Je ne comptais pas lire ce livre. Je suis en plein journal intégral de
Julien Green. Mais mon fils est descendu un soir et m'a tendu le livre en me disant: « Lis ça, Maman, j'ai vraiment bien aimé! ». Cela m'a fait plaisir. Une sorte de balbutiement d'un futur lecteur peut-être ? Bon, ce livre
lui a été imposé pas sa prof de français, certes. Pour autant, il a aimé et a semblé vouloir entamer une bribe de conversation à son sujet en me le prêtant. Je n'ai pas voulu étouffer dans l'oeuf ces premiers élans spontanés de partage de lectures. Ça s'appelle être mère: j'ai donc lu
Théophile Gautier pour mon fils. Ce qui m'a rappelé que, durant les quatre années qu'il passât au collège, j'ai absolument lu tous les livres qu'il devait lire. Pour vérifier qu'il les lisait, entre autres. J'ai cessé depuis qu'il est au lycée, le considérant assez autonome. Mais je suis un peu contente qu'il m'y incite encore.
Il s'agit donc de quatre nouvelles fantastiques, plutôt inégales en qualité.
Les deux premières nouvelles se ressemblent assez.
Les tapisseries et les tableaux plaisent décidément à l'auteur. Les personnages - des femmes surtout- en sortent et s'animent comme en des songes.
Ces deux premières nouvelles me font songer à une grande immaturité amoureuse : l'homme vit toujours en songe des amours secrètes et chastes, comme idéalisées. Les femmes sont belles et délicates. D'apparat, car jamais profondes et toujours uniquement aimées par un physique agréable, fragile et délicat.
L'aveu ne tarde jamais: soit la femme se livre, ou bien le narrateur, armé d'un grand courage, se dévoile sans crainte.
Ainsi, une jeune fille morte des suites d'un bal sort d'un portrait et revient danser la nuit avec le narrateur. Dans la nouvelle suivante, une marquise en costume d'Omphale sort d'une tapisserie,
lui montre un sein et
lui avoue son amour.
Dans chacune des nouvelles , l'amour est dépeint comme une force occulte et supérieure, presque diabolique tant la femme est enchanteresse, et à laquelle l'homme ne peut résister. Une sorte de mythe, en somme.
«
La Morte Amoureuse », la plus longue nouvelle des quatre, est l'histoire d'un vieux prêtre qui se confie sur un amour de
jeunesse, qu'il rencontra le jour même de son ordination.
Il tombe amoureux d'une jeune courtisane morte, puis ressuscitée, et en est tout à fait subjugué. Cette morte vient le hanter toutes les nuits.
Tandis que le jour, le jeune prêtre tient sa cure de campagne, la nuit il devient un gentilhomme beau et débauché, vivant à
Venise. Cette double vie fait que bientôt, il croit être le seigneur vénitien et rêver toutes les nuits qu'il est curé. Il ne distingue plus le songe de la réalité, presque jusqu'à la folie.
J'ai aimé , dans «
La morte amoureuse », le passage de l'ordination du prêtre, qui est comparé au mariage. le jeune prêtre marche vers l'hôtel avec l'envie ferme de dire « non », d'opposer un refus éclatant, mais il n'ose causer un scandale devant toute l'assemblée. Et il suppose que les jeunes femmes ressentent la même chose au moment de s'unir avec un mari dont elles ne veulent pas.
La dernière nouvelle est plus surprenante. Elle raconte comment un homme achète un pied momifié égyptien, ce
lui d'une princesse, et l'utilise comme serre-papier sur son bureau. Dans cette nouvelle, l'auteur use d'une ironie appréciable, bien dosée.
Le n'est pas désagréable. C'est même très bien écrit. Très propre. Pour autant, les
histoires fantastiques se ressemblent assez (toujours des femmes qui viennent hanter un homme la nuit, en ses songes), et n'ont rien de bien original ni même de recherché. Les chutes sont décevantes et comme bâclées, parfois.
Néanmoins, l'ensemble est convenable. C'est nettement moins bon que
Maupassant, par exemple.
Mais je suis tout de même satisfaite d'avoir pris une heure pour lire ce recueil, parce qu'enfin, c'est de la littérature, comme il se doit.