Si vous avez de beaux ongles, n'ouvrez pas ce roman, sous peine de les ruiner à coup sûr en étant rongé(e) par l'angoisse !
Roxane Gay signe un roman particulièrement cru et qui marque au fer rouge. Âmes sensibles s'abstenir !
Pour les plus courageux, sachez que
Treize jours est une formidable découverte.
Roxane Gay est une auteur haïtienne qui s'intéresse beaucoup aux questions féministes et raciales, et cet intérêt ressort beaucoup à travers son roman. Elle est notamment connue pour son essai
Bad Feminist (2014) – que j'ai d'ailleurs très envie de lire et qui paraîtra également aux éditions Denoël d'ici quelques mois.
Treize jours est le récit d'un enlèvement dans un pays où les contrastes de richesses sont criants. A Haïti, il y a ceux qui ont de l'argent, dont beaucoup d'émigrés Américains qui ne reviennent au pays que pour les vacances, comme Mireille, et tous les autres, dont on refuse de trop s'approcher. Mireille est haïtienne. Ses parents y vivent toujours, tandis qu'elle mène une brillante carrière d'avocate à Miami. Haïti lui évoque toujours une grosse ambivalence : c'est la terre de ses origines, la Mère Patrie comme elle l'appelle souvent, un cadre de souvenirs heureux, tout comme un endroit hostile où elle ne se sent plus la bienvenue, car elle s'y sent menacée. A raison sans doute, puisqu'elle se fait enlever lors de ses vacances en famille. Son enfermement durera
treize jours ; son calvaire, beaucoup plus.
Roxane Gay entrecoupe des scènes de violence inouïe de flash-backs dans la vie de Mireille ; elle nous raconte son enfance, sa rencontre et vie de couple avec Michael. L'auteur évoque ainsi en filigrane la question des origines, le fait de ne jamais se sentir vraiment chez soi, le racisme, ou les violences faites aux femmes. le ton est volontairement cru, et Mireille est un personnage de caractère qui tient à se battre en toutes circonstances. Ces scènes de réflexions rendent encore plus insupportables les châtiments qui lui sont imposés sans raison, si ce n'est que son père refuse de payer la rançon.
L'autre force de ce roman, c'est aussi de ne pas réduire la violence du kidnapping à la torture corporelle que les ravisseurs infligent à Mireille. S'ensuit une longue partie de ce qu'elle appellera « l'après », comme si celle l'avait complètement détruite et qu'elle devait réapprendre à vivre. L'auteur décrit avec beaucoup de justesse cette lente remontée vers la surface, quand le corps est en lambeaux et l'esprit en miettes. Elle insiste aussi sur le cauchemar que traversent les proches par procuration, qui ne voient plus à travers Mireille qu'un fantôme qui ne tient qu'à s'auto-détruire.
Treize jours de
Roxane Gay est sans conteste une lecture très dure, mais bien écrite, et dont les thèmes font forcément réfléchir. L'auteur ne tombe à aucun moment dans le misérabilisme ou le sensationnel, ni dans le cliché du happy ending qui voudrait que les douleurs d'une telle épreuve sont effacées dès la libération. Plus que l'histoire d'un kidnapping,
Treize jours est un roman fort sur le destin d'une femme pleine de contradictions et sur la beauté presque tragique que représente Haïti.
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