Ce quatrième tome des enquêtes de l'ex-commissaire Oppenheimer est autant un roman policier classique, avec tueur en série et enlèvements, qu'un récit historique sur le Berlin de l'immédiat après-guerre, un moment où la population pourrait espérer reprendre son souffle après des années de fascisme.
Germania, le premier tome de la série, avait surpris en lançant dans le Berlin de la toute fin de la guerre, un ex-policier juif, chassé de son emploi par les nazis, et néanmoins requis de nouveau par le régime en raison de ses compétences. Les liens avec la série de
Philip Kerr sur Bernie Günther semblaient évidents, mais, plus les tomes ont passé, plus le personnage de Richard Oppenheimer a pris de la consistance. Oppenheimer n'est pas un héros, c'est un survivant. Quelqu'un qui a du se cacher, accepter tous les emplois. Il a pactisé avec Ed le Mastard, le trafiquant, qui a pris des risques pour lui dans
Derniers jours à Berlin. Ses amis, comme l'aristocrate Hilde, étaient engagés contre le nazisme. Elle a fait de prison et a échappé de justesse à l'exécution dans
Les fils d'Odin. La guerre est finie, Berlin est en ruines et des mois après la libération, la maison d'Hilde a été requise pour loger en plus d'Oppenheimer et de quelques amis de Hilde, des inconnus. Tous souffrent des problèmes d'approvisionnement et de la pénurie d'électricité. L'hiver 1946 arrive et le froid s'installe.
Oppenheimer a trouvé un petit emploi au service des des personnes disparues, que leurs proches espèrent retrouver. Comme ses collègues, il frisonne de froid en classant des fiches. Mais le colonel Aksakov des forces russes qui occupent Berlin, qui a pu déjà apprécier les compétences d'Oppenheimer, lui demande de suivre une enquête de la police allemande. Un dirigeant communiste allemand, réfugié pendant la guerre à Moscou, a été interpellé à côté d'un cadavre dénudé, le bras gauche curieusement tatoué de nombreux noms. L'homme avait manifestement été enlevé. le dirigeant communiste est le suspect numéro un. Une situation inacceptable pour les Russes. Oppenheimer reprend donc du service aux côtés d'un de ses anciens collègues. Et le tueur frappe de nouveau. Ses victimes ont toutes leurs secrets.
Gilbers dans les tomes précédents réussissait parfaitement à rendre la vie quotidienne à Berlin à l'époque, mais la partie policière était parfois moins concluante. Ce tome concilie ces deux aspects. L'auteur déroule une vraie enquête, prenante, angoissante, et non dénuée d'ambiguïtés. Toujours très documenté, il montre comment, un an et demi après la fin de la guerre, la vie quotidienne reste profondément affectée par les évènements. Les Berlinois subissent les ordres et contre-ordres des forces d'occupation. Les alliés sont désormais divisés. L'Union Soviétique cherche à imposer ses poulains, restés tranquillement à Moscou pendant les années de nazisme. La dénazification ne concerne pas ceux qui peuvent être util
es à un camp ou à l'autre. La ville voit arriver des trains bondés d'Allemands « de l'étranger », expulsés de Prusse Orientale ou de Silésie. Ils sont réorientés vers d'autres destinations et ne peuvent rester à Berlin, où la population les voit comme des nuisibles. Certains subsistent comme ils peuvent dans les ruines, sans tickets de rationnement. Les trains amènent aussi les derniers survivants des camps de concentration. Derniers des derniers, regroupés dans un camp de fortune. Pas mieux traités que la population locale…
La confiance qu'Oppenheimer et ses amis pouvaient avoir dans les alliés a disparu, la méfiance est réciproque, tous les Allemands sont catalogués comme complices des nazis, et des opportunistes commencent à s'emparer des postes importants dans l'administration et la police. En ce terrible hiver 46, l'Allemagne panse ses plaies de la seconde guerre mondiale et commence à subir la guerre froide. Avec
La vengeance des cendres, Gilbers réussit un remarquable roman policier historique.