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En 1946, Otto Hahn doit recevoir le prix Nobel pour sa découverte de la fission nucléaire après trente années de recherche. Trente années où il a travaillé avec Lise Meitner, juive elle a dû fuir l'Allemagne peu de temps avant l'aboutissement des recherches. Elle n'a donc pas cosigné l'article abordant la fission. Elle a trouvé refuge à Stockholm où Otto doit recevoir son prix et ainsi après huit ans sans se voir, les deux amis vont pouvoir régler leur compte.
Cyril Gely nous livre un huis-clos où il imagine l'entrevue entre ces deux amis car même si personne ne sait réellement ce qui les deux amis se sont dit cette rencontre a bien eu lieu.

Après huit ans sans se voir tous les deux ont leur rancoeur car plus que des collaborateurs, ils étaient devenus une famille et cette distance n'a fait qu'exacerber les regrets. Nous avons face à nous deux scientifiques, alors oui certains points de physique et de chimie sont abordée mais à la marge et de manière limpide ce qui permet de ne pas perdre le lecteur. En effet dans ce roman, ce n'est pas la découverte de la fission qui est importante mais l'humain, le ressenti de ces deux êtres cartésiens qui doivent mettre des mots sur leurs maux, leurs douleurs, leurs regrets.

Un huis-clos intense, tendu et pourtant digne, Otto et Lise sont tout au long de leurs retrouvailles sur la réserve, le respect et l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre se ressent au delà de leurs blessures. le point final de cette collaboration sera posé à la fin de l'entrevue. En parallèle la femme d'Otto Hanh, Edith vit intensément le lien qui lie son mari à Lise, cette femme délicate est dépeinte avec finesse.

Très appréciable aussi la difficultés d'être une femme scientifique à cette époque. Les sacrifices que Lise Meitner a dû faire pour être considérée comme un scientifique sont abordés avec justesse et on comprend l'importance du lien entre elle et Otto Hahn.

J'ai découverte la plume de Cyril Gely avec ce roman et j'en suis ravie, la lecture est fluide, intense, l'amertume et la tension qui en ressort sont parfaitement maitrisées. le côté historique et scientifique n'en rend le roman que plus intéressant.
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Stockholm, hiver 1946. Dans la suite d'un grand hôtel, un homme se sert un verre d'eau de mélisse.
Il est stressé, tendu. Anxieux peut-être.
Cet homme, c'est Otto Hahn. Ce nom n'est pas inconnu, c'est celui d'un célèbre scientifique allemand, le père de la chimie nucléaire.
Il attend, marmonnant et répétant un discours travaillé, faisant les cent pas dans cette chambre. Dans quelques heures, il recevra le Prix Nobel de chimie.
Comme les expériences scientifiques, la vie nous réserve bien des surprises.
Ce jour-là, la sienne s'appelle Lise Meitner. Et lorsqu'il aperçoit ce visage qu'il connaît si bien, il sait. Cette expérience là sera intense. Décisive.
Lise Meitner est son ancienne collaboratrice. 30 ans de vie professionnelle commune et autant de souvenirs.
Aujourd'hui, elle est revenue. Pourquoi ?
« Nul ne sait ce que nous réserve le passé ». « le prix » c'est un huit clos intense écrit sur un fond historique passionnant : celui de l'histoire d'Otto Hahn et Lise Meitner, ces deux scientifiques et leur découverte majeure : la fission nucléaire.
Durant 217 pages, Lise et Otto règlent leur compte. Les dialogues sont piquants, l'atmosphère tendue. On imagine les visages crispés, l'émotion monter. Entre rancoeur et regrets, on assiste à une partie d'échec où chacun avance ses pions, un combat de boxe où l'un et l'autre prépare leurs coups.
Pourquoi le Prix Nobel ne revient-il qu'à Otto ?
Avait-il une idée derrière la tête lorsqu'il a aidé Lise, d'origine juive, à s'enfuir alors qu'Hitler s'installait dangereusement au pouvoir ?
Lui, l'allemand resté à Berlin durant les années du nazisme, quelle est sa part de responsabilité en tant que scientifique dans les atrocités commises ?
Le fond historique est passionnant et amène le lecteur à s'interroger sur de nombreux points.
Le côté scientifique qui pourrait en rebuter certains n'est absolument pas lourd.
Réelle surprise, « le prix » est un roman prenant à découvrir !

Publié chez @editionsalbinmichel, il est en lice pour le Prix Relay Voyageurs 2019 !
@prixrelay @voyageurslecteurs
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Voilà un roman que j'ai adoré pour son ambiance ! Un huis-clos étouffant, captivant, intense.

Otta Hahn et Lise Meitner ne se sont pas vus depuis huit ans. Depuis que Lise, d'obédience juive, a dû quitter précipitamment Berlin pour la Suède et ainsi fuir Hitler et ses sbires, alors que leurs recherches allaient enfin atteindre leur but. Et aujourd'hui, 10 décembre 1946, Lise arrive au Grand Hôtel de Stockholm pour retrouver son ancien compagnon de recherches qui, dans quelques heures, recevra le prix Nobel de Chimie pour la découverte de la fission nucléaire.

Tous deux, grands scientifiques émérites en chimie et physique, ont travaillé de concert pendant trente ans. Trente ans de complicité intense au service d'un travail chronophage mais exaltant. Trente ans de petites et de grandes réussites pour lesquelles Hahn a reçu les honneurs. Lui seul ! Alors pourquoi ? Pourquoi Lise, l'admirable et la douée physicienne, dont le nom n'a jamais été cité, est-elle absente de ses réjouissances ?


J'ai été subjuguée par l'intensité de ce roman. Les pages se tournent rapidement, le climat est tendu entre les deux personnages et ni l'un ni l'autre ne veut perdre la face. Pas de cri, pas de colère, mais des réponses affûtées, des paroles glaciales, coupantes. La tension dramatique est palpable, et l'on comprend mieux le style lorsque l'on apprend que Cyril Gely, romancier et dramaturge, a été nommé plusieurs fois aux Molière. Un magnifique duo d'acteurs dont je rêverais de voir d'ailleurs l'adaptation au théâtre. En attendant, le lecteur compte les points.


Et savoir que ce roman est basé sur des faits réels rend la rencontre de ces deux scientifiques avec l'Histoire encore plus fascinante.

A lire absolument pour l'atmosphère bien sûr et aussi pour sortir de l'ombre Lise Meitner

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Nous sommes en 1946 et dans quelques heures Otto Hahn va recevoir le Prix Nobel de Chimie. Il est le père de la fission nucléaire.
Alors qu'il se prépare pour ce moment important dans sa chambre d'hôtel, son ancienne collaboratrice, Lise Meitner, qu'il n'a pas vu depuis des années, vient lui rendre visite.

Lise et Otto ont travaillé ensemble pendant 30 ans. Lui chimiste, elle physicienne. Ils ont tout partagé. Une amitié sans failles apparentes, basée sur la même passion de la recherche, sur l'obsession de la découverte qui changera le monde… jusqu'à ce que la physicienne, juive, doive fuir l'Allemagne Nazi.
Aujourd'hui, elle vient régler ses comptes, elle vient réveiller le passé.

Dans cette chambre d'hôtel, à huis clos, va se jouer en quelques heures un affrontement psychologique intense entre les deux scientifiques, un face à face où chacun va énoncer sa vérité sur l'histoire, une véritable partie d'échec qui a le goût de l'amertume.
Dans la chambre à côté, Edith, l'épouse d'Otto, celle qui aura toujours assisté en spectatrice à leurs ambitions personnelles, attend…
La découverte de la scission nucléaire aura aussi été la scission d'une amitié.

Une lecture facile, fluide et captivante, faite de joutes verbales entre deux esprits brillants. Un véritable roman historique (comme je les aime) qui soulève des questions très intéressantes sur le rôle des scientifiques dans l'Allemagne Hitlérienne et sur la place des femmes dans la recherche.

L'auteur, Cyril Gély, est un homme de théâtre, et ça se voit. On entend les silence, on imagine le ton. Son texte se transposerait aisément sur les planches et je pense qu'il y gagnerait même en consistance et en tension car il m'aura manqué un petit quelque chose pour être complétement séduite. La rapidité de la lecture aura sans doute nuit à mon plaisir. Il m'aurait fallu plus de temps, plus de pages...
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Emouvant, captivant, prenant, « le Prix » de Cyril Gely est un récit nécessaire et ultime. Ecrit avec brio, délicatesse et pragmatisme, les mots s'échappent des pages, couronnes d'Epiphanies pour Lise Meitner. « Nul ne sait ce que nous réserve le passé »enclenche un incipit qui ne laissera aucune chance aux non-dits. Une porte que l'on pousse du pied, des dés lancés dans le contre-jour des silences. Un voile qui s'écarte subrepticement d'une fenêtre embuée par l'injustice trop criante. Ce récit est donc une troublante et véridique page de notre Histoire. Mémoriel, il délivre enfin la vérité sur le Prix si emblématique et controversé, celui accordé à Otto Hahn en secret en 1944. Ce prestigieux Prix Nobel récompensant un travail de labeur et d'envergure manichéenne pour l'humanité. Il recevra, seul, ce dernier le 10 décembre 1946. Solitaire, en crise de culpabilité mais le regard tourné vers les projecteurs. Lisa Meitner a travaillé avec Otto Hahn de nombreuses années. Binôme perfectionniste, soudé, fusionnant leurs capacités et ténacités pour découvrir qu'un bombardement de neutrons sur un noyau d'uranium produit un noyau de baryum. Elle restera le plus longtemps possible. Mais Lise doit partir et vite. Elle est juive, en danger dans cette Allemagne où les affres antisémites sont omniprésentes. le vent mauvais souffle trop fort et ne s'arrête pas. Exilée à l'autre bout du monde, elle trouve seule le processus final de la découverte. Ayant foi en la concorde d'Otto en sa loyauté, en sa sincérité, naïve ou combattante scientifique, elle donnera à Otto par courrier la solution. Ce dernier dévoilera à la face du monde cette découverte capitale. Lise revient en Suède ce 10 décembre. Un huis-clos des plus vifs abat les cartes une à une dans une confrontation avec Otto et Lise ou rien, absolument rien ne sera laissé de côté. Les fusionnels d'antan cherchent les failles en l'autre. Les lâchetés, regrets, jalousies sont au paroxysme des paroles exutoires. Lise dans ce récit est digne et ne laisse aucune chance à la rancoeur et à la vengeance. Femme scientifique, douée sans aura parce que femme. Otto remporte seul la palme de la Gloire mais sans ce laurier victorieux et honorable. « Il faut toutes les vérités pour faire un monde. »affirme Paul Eluard en ouverture de ce récit. La dualité, le noir, le blanc, la femme et l'homme ne peuvent fusionner dans un prix à l'aube des années 50. Otto aurait pu. Il a refusé de glisser dans son discours le prénom de Lise et de lui accorder cette grâce d'un renouveau. Une femme peut elle aussi être glorifiée par une découverte de renom. Ce récit est poignant, sensible, combattant. le lire c'est reconnaître Lise en femme scientifique douée. le faire sien c'est un devoir moral. L'offrir c'est amplifier le combat féministe. Afin de changer les mentalités et accorder à l'égalité les valeurs de l'équité. Brillant, engagé, nécessaire. Publié par Les Editions Albin Michel. En lice pour le Prix Relay des Voyageurs Lecteurs 2019.
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Dans le roman que je présente aujourd'hui, nous sommes à Stockholm en 1946. Otto Hahn s'apprête à recevoir le prix Nobel de chimie. Il patiente dans sa chambre d'Hôtel en compagnie d'Edith, sa femme. Depuis plusieurs années, ils dorment dans des chambres séparées, depuis cette fameuse nuit de 1938 où Lise, la collaboratrice d'Otto, juive, a été obligée de fuir l'Allemagne pour se réfugier en Suède. Cet événement a en effet traumatisé tout le monde, mais Edith suggère que ce serait une bonne idée de profiter de ce voyage pour reprendre contact avec elle… La cérémonie débute dans la soirée, le discours est prêt, les tenues seront enfilées un peu plus tard, le jour s'est levé depuis peu, et soudain Lise apparaît devant Otto, dans sa chambre d'Hôtel. Vient-elle pour le féliciter ? Non, elle vient pour en découdre, pour régler ses comptes. S'ensuit alors un échange où sera disséqué les responsabilités et droits de chacun. Pourquoi Otto n'a-t-il pas signé avec elle sa découverte de la fission nucléaire et porte-t-il aujourd'hui seul la gloire liée à cette découverte ? Lise a-t-elle le droit de se plaindre, alors qu'Otto lui a donné sa chance en tant que femme scientifique, et lui a très certainement sauvé la vie ? le Prix est un huis clos qui se déroule sur le temps d'une journée. C'est un roman facile à lire, et la tension qui y règne donne envie de tourner les pages rapidement. Il est tiré d'une histoire vraie. Otto Hahn a réellement existé et a reçu en 1944 un Prix Nobel de chimie qu'il n'a pu venir chercher en Suède qu'en 1946. Cependant, j'ai fini par m'ennuyer de ce face à face qui tourne un peu en rond. Dans un genre similaire, L'idée ridicule de ne jamais te revoir, de Rosa Montero, qui raconte la relation de Marie Curie avec son mari était autrement beaucoup plus passionnante à lire. Pour autant, je suis heureuse d'avoir pu découvrir, grâce à ce livre, un pan de l'histoire dont j'ignorais tout, et l'auteur a tout de même le talent de nous laisser voir deux personnalités complexes, douées d'une intelligence remarquable, vouées à la science, et à l'origine d'une découverte qui a changé nos vies.
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Derrières ses airs de belles retrouvailles se cache une montagne de secrets. Lise profite de son entrevue avec son ancien collègue Otto pour ressortir les vieux dossiers et lui dire ces quatre vérités. Elle aborde avec lui les sujets sensibles qui sont intimement liés à la guerre mais aussi au comportement de son collaborateur.

Dès lors, un échange ardu se met en place. Chacun défend son point de vue et porte des estocades afin de déstabiliser l'adversaire. La vérité de l'un n'est pas la même vécue de l'autre côté. Ils argumentent en mettant en perspective le contexte dans lequel leurs décisions ont été prises. Ils sont emplis de ressentiments et au fil du livre, leur rencontre soit disant impromptue tourne au règlement de compte.

Dans les reproches faits au chimiste se concentrent tous les maux de l'époque. En effet, au moment de leur séparation, juste avant la guerre, Lise cumulait les handicaps. Elle était une femme et juive de surcroît. Alors, selon ses dires, Otto aurait tiré parti de ces statuts pour s'attribuer toute la gloire de leurs recherches communes. Celui-ci n'est bien sûr pas du même avis et va rétorquer en apportant sa version des choses. Mais je ne vous en dirais pas plus. Je ne veux pas vous gâcher la surprise. Vous découvrirez vous-même cet échange de haute volée qui en dit beaucoup sur la nature humaine.

Ce huis clos est d'une efficacité terrible. Se basant sur de véritables faits historiques, Cyril Gely met en scène, de manière théâtrale, deux acteurs criants de vérité, reflet d'une société au sortir du conflit mondial. Parlant de la place de la femme dans le monde, de l'antisémitisme et du rôle de la science, ce texte interroge sur une question universelle : Qu'aurions-nous fait si nous avions été à leur place à ce moment de l'Histoire ?
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Ce livre est marqué "roman", mais c'est une adaptation libre d'un fait réel: Otto Hahn, chimiste allemand, a reçu en 1944 (mais il ne lui sera remis qu'à la fin de l'année 1946) le prix Nobel de physique pour avoir découvert la fission de l'atome. Mais il y a un problème: il avait effectué la quasi totalité des travaux, durant 30 ans, en compagnie d'une physicienne, Lise Meitner, véritablement associée, très proche. Celle-ci, juive, avait dû fuir l'Allemagne en 1938. Hahn recevra donc seul les lauriers liés à leur invention. Et il néglige d'y associer Lise.
1946: vient le jour des honneurs. Nous sommes après-guerre, et Lise vient le voir par surprise dans son hôtel de Stockholm, quelques heures avant la remise du prix, et une explication orageuse éclate.
Cette explication est captivante: Hahn ressentira-t'il la honte liée à son attitude égoïste, admettra-t'il cette lâcheté? Lise, qui a de longue date préparé l'entretien, le tiendra-t'elle dans ses filets, le maniera-t'elle à sa guise, puisque c'est lui qui a tort? Ou bien se réconcilieront-ils in fine, comme deux vieux amis finalement d'accord?
C'est un vrai suspens, qui nous tient du début à la fin. L'auteur sait, par un simple huis clos dans une chambre d'hôtel, donner une dimension considérable à l'enjeu.
On lira la suite. Mais, véritablement, quand bien même une part de cela est construit pour le roman, le point de départ étant réel, on a en mains un livre passionnant, d'une tension psychologique extrême, et qui plus est bien construit. A découvrir, vraiment.
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Ce qui m'a attiré vers ce roman est aussi ce qui m'a déplut au final.
Je m'explique, j'ai d'abord été curieuse de lire ce qu'un auteur de théâtre pouvait écrire comme roman. le résumé qui promettait un huis-clos m'a mis l'eau à la bouche.
Et puis... Je me suis vite lassée, le format pièce de théâtre m'aurait sans doute plus séduite car ici j'ai été gêné par les descriptions qui ressemblaient plus à des didascalies, à cette façon de parler qui manquait de naturel. J'ai finalement peu accroché à l'histoire car un peu exaspérée par le fait que les personnages se racontent les souvenirs qu'ils ont vécu ensemble pour mettre au courant le lecteur...
C'est dommage j'avais envie d'aimer! Je pense que j'aimerais voir une mise en scène du texte, il y a une très belle matière pour ça mais comme roman, non.
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Et si le plus beau des romans n'en était pas un? Et si une fois encore la réalité dépassait la fiction? Avec «Le Prix» Cyril Gely a construit une petite merveille à partir de personnages ayant réellement existé, les scientifiques Otto Hahn et Lise Meitner. Si, au fil du récit, le lecteur va découvrir les grandes lignes de leurs biographies respectives, c'est avant tout leur rencontre dans un hôtel de Stockholm le 10 décembre 1946 qui va faire de ce récit une tragédie digne des classiques tels qu'énoncés par Boileau en 1674 dans L'Art poétique:
« Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. »
Si le deux chercheurs se retrouvent dans la capitale suédoise, c'est parce qu'Otto Hahn vient y réceptionner le Prix Nobel qui lui a été décerné deux ans plus tôt pour sa découverte sur la fission nucléaire. de fission, c'est-à-dire de l'éclatement d'un noyau instable en deux noyaux plus légers, il va en être beaucoup question dans ce huis-clos, au moins au sens symbolique. Car Otto et Lise ont travaillé ensemble durant plus de trente ans, après leur rencontre en 1907 à l'Institut de chimie de l'université de Berlin. C'est conjointement qu'ils mèneront leurs recherches et publierons jusqu'au 12 juillet 1938. Une complicité de tous les instants, même s'il n'est pas question d'amour. «Ensemble, ils faisaient des merveilles», comme lorsqu'ils interprétaient la Mélodie hongroise de Schubert.
Mais le poids de l'Histoire vient mettre un terme brutal à cette relation. Après l'Anschluss, Lise l'Autrichienne devient citoyenne allemande et sa religion juive devient alors un fardeau de plus en plus pesant. Lise doit fuir et tenter de gagner la Suède via les Pays-Bas.
Otto et Lise vont pouvoir échanger quelques lettres, faire le point sur leurs recherches. Car ils sont proches du but: «La solution, ils la tenaient. Ils l'avaient sur le bout de la langue, encore un mois ou deux, et ils allaient la révéler au monde entier.»
Mais au moment de conclure leurs travaux, Otto publiera seul l'article qui lui vaudra le Nobel.
Lise n'est pas venue le féliciter, mais demander des comptes. Passe encore qu'elle ne soit pas associée à cette distinction, mais pourquoi – maintenant que la Seconde Guerre mondiale a pris fin – ne mentionne-t-il même pas le nom de la physicienne dans son discours?
Une accusation qui fait sortir l'Allemand de ses gonds: «Je t'ai sauvée la vie, j'ai pris des risques, je t'ai confié la bague de ma mère. Et toi, tu reviens huit ans plus tard, avec des allégations pleines de fiel! Si tu n'étais pas Lise Meitner, si nous n'avions pas en commun plus de trente années de travaux, il y a longtemps que je t'aurais mise dehors! »
Mais la physicienne a du répondant. Des arguments tout aussi percutants. Jamais l'adage «derrière chaque grand homme, se cache une femme» n'a paru plus pertinent. Car il semble bien que sans Lise, Otto ne serait pas dans cet hôtel, se préparant à recevoir la plus belle des récompenses pour un scientifique. Pour faire bonne mesure, on ajoutera la collaboration avec le régime nazi à cet «oubli».
Cyril Gely, qui a derrière lui de grands succès au théâtre et comme scénariste, nous offre des dialogues ciselés, une tension dramatique qui va crescendo jusqu'à l'épilogue, sans oublier quelques clins d'oeil allant vers le Vaudeville quand on apprend, par exemple, que l'épouse d'Otto loge dans la chambre contigüe et que la porte peut s'ouvrir à chaque instant.
Subtilement, les arguments de l'un et de l'autre vont se confronter, donnant au lecteur tous les éléments pour se forger une opinion. le fruit de la passion commune est mûr au moment d'enfiler le smoking pour rejoindre la grande réception. À vous de le cueillir. Et de savourer avec moi ce chef d'oeuvre, car cette confrontation pose des questions qui n'ont pas perdu de leur acuité aujourd'hui. de l'antisémitisme latent à la place des femmes dans la société, de la résistance face à un pouvoir inique à la responsabilité des scientifiques quant à l'usage qui sera fait de leur découverte.

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