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sur 181 notes
Ayant l'âme très romanesque d'une part et étant femme d'autre part, je voue une affection toute particulière aux romans historiques dans lesquels l'héroïne est contrainte de se travestir en homme. En des temps où peu de femmes avaient voix au chapitre, c'est un excellent moyen d'émanciper la femme - bien qu'il eût été préférable qu'elle puisse être elle-même en tout temps, chimère hélas depuis longtemps établie par L Histoire.

"Mademoiselle de Maupin" est le premier grand succès de Théophile Gautier que j'avais jusque là catalogué parmi les auteurs de roman jeunesse. Ici, il n'est pourtant nullement question de jeunesse, bien au contraire ! Ce roman épistolaire fait état des aventures d'une jeune aristocrate, bonne cavalière et redoutable escrimeuse, ayant rejeté sa condition féminine pour pouvoir agir à sa guise, en s'appropriant la liberté de comportement des hommes. Grâce à son déguisement, elle passe "de l'autre côté du miroir" et découvre avec joie la liberté de penser, d'agir et... d'aimer.

Théophile Gautier s'est inspiré de la biographie de la Maupin, escrimeuse et actrice du XVIIème siècle, pour brosser son héroïne sous les traits d'une femme indépendante et déterminée. Son roman n'est cependant pas un roman d'aventures de mon point de vue, mais un terrain parfait pour développer avec tout le romantisme du début du XIXème siècle un flamboyant panorama des moeurs libertines dans le sens noble du terme. Dans une quête absolue d'esthétisme, en perpétuelle recherche de la beauté comme unique âme de l'art, certains propos, pris au premier degré, ne manqueront pas de faire grincer des dents les lecteurs contemporains, sans même parler des plus féministes. Pourtant, c'est avec poésie, érotisme et réel talent que l'auteur traite son sujet à fond.

En parallèle des considérations esthétiques (rendues par les lettres D'Albert qui court après un amour idéal et chimérique), Madeleine de Maupin, alias Théodore de Sérannes, fait montre d'une très grande audace et d'une liberté d'opinion propres à réjouir les défenseurs de l'égalité des sexes et qui étonnent favorablement le lecteur à l'endroit de l'auteur. Parce qu'il l'a faite homme, Théophile Gautier permet à son héroïne de mener la danse jusqu'au brillant dénouement, pied-de-nez aux séducteurs de tous les temps. Enfin, les charmants tableaux amoureux, dont certains saphiques, dont il enchante le lecteur font inévitablement surgir dans son esprit les mignardises picturales de Poussin, Boucher et Fragonard.


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Il nous est tous arrivé un jour de tomber sur un classique et de se dire « non sérieux c'est X qui a écrit cette daube ? S'il n'y avait pas son nom sur la couverture il y a longtemps qu'elle aurait sombré dans l'oubli ! » J'ai trouvé le mien avec ‘Mademoiselle de Maupin'.

Un jeune noble un peu trop esthète, d'Albert, prend pour maîtresse une comtesse surnommée Rosette. Il ne l'aime pas vraiment mais pense qu'elle l'aime. Ils reçoivent la visite d'un jeune chevalier, Théodore, dont la beauté correspond exactement à l'idéal de d'Albert. Il réalise vite que c'est de Théodore que Rosette est réellement amoureuse, et commence à soupçonner qu'il s'agit d'une femme déguisée en homme... le roman adopte trois points de vue suivant les moments : celui de d'Albert via les lettres qu'il envoie à un ami, de Théodore via également des lettres, et celui du narrateur dans les intervalles.

Il est normal que, de notre point de vue moderne, un classique du XIXème présente des longueurs. Normalement elles ne me dérangent pas. Mais là ! C'est bien simple, les lettres d'Albert sont interminables. Il y décrit sa vie, ses états d'esprit, ses sentiments, ses conceptions de l'art et ses idéaux de beauté avec un luxe et une profusion de détails à faire passer les ‘Mémoires d'Outre-Tombe' pour débordantes d'action !

Et quant à l'action d'ailleurs, quel ennui ! Théophile Gautier nous fait pénétrer dans la vie d'un petit maître du XVIIIème avec tout ce qu'elle peut avoir d'égoïste, de superficiel, d'hypocrite et surtout d'inintéressant. le héros est tout simplement insupportable. Il présente ses hautes conceptions artistiques et son idéal de beauté qui, paraît-il l'empêchent de jouir de cette vie où tout n'est pas beau et bien arrangé – mais où il vit dans le luxe et la plus complète oisiveté. Et son entourage approuve. On a juste envie de lui coller deux baffes, et de lui crier de se secouer un peu et d'arrêter les enfantillages. Rosette est la pire des cruches, et Théodore n'a pris l'habit d'homme que pour adopter avec enthousiasme tout ce qu'il y a de plus détestable dans leur vie.

Et c'est dommage, car il y a une vraie réflexion sur les rapports hommes – femmes au XVIII-XIXème, assez creusée et assez dure ; beaucoup d'ironie et de qualités dans l'écriture qu'on retrouvera par la suite dans ses grands romans. Mais rien à faire, l'histoire m'a horripilé, et c'est la curiosité seule qui m'a mené jusqu'à la dernière page. Spoiler : ça finit en eau de boudin.

En revanche, ce livre apportera une réponse à ceux qui parlent de la pudibonderie des siècles précédents : qu'ils se rassurent, interdits de l'Église ou pas les gens de l'époque avaient une vie sexuelle largement aussi active que la nôtre, voir plus, et le grand sujet de conversation, aujourd'hui comme hier, était de savoir qui couche avec qui. Mais en cherchant bien, on arrivait toujours à trouver une personne ou deux avec qui discuter de poésie. Simplement il fallait se débrouiller sans Babelio.
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Première découverte pour moi d'un auteur, certes célèbre, du 19ème, mais qui jouit actuellement de moins de popularité que ses confrères Zola ou Balzac.

Deux éléments entrent en contradiction dans cette oeuvre: le style et la construction. Là où le style est rempli des recherches précieuses et du choix des mots complexes auxquels nous habitue le siècle du Roman, la construction est innovante et moderne, pleine de rebondissements. le classicisme du style est presque à outrance, et il m'arrive rarement de regarder autant un dictionnaire pour lire un livre. Certaines notes de l'ouvrage m'ont fait a priori comprendre que c'était une habitude prise par Gauthier que de semer certains vocabulaires volontairement obscurs... et parfois même mal orthographiés.

Mais ces lenteurs, qui ont de plus parfois leur charme, sont largement compensées par un récit riche en rebondissements, surtout quand on a pas pris la peine de connaitre l'histoire par avance. le suspense est ménagé, et le lecteur est guidé, comme dans un roman moderne à suspense. L'alternance des narrateurs, l'adresse au lecteur régulière sont des artifices agréables qui relancent l'intérêt de la lecture.

Le sujet central de l'amour est de ceux qui permettent le plus facilement de toucher à l'universalité, de lieu comme d'époque, étant le plus partagé et le plus inchangé de tout temps. Mais certains développements de Gauthier ont une liberté, une hardiesse qui me semblent assez modernes, ne les ayant pas rencontré chez les autres classiques de son époque.

Un auteur à redécouvrir donc, et j'en remercie une amie qui en est la défenderesse farouche, ancienne universitaire qui travaille encore aujourd'hui à la réalisation de certaines sommes sur son auteur fétiche.
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Ma lecture de Mademoiselle de Maupin signe ma première rencontre littéraire avec le célébrissime Théophile Gautier. Bien qu'étant connu essentiellement pour ses contes et nouvelles fantastiques, il s'affiche ici dans une thématique originale, présentée sous forme d'interrogation qui cherche à comprendre les frontières créée entre hommes et femmes.

D'Albert recherche éperdument la femme idéale, celle qui saura le satisfaire au mieux. Par le fruit du hasard, il va rencontrer Théodore, un jeune homme très séduisant, qui entre en tous points dans les critères esthétiques qu'il affectionne. Malheureusement pour lui, Théodore n'est pas une femme... ou peut-être bien que si. Car derrière ce visage de jeune homme, se cache Madeleine, une jolie jeune femme, qui a décidé de se glisser dans les costumes d'un homme, pour mieux les connaître avant d'en épouser un.

En interrogeant les frontières du genre, Théophile Gautier invoque les normes morales de son temps, à savoir un monde hiérarchisé, dans lequel les femmes, privées de liberté et cantonnées à des tâches subalternes, sont à la merci des hommes, détenteurs de tous les pouvoirs. Une conception genrée clivée, qui malheureusement est encore bien présent dans notre société actuelle.

Néanmoins, dans ce roman Théodore/Madeleine participe à la transgression de ces frontières genrées prédéfinies. En se déguisant en homme, elle floute les limites qui existent entre les deux sexes. Dès son époque, Théophile Gautier invoque un sujet qui fera débat au XIXème siècle, et encore aujourd'hui : la question de l'androgynie. Plus que jamais au coeur de notre actualité, ce phénomène d'androgynie qui relie les deux sexes dans un même corps, amène des débats : confusion des deux sexes ou fusion harmonieuse ? Les avis sont partagés.

Il n'en est pas moins vrai que cette oeuvre ne sera que les prémices de l'ouverture d'une voie dédiée à la question du genre. Un joli roman épistolaire, dans lequel la moralité est fustigée au profit d'une vision des genres plus moderniste. J'ai beaucoup apprécié ce récit.
Lien : http://addictbooks.skyrock.c..
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L'auteur

Théophile Gautier (1811-1872), poète, romancier et critique français, s'inscrit dans le mouvement littéraire du romantisme. Son maître littéraire est Victor Hugo, qu'il rencontre en 1829. le 25 février 1830, il participe à la fameuse bataille d'Hernani, vêtu d'un gilet rouge, qui marquera durablement les esprits. Il gardera toujours une prédilection pour la poésie (Emaux et Camées en 1852), même s'il écrit plusieurs romans, le premier étant Mademoiselle de Maupin. En 1862, il est élu président de la Société nationale des Beaux-Arts où il est entouré des peintres les plus prestigieux : Eugène Delacroix, Pierre Puvis de Chavannes, Édouard Manet, Albert-Ernest Carrier-Belleuse et Gustave Doré. Mais il échouera à 3 reprises à l'Académie française, en 1866, 1868 et 1869.

Il est aujourd'hui davantage connu pour le Capitaine Fracasse (1863), le roman de la Momie (1858) et ses contes fantastiques.

Le livre

Sous la forme d'un roman épistolaire, alternent des lettres du chevalier d'Albert à un ami, et de Madeleine de Maupin à sa confidente, à qui ils confient leurs aventures amoureuses et définissent leurs idéaux. Mademoiselle de Maupin veut, avant de s'engager, connaître davantage les hommes et décide pour ce faire de se travestir afin de surprendre leurs secrets et de fuir par la même occasion une vie féminine ennuyeuse et dénuée d'attraits.

C'est surtout la préface de cette oeuvre qui est très connue, dans laquelle Gautier se fait le défenseur de l'art pour l'art, la littérature n'ayant pour objectif que d'atteindre le beau. En critiquant les visions utilitaires ou moralistes de la littérature, il se fait ainsi le précurseur du Parnasse. " Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression de quelque besoin, et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature."

Ce que j'en ai pensé

Heureusement (ou pas) que je devais lire ce livre pour le Club des Lectrices sinon je crois que je ne l'aurai pas terminé ... Il est vrai que cela faisait un ou deux mois que je n'avais pas lu d'ouvrage du XIXe siècle et qu'il est toujours un peu difficile de s'y remettre. C'est un peu une question d'habitude ... Mais il n'y a pas que ça ! Dès le départ, je n'ai pas accroché.

Il faut déjà 200 pages avant que n'apparaisse le personnage de Maupin. Auparavant nous n'avons droit qu'aux lettres du chevalier d'Albert à un ami, magnifiques exemples d'un misogyne parfait qui a juste réussi à m'énerver. de trop longues descriptions, des élucubrations interminables sur l'importance de la beauté des femmes et l'amour superficiel qu'il leur porte, ont failli me faire arrêter le roman ici. Mais j'ai tenu bon et décidé d'attendre l'arrivé de Mademoiselle de Maupin. le passage à ses lettres a remis un peu de dynamisme dans le récit qui s'embourbait dans les histoires d'amour pathétiques du chevalier. Pendant quelque temps, j'ai été happée par les sentiments de Madeleine, sa description de la condition de la femme du XIXe siècle et la manière dont elle occupe ses journées. Et puis l'ennui est revenu. le style manque de souffle et de poésie, et l'histoire ne suffit pas à compenser ce manque.

Enfin, le dénouement m'a un peu déçu : on se dit, tout ça pour ça ?

Finalement, j'ai l'impression que le roman n'est qu'une application des thèses de la préface : il n'apporte rien, on doit juste l'apprécier pour l'art, la littérature. Mais malheureusement, même ça je n'ai pas réussi ...

Mais pour ne pas rester sur cette mauvaise impression de Gautier, j'ai de suite attaqué le Capitaine Fracasse, que j'avais lu plus jeune et qui m'avait laissé un souvenir plus dynamique. Pour le coup, l'histoire est plus entraînante, malgré encore de trop nombreuses longues descriptions que l'on apprécie au début pour la beauté de la langue et puis qui finissent par lasser. Je suis donc quand même revenu un peu sur la mauvaise impression que m'avait laissé Gautier.

Néanmoins j'ai lu pas mal de romans du XIXe qui n'étaient pas aussi ennuyeux que Mademoiselle de Maupin. Comme quoi, un livre ne peut pas tenir uniquement sur son style (ou peut-être, si, Proust ? :))
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Travestissements, libertinage, bisexualité: le roman a scandalisé les critiques en son temps: «Le livre de M. Gautier est de ceux dont on ne peut parcourir une page sans le fermer aussitôt avec dégoût et indignation.» Heureusement, maintes fois réédité entre 1851 et 1883, il l'est encore aujourd'hui.
Mademoiselle de Maupin n'est pas qu'un roman libertin, où les corps recherchent la volupté et les personnages s'émancipent des codes que leur société leur a imposés, des rôles dans lesquels elle les a cantonnés.
Mademoiselle de Maupin est une jeune femme en âge de se marier. Mais son éducation l'a empêchée de connaître les hommes. Elle suppose que les hommes ont un double langage et une double vie : ils sont différents quand ils sont parmi les femmes et quand ils sont entre eux. Elle décide donc de se déguiser en homme pour vivre parmi eux en tant qu'homme et apprendre à les connaître. Mais non seulement va-t-elle les connaître, mais elle va se découvrir elle-même : elle n'est pas une petite chose fragile et débile.
«Sous mon front poli et mes cheveux de soie remuent de fortes et viriles pensées ; toutes les précieuses niaiseries qui séduisent principalement les femmes ne m'ont jamais que médiocrement touchée.»
C'est travestie en homme qu'Albert le héros, totalement hétérosexuel, va la rencontrer… et tomber amoureux d'elle, ou plutôt de lui. Albert-Théophile Gautier est amoureux de la beauté, de l'idéal de la beauté que représente Madeleine de Maupin qu'Albert pense être un homme.
«J'aime un homme, Silvio. J'ai cherché longtemps à me faire illusion. J'ai donné un nom différent au sentiment que j'éprouvais, je l'ai vêtu de l'habit d'une amitié pure et désintéressée. J'ai cru que cela n'était que l'admiration que j'ai pour toutes les belles personnes et les belles choses (…) je reconnais maintenant dans quelle profonde et terrible voie je me suis engagé. Il n'y a pas à se le cacher : je me suis bien examiné, (…) j'ai fouillé mon âme dans tous les sens avec cette sûreté que donne l'habitude d'étudier sur soi-même. Je rougis d'y penser et de l'écrire, mais la chose, hélas ! n'est que trop certaine, j'aime ce jeune homme, non d'amitié, mais d'amour. Oui, d'amour.»
Mademoiselle de Maupin, ne vous avisez pas de me le piquer ou je vous maudis à jamais !

Là est le conflit, là est le noeud du roman, noeud qui, vous vous en doutez bien, est le point de départ du scandale qu'a provoqué ce sublime, ce merveilleux, cet idéal de roman ! Ok, je suis totalement fan de Théophile Gautier, j'assume !
L'androgynie qui définit Madeleine constitue l'idéal esthétique de d'Albert : la quête amoureuse de ce héros romantique illustre la tension entre l'aspiration à un idéal et l'amour de la réalité matérielle. Les deux personnages offrent ainsi une réflexion sur les rapports conflictuels entre l'esprit et le corps, entre le rêve et le réel.

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Encore un grand classique qui m'avait échappé jusqu'à ce jour!
Cela a commencé assez mal : j'ai failli abandonner le roman au niveau du chapitre 2, tant je trouvais le premier rôle masculin proprement insupportable. Et que Monsieur décrit la maîtresse qu'il lui faut, la seule qui conviendra, belle, riche, comme ci comme ça, sans mari mais pas veuve non plus mais pas innocente et avec une liste de points de contrôle digne d'une fusée Ariane au niveau du contrôle qualité, sans jamais se poser la question de savoir s'il serait, lui, digne d'une telle perle rare.
Une fois que notre héroïne elle-même entre en scène, cela va beaucoup mieux, mais à chaque chapitre qui revenait à Monsieur, j'avais à nouveau envie de casser quelque chose.
Et je me serai aussi bien passé de l'adjectif monstrueux qu'il utilise quand il se croit amoureux d'un homme. Car oui, nous parlons ici de travestissement, d'une jeune fille qui sent bien que les hommes sont hypocrites dans les salons et qui se fait passer pour un jeune homme pour infiltrer leur monde, et qui tombe de haut en les découvrant sous leur vrai jour. Elle ira jusqu'à se battre en duel après avoir été accusé d'avoir séduit une fille de bonne famille!
Reste le style, superbe, travaillé, recherché, aussi orné qu'une boîte à bijoux. J'ai aussi adoré le passage où elle enlève une toute jeune fille pour l'empêcher de tomber entre les mains d'un vil séducteur qui abuserait de son innocence.
Vive la solidarité!
Intéressant à lire pour le côté historique de la chose, et pour le style, donc.
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Gauthier nous conte candidement les questionnements et agissements d'une très charmante jeune femme qui se sent un peu limitée par son sexe. Elle souhaite en outre voir comment les hommes se comportent entre eux avant de leur donner sa virginité. Pour ce faire, elle se travestit et sa vie de chevalier lui sied si bien qu'elle découvre combien les hommes sont vulgaires et animaux mais aussi combien les frontières du sexe ne sont pas si bien délimitées que la société veut bien nous le faire croire. Une histoire bien moderne qui a dû faire scandale à l'époque !
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L'idéal de la beauté et l'idéal de l'androgyne :

Le chevalier d'Albert est un jeune poète débauché à la recherche d'un type féminin dont il veut faire un plat pour sa seule gourmandise…. Mais pas n'importe quel plat ! le meilleur, le plus beau qui soit et rien que pour lui.

D'Albert concentre tout ce qu'on aime pas dans les grandes caricatures d'un poète : celui qui se voit au dessus de tout, sans émotion, froid, indifférent à tout, dédaigne le banal, rejette les salons bourgeois, rejette la vie en quelque sorte.
Quand les poètes ont généralement cette faculté à s'émerveiller de tout, à voir l'extraordinaire dans l'ordinaire, à voir le magique dans la banalité, lui rejette constamment son monde, portant ci et là des jugements sur le monde extérieur, n'appréciant la beauté que dans sa plus grande perfection, ou rien. Il ne recherche que cela, la beauté parfaite qui le rapprocherait de son paradis imaginaire.

Alors il attend, il attend cette beauté idéale. Il sera aidé par son ami épicurien (tout l'inverse d'Albert) qui le pousse dans un grand salon bourgeois où il l'incite à sélectionner une femme de salon.
Une d'entre elles retient son attention : Rosette, car elle est pleine de mystères derrière sa pudeur sans être niaise pour autant. Bien sûr, elle est d'une beauté assez exceptionnelle sans quoi d'Albert n'aurait même pas détourné son attention. Tout s'enchaîne assez vite dans un cadre spatio-temporelle mal défini, on sait seulement que Rosette et d'Albert jouissent momentanément de petites folies romanesques.

d'Albert est temporairement satisfait : il possède une belle maitresse, voila tout. Deux choses lui manquent cependant : leur relation n'est pas fusionnelle, et les petits plaisirs charnelles manquent d'éclats au fil du temps, mais surtout, Rosette n'incarne pas la beauté idéale qu'il désire tant. Oui oui, c'est tout ou rien avec d'Albert, soit il a le meilleur, soit il est fatalement déçu. On pourrait se dire qu'il faut être follement prétentieux pour en être là, mais ce n'est pas tant la prétention qu'un pur caprice d'artiste, celui qui veut la perfection pour la perfection, sans autre motif.

Cette perfection sera comblée par Théodore, un autre mystérieux cavalier qui survient dans l'histoire pour former un trio légèrement malsain entre d'Albert, Rosette et le nouveau venu.
Rosette et Théodore maintiennent depuis longtemps une relation semi-amicale semi-amoureuse, Rosette le désire plus que tout et Théodore la rejette sans s'expliquer.
D'Albert découvre avec émerveillement Théodore, à l'apparence masculine mais disposant de tous les traits féminins dont il rêve. Il en va de même pour sa personnalité qui est également androgyne, combinant les douceurs maternelles à une force et un courage visibles au travers de ses duels, de son habilité à la chasse… 
Théodore bouleverse notre poète débauché qui voit son idéal matérialisé devant lui mais comprime son désir à l'intérieur.
La confusion des genres augmente encore avec une scène de théâtre, littéralement une pièce dans une pièce, jouée par Théodore déguisée en fille où il prononce des phrases énigmatiques pleines de sous-entendus rappelant la situation actuelle vécue entre Théodore et d'Albert.
C'en est trop pour d'Albert qui prend le risque de tout dire à Théodore, il dévoile le mystère, il sait qu'elle se travestit en homme, il lui dit clairement tout en déclarant son amour inconditionnel, un amour superficiel car uniquement fondé sur le physique mais bien réel dans la tête du poète.

Théodore fuit encore, elle qui fuit la vie tout entière. Elle fuit les salons bourgeois où les femmes y sont trop rigides, elle fuit Rosette car c'est une femme et cet amour serait impossible. Elle fuit les hommes car ils sont rustres, brutaux derrière des faux semblants de prince romantique. Elle fuit un temps d'Albert mais … ce dernier a deux originalités, il a découvert son secret et son âme de poète débauché lui plait, elle apprécie ceux qui recherchent un idéal, ce qui l'élève au dessus des autres hommes brutaux.
Elle consent de grâce et lentement une seule et unique nuit à d'Albert, uniquement pour assouvir son rêve, des petites caresses voluptueuses et se volatilise subitement le matin même, dernière fuite.
Théodore s'explique dans une dernière lettre adressée à d'Albert : leur amour était fatalement superficiel, fondé sur la beauté et tôt ou tard une déception, un dégoût réciproque serait apparut, elle préfère donc le délaisser quand l'amour est au plus haut.
C'est une sorte de morale et d'apprentissage à d'Albert, elle le tourmente, le déstabilise mais lui apprend qu'il faudra chercher autre chose qu'un idéal de beauté dans sa vie.

C'est bien Théodore (ou Rosalinde, Mademoiselle de Maupin sous son identité bis) le personnage le plus intéressant du roman, c'est elle qui comprend parfaitement les deux sexes qu'elle tente de concilier en vain par son caractère et son physique androgyne.
D'Albert est têtu du début jusqu'à la fin du livre, il déshumanise totalement les femmes, ce n'est pas qu'il les méprise, c'est qu'il les voit comme des statues, et il recherche seulement la plus belle de ces statues.

Sur le style, c'est un livre qui veut impressionner, c'est un mélange d'emphases, un peu pompeuse parfois, de phrases très directes par le style épistolaire, et de très belles et nombreuses métaphores tout le long du roman. Bref, il y a de l'audace, parfois cela réussit, parfois c'est lourd.

C'est surtout la forme qui là est inacceptable : ce roman est faussement épistolaire. C'est unilatéralement épistolaire, on connait vaguement le destinaire qui n'a aucun intérêt et qui ne répond jamais. Mais surtout, on n'indique jamais l'auteur des lettres, il y en a 17. Certaines lettres émanent d'Albert, d'autres émanant de Théodore…. Sauf qu'on met du temps à s'en apercevoir, on comprend tout de travers souvent juste à cause de ça. Mieux encore, parfois certaines lettres sont des descriptions de l'auteur lui-même, ce qui trouble davantage.
Il aurait été si simple de mentionner l'auteur de chaque lettre mais non ….Cela doit ajouter du charme de ne rien dire — « Débrouillez-vous c'est plus charmant comme ça » — Eh bien non en fait, cela n'apporte rien. Cela rend la lecture très désagréable sauf si vous savez à quoi vous attendre avant la lecture.

Pas de quoi détester le roman non plus, il reste beaucoup d'audace, d'originalité et de superbes métaphores qui à elles seules méritent la lecture.
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Un classique qui a mal vieilli et dont la lecture devient vite ennuyeuse

Les lettres écrites par d'Albert sont d'une telle longueur qu'on finit par s'y perdre

Romain épistolaire à lire cependant, Théophile Gautier y abordant des sujets tabous pour l'époque, notamment la sexualité, l'homosexualité et la place de la femme dans la société d'alors (ou plutôt la non place de la femme dans la société)
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