Mais une renaissance religieuse, par cela même qu'elle renouvelle la vie intérieure et qu'elle affecte la vie sociale, s'empare nécessairement de la civilisation entière d'un peuple. Le génie italien qui, au début du XIIIe siècle, cherchait encore sa voie, se vit donc entraîner par révolution du christianisme italien. Toutefois il put suivre, au sein de ce vaste mouvement, un orbite indépendant. Il ne se perdit point dans le mysticisme transcendant qui, après saint François, ne fît que s'exalter de plus en plus dans le monde franciscain. Une attraction puissante, celle de la civilisation toute rationaliste du midi gibelin, devait modérer 1 élan des âmes, tempérer les esprits, pénétrer de son influence le christianisme lui-même, j'entends celui de la société laïque, et, sans détourner l'Italie du royaume de Dieu, la rendre à l'amour de la vie terrestre.
Ainsi condamnée à tenir son rang dans la hiérarchie temporelle, et à régner pour ne pas périr, l'Église s'attacha avec âpreté à un lambeau de territoire; elle fit servir à la domination séculière le prestige que la foi de ces vieux siècles lui donnait; elle eut une diplomatie sans scrupule et des mercenaires sans pitié, et fut d'autant plus hautaine qu'elle se sentait faible; elle aima passionnément la richesse et dressa près de l'autel du Dieu vivant un comptoir d'usurier.
« A travers les vicissitudes du christianisme italien au moyen –âge nous avons signalé trois réponses au problème des rapports de l’âme avec Dieu, du chrétien avec l’Eglise : la communion d’Arnauld de Brescia, celle de l’abbé Joachim, de saint François de Jean de Parme, celle enfin de l’empereur Fréderic II et de son monde philosophe. Le fond de ces trois théories est une doctrine de liberté , liberté absolue de la société politique par rapport à l’Eglise temporelle, liberté de la religion individuelle, où la foi et l’amour priment l’obéissance et la pénitence, liberté de la raison individuelle par rapport au dogme et à ses ministres. »
« Dante, qui fut le plus grand témoin de sa race et de son siècle, a reçu tous ces souffles de liberté religieuse ».
L'une des idées les plus originales et les plus tenaces de la première société chrétienne fut que rien, dans l'état religieux du monde, n'était encore définitif, que la révélation n'avait point dit son dernier mot, que l'apostolat et la mort de Jésus n'étaient qu'un acte dans le drame du salut, et qu'il fallait attendre, dans un avenir plus ou moins proche, l'achèvement du grand mystère.