonie des jours. Il n'a nonobstant pas toujours le calme doux et triste que donne habituellement la mélancolie, alors il court pour n'aller nulle part et attend. Il attend de trouver la maitresse de ses rêves et se confie : « Je désire frénétiquement ce que je désire, sans toutefois rien faire pour me le procurer…J'ai vingt-deux ans et je ne suis pas vierge… Une maîtresse pour moi, c'est comme la robe virile pour un jeune Romain. »
Sa rencontre, il l'appelle Rosette car il ne sait son prénom, elle a vingt-six ans, bien en chair, la gorge ronde et petite, n'ignore rien de la vie et pas encore blasée. Un corps de vierge, une âme de fille de joie. « C'est un âge charmant pour faire l'amour comme il faut, sans puérilité et sans libertinage. »
Il écrit à son ami qu'il a trop rêvé à des sylphides vaporeuses. Et plus tard en parlant de Rosette il ajoute : « Elle a de petits raffinements de volupté on ne peut plus délicats, et ce grand art de paraître se faire extorquer ce qu'elle accorde très librement : ce qui donne à chacune de ses faveurs le charme d'un viol. »
Mais la suite n'est pas à la hauteur de ses espérances et Rosette ne saurait être la maîtresse en titre de ce despote de type oriental, juste un instrument de volupté bien qu'elle soit attentive, caressante et parfaitement fidèle- : « Mon âme ne s'est jamais unie avec cette âme. Cupidon, le dieu aux ailes d'épervier, n'a pas embrassé Psyché sur son beau front d'ivoire… »
On peut remarquer dans l'extrait à suivre, le style très imagé et emphatique de l'auteur :
« O célestes créatures , belles vierges frêles et diaphanes qui penchez vos yeux de pervenche et joignez vos mains de lis sur les tableaux à fond d'or des vieux maîtres allemands , saintes des vitraux , martyres des missels qui souriez si doucement au milieu des enroulements des arabesques , et qui sortez si blondes et si fraîches de la cloche des fleurs ! – ô vous , belles courtisanes couchées toutes nues dans vos cheveux sur des lits semés de roses , sous de larges rideaux pourpres , avec vos bracelets et vos colliers de grosses perles , votre éventail et vos miroirs où le couchant accroche dans l'ombre une flamboyante paillette ! – brunes filles du Titien , qui nous étalez si voluptueusement vos hanches ondoyantes , vos cuisses fermes et dures , vos ventres polis et vos reins souples et musculeux ! – antiques déesses , qui dressez votre blanc fantôme sous les ombrages du jardin ! – vous faites partie de mon sérail ; je vous ai possédées… » Et plus loin : « O beauté ! nous ne sommes créés que pour t'aimer et t'adorer à genoux, si nous t'avons trouvée, nous cherchons tous à t'élever un autel , l'amant dans sa maîtresse , le poète dans son chant , le peintre dans sa toile , le sculpteur dans son marbre. »
Et d'Albert face à la tendresse et la complaisance de Rosette se demande comment diable il pourrait quitter une femme aussi adorable sans avoir l'air d'un monstre ! Que deviendra Rosette ?
L'auteur ensuite nous transporte dans une temporalité ultérieure qui voit un certain Théodore recevoir Rosette. En fait, Théodore est Madeleine de Maupin, travestie en homme pour surprendre les secrets des hommes tout en poursuivant par ailleurs ses aventures galantes. D'Albert qui peu à peu soupçonne la vérité tombe amoureux de Théodore/ Madeleine dont, sous sa forme Théodore, est tombée amoureuse Rosette. Il confie son trouble à Sylvio, son meilleur ami, dans une belle et longue lettre.
D'Albert parviendra-t-il à faire de Madeleine son amante ? Une série de lettres, de l'un et de l'autre, homme et femme, nous raconte la suite avec le grand art dont Théophile Gautier a le secret.
Quelques réflexions de d'Albert peuvent nous interpeler quand on songe à notre époque : « Je ne sais pas, en vérité, pourquoi les femmes tiennent tant à être regardées comme des hommes ! . »
Une lettre de Madeleine de Maupin à son amie Graciosa est particulièrement intéressante quand elle lui confie ce qu'elle a observé des hommes qui la côtoyaient lorsqu'elle était travestie en Théodore. Et les situations cocasses rencontrées par Madeleine ainsi travestie sont légion, narrées au fil des missives. Notamment dans sa relation avec Rosette.
Madeleine écrit : « Elle se mit à m'aimer avec une naïveté et une conscience admirables, de toute la force de sa belle et bonne âme , de cet amour que les hommes ne comprennent pas et dont ils ne sauraient se faire même une lointaine idée , délicatement et ardemment , comme je souhaiterais d'être aimée. Mais la plus belle fille ne peut donner que ce qu'elle a , et ce que j'avais n'eût pas été d'une grande utilité à Rosette . Deux choses l'étonnaient en moi , et elle remarquait dans ma conduite des contradictions qu'elle ne pouvait concilier : c'était ma chaleur de paroles et ma froideur d'action … La douce chaleur de son corps me pénétrait à travers ses habits et les miens. Ma situation devenait fort embarrassante et passablement ridicule. je ne savais pas de quel bois faire flèche . Cet ardent désir m'échauffait de sa flamme , et je n'étais guère moins troublée que ma pauvre amoureuse . Je n'avais pas encore eu d'amant ; et ces vives attaques , ces caresses réitérées , le contact de ce beau corps , ces doux noms perdus dans des baisers me troublaient au dernier point , – quoiqu'ils fussent d'une femme ; – et puis cette visite nocturne , cette passion romanesque , ce clair de lune , tout cela avait pour moi une fraîcheur et un charme de nouveauté qui me faisaient oublier qu'au bout du compte je n'étais pas un homme … Que de fois j'ai souhaité être véritablement un homme comme je le paraissais ! Que de femmes avec qui je me serais entendue , et dont le coeur aurait compris mon coeur… »
Remarquable aussi la description faite par Théodore/Madeleine des sentiments d'une femme (Madeleine travestie en Théodore) objet de tentative de séduction par une autre femme (Rosette), le regard ému sur Rosette et l'excitation physique de Théodore.
Et puis vient l'avant dernier chapitre au cours duquel Madeleine, possédée des plus violents désirs, se languissant et avide de voluptés retrouve d'Albert…Mais je n'en dits pas plus…
L'histoire de Madeleine de Maupin est inspirée de la vie véritable et tumultueuse de Julie d'Aubigny, une cantatrice et duelliste du XVIIé siècle.
Un très beau roman aux aspects multiples de Théophile Gautier.


Commenter  J’apprécie          20
Quel splendeur ! Quel charme ! Ce roman est à mes yeux une parfaite réussite !
Chaque paragraphe, chaque ligne, chaque mot a en lui un raffinement sans nom et l'auteur est presque un peintre tant ses mots décrivent avec précision et justesse les paysages, les corps, les sentiments, les tourments de l'âme. Je crois que je pourrais passer des heures à analyser et décortiquer tout le génie de cette oeuvre mais je me contenterai ici de ceci :

D'une part, l'auteur joue avec les points vues, il nous transporte tantôt dans la tête et le coeur d'un homme, tantôt d'une femme, avec une telle habilité que le lecteur n'a pas le temps de s'ennuyer. L'esquisse des tourments de chaque personnage est fait avec une espèce d'exactitude troublante, c'est en ce sens, un vrai peintre à mes yeux. Il raconte l'amour, la nostalgie, la mélancolie, la passion, le dégout et beaucoup d'autres mouvements de l'âme, animant ainsi ses personnages de toute la complexité de l'être humain.

Par ailleurs, ses images, ses métaphores et comparaisons singulières témoignent selon moi d'une plume tout à fait charmante ; ses paysages sont dépeints avec splendeur, et sont presque plus beaux que la réalité à s'imaginer. Il décrit aussi la beauté féminine avec tant de délicatesse : "[...] j'aimais ses petites mains blanches et frêles qui se laissaient traverser par le jour, son pied d'oiseau qui se posait à peine par terre, sa taille qu'un souffle eût brisée, et ses épaules de nacre, encore peu formées, que son écharpe mise de travers trahissait heureusement." et fulmine presque contre le corps masculin la page suivante, : "Un homme d'épée ne me conviendrait non plus guère ; les militaires ont quelque chose de mécanique dans la démarche et de bestial dans la face qui fait que je les considère à peine comme des créatures humaines ; les hommes de robe ne me ravissent pas davantage, ils sont sales, huileux, hérissés, râpés, l'oeil glauque et la bouche sans lèvres : ils sentent exorbitamment la rance et le moisi, et je n'aurais nullement envie de poser ma figure contre leur mufle de loup-cervier ou de blaireau." .

Finalement, Théophile Gautier a décidé de parsemer toute son oeuvre d'un sarcasme subtile, à travers quelques réflexions de ses personnages, ou encore avec l'espèce narrateur folâtre qui ne cesse de se jouer des protagonistes, apportant ainsi beaucoup de légèreté : "En cet endroit, si le débonnaire lecteur veut bien nous le permettre, nous allons pour quelque temps abandonner à ses rêveries le digne personnage qui, jusqu'ici, a occupé la scène à lui tout seul et parlé pour son propre compte, et rentrer dans la forme ordinaire du roman, sans toutefois nous interdire de prendre par la suite la forme dramatique [...]".

Je recommande vivement ce livre ne serait-ce que pour le beau langage et les magnifiques images. Il est assez conséquent mais sa lecture et assurément un court voyage !
Commenter  J’apprécie          10
L'un des plus beaux romans d'amour et de poésie que j'ai lu jusqu'à présent. Avec un style soigné, presque précieux, mais si universel, Gautier parvient à rendre compte des sentiments de ses personnages d'une manière si juste, avec une psychologie fine.
Le roman, sous forme épistolaire, s'ouvre sur les pensées du personnage de d'Albert qui (d)écrit à son ami (imaginaire?) Silvio ses états d'âme romantiques, lui qui est pris d'un idéal féminin et d'un désir d'amour absolu qu'il peine à atteindre ; même dans sa relation charnelle avec Rosette, il ne trouve pas le bonheur. de fils en aiguille - où parfois la voix du narrateur (Gautier lui-même) se fait entendre et peut faire penser qu'il pourrait s'agir d'un roman autobiographique - l'on est amené à rencontrer un autre personnage qui va s'avérer d'une importance cruciale : Théodore alias Mlle de Maupin, créature fantasque et androgyne. C'est à travers ses lettres que l'on découvre aussi sa pensée, son histoire, et ce qui l'a amené à interférer entre Rosette et d'Albert qui l'aiment tous deux tant son identité mystérieuse les attire, parfois malgré eux.
Chaque page que l'on tourne nous fait entrer dans un univers multiple, et presque à tous les coups on trouvera des sortes d'aphorismes sur l'amour qui résonnent en nous… Les comparaisons et autres métaphores sont nombreuses, les références mythologiques sont également importantes. La seule chose que je regrette un peu avec ce livre, c'est sa longueur et, dans une moindre mesure, une espèce de faux suspense dans l'intrigue ou les révélations identitaires et amoureuses sont sans cesse retardées.
PS : le dernier chapitre - la lettre de rupture de Théodore a d'Albert - est sublime. Un livre à lire et à relire (mais il faut avoir un peu de temps devant soi, donc !).
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (475) Voir plus



Quiz Voir plus

Le pied de momie

Le narrateur de la nouvelle est :

un parisien
un marchand
un prince

10 questions
362 lecteurs ont répondu
Thème : Le pied de momie et autres récits fantastiques de Théophile GautierCréer un quiz sur ce livre

{* *}