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4,19

sur 104 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Merci à Babelio et aux éditions Talent pour cet envoi dans le cadre d'une mass critique.
Post frontière de Maxime Gillio est un roman très féministe dans le bon sens du terme. Il est centré sur la vie de trois femmes à trois époques différentes. Trois femmes et trois époques qui nous permettent d'en savoir beaucoup plus sur l'Allemagne de 1945 à nos jours.
Patricia Sammer est une journaliste au Tageszeitung et entreprend un dossier sur les personnes qui ont fui l'Allemagne de l'Est à pendant la guerre froide et qui y sont revenus. Dans ce cadre, elle rencontre Oelze qui accepte de lui raconter ses souvenirs : son enfance dans un village de l'ancienne République démocratique allemande, son premier amour, son passage à l'ouest.
Le roman se concentre surtout sur la relation entre ces deux femmes. Patricia a perdu son père et sa mère est en phase terminale et ses démons semblent la pousser vers un puit sans fond d'autodestruction. Son enquête et sa volonté d'interviewer Oelze ne semble pas si désintéresser que cela. Que cherche-t-elle ? Pourquoi semble-t-elle en vouloir à cette femme ?
A travers l'histoire de ces deux personnages, se dessine celle de l'Allemagne de la guerre froide, et notamment celle des années de plomb, de la fin des années 1960 aux années 1980.
En parallèle, l'auteur nous raconte aussi l'histoire de la mère d'Oelze, une Sudète, une Allemande qui vivait en Tchécoslovaquie avant la Seconde Guerre mondiale. Or, en 1945, suite à la défaite du troisième Reich, cette population est victime de la vengeance des peuples se relevant de la terreur nazie. Anna, c'est son nom, subie les vexations des tchèques, puis, avec tous autre sudètes encore en vie et avec ses deux enfants, est parquée dans les mêmes camps de concentration qui servaient aux nazes et qui sont réutilisés contre les Allemands eux-mêmes.
Ces chapitres sont vraiment terrifiants mais dévoilent un pan de l'histoire jusqu'ici très peu exploité par les auteurs. La vie de tous ces allemands et surtout allemandes (car les hommes étaient presque tous soit morts soit prisonniers de guerre) qui ont souffert eux aussi de 1944 à 1946 suite à la défaite nazie et dans le cadre d'une vengeance à grande échelle des pays occupés d'Europe de l'Est.
La vie d'Oelze m'a aussi particulièrement intéressé, la vie en Allemagne de l'Est aurait pu être un peu plus développé et m'a laissé sur ma faim, mais le personnage est plutôt attachant.
En revanche, j'ai trouvé le personnage de Patricia Sammer un peu trop caricatural dans son travail d'auto destruction, même si je ne remets pas du tout en cause ses motivations.
Le livre se lit très facilement avec des chapitres cours qui alternent sur les trois époques et avec un style plutôt dynamique qui ne s'éternise pas sur les descriptions et qui se concentre sur les personnages. J'aurai aimé une densification du récit avec des personnages secondaires qui auraient pu gagner en épaisseur, le frère d'Oelze, son petit ami, le père de Patricia, la vie même d'Oelze en Allemagne de l'Ouest.
Au final, un bon moment de lecture avec des passages parfois difficiles mais qui nous apprend quantité d'informations sur l'Allemagne post guerre mondiale sur des sujets peu souvent évoqués dans la littérature française.
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Trois femmes ballotées par l'Histoire

Anne, Inge et Patricia ont toutes été victimes des soubresauts de l'histoire, des frontières qui bougent. En nous racontant leurs histoires Maxime Gillio réussit un formidable roman historique, qui entre aussi en résonnance avec l'actualité la plus brûlante.

L'histoire commence en 1944, à Priesten, en Bohême, dans l'ex-Tchécoslovaquie. Anna, qui est Allemande, sudète, est prise à partie par les villageois. La mère de famille est proche d'être lynchée avant qu'un professeur ne s'interpose et ne parvienne à la sauver des griffes des villageois en furie.
Puis le roman bascule en 2006, à Heidenau, en Basse-Saxe, quand Patricia Sammer, une journaliste au Tageszeitung vient proposer à madame Lamprecht de raconter son histoire, ayant découvert dans les archives de la BStU, le bureau en charge des archives de la Stasi, qu'elle s'appelle en fait Inge Oelze et qu'après avoir réussi à fuir à l'ouest, elle était revenue en ex-RDA. Très méfiante, Inge finit par confier son histoire à la journaliste, faisant le lien avec le chapitre initial. «Mes parents, Josef et Anna Fierlinger, étaient des Allemands sudètes, qui habitaient à Priesten, un petit village de Bohême, dans l'ancienne Tchécoslovaquie. Leurs familles respectives y étaient implantées depuis plusieurs générations. Aujourd'hui, il s'appelle Pfestanov, mais à l'époque de mes parents, c'était Priesten, à l'allemande.… Je n'ai pas connu mon père, qui était soldat dans la Wehrmacht. J'ai été conçue pendant une de ses permissions, mais il est mort dans les bombardements de Berlin, quelques semaines avant la capitulation... Comme vous le savez, sitôt la guerre terminée, les Sudètes ont été expulsés des territoires où ils habitaient depuis plusieurs années. Ce fut le cas de ma mère qui est partie sur les routes enceinte de moi, avec mes deux frères. Je vous passe les conditions de vie qui furent les leurs durant cet exode.»
Si Patricia s'intéresse de si près à cette histoire, c'est que son propre destin n'est pas étranger à celui de son interlocutrice. Cette part d'ombre va nous conduire dans l'Allemagne des 70 à 90, au moment où la Fraction armée rouge de Baader-Meinhof faisait régner la terreur dans la République fédérale.
Maxime Gillio s'est inspiré de faits réels pour ce livre. Son beau-frère, qui a grandi en Allemagne de l'est jusqu'à la chute du Mur, lui a raconté l'histoire de sa mère, réfugiée sudète contrainte à l'exode. C'est à partir de son témoignage qu'il est parti sur les lieux et s'est abondamment documenté pour nous offrir cet émouvant récit, ces trois portraits de femmes victimes du redécoupage des frontières comme tant de leurs compatriotes.
Mais ce qui fait l'intérêt de ce fort roman, c'est aussi son absence de manichéisme. En le lisant, on comprend que la chute du mur a aussi pu être vécue comme un drame, un choc. «Cette plongée soudaine dans un nouveau monde tellement agressif, si plein de doutes et d'angoisses» peut faire regretter un système où régnait la Stasi et où les contrôles et le manque de libertés, car «ce régime apportait des repères».
L'auteur s'est aussi servi de son sens de l'intrigue et du suspense, acquis avec l'écriture de romans policiers, pour entraîner le lecteur d'un destin à l'autre, attisant sa curiosité au fil des pages. Avec Anna, Inge et Patricia, il nous montre aussi que l'émigration est rarement un choix volontaire et que la remise en cause de l'intangibilité des frontières s'accompagne souvent de drames humains. C'est dire combien ce roman résonne avec l'actualité le plus brûlante.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024».Enfin, en vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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D'une frontière à l'autre.

1944: Tchéquoslovaquie. L'Allemagne est en train de perdre la guerre. Anna est Sudète, de par ses origines elle est condamnée à l'exil.
1951: RDA. Inge mène une vie heureuse avec ses parents adoptifs. Toutefois elle franchira le Mur une dizaine d'années plus tard.
2006: Heidenau. Patricia est journaliste. Dans le cadre d'une enquête sur les personnes ayant fui l'Allemagne de l'Est. Elle va rencontrer Inge dans ce contexte. Mais quel est le but réel de Patricia ?

J'avais un peu d'appréhension avant de commencer ce roman. Je craignais de lire une variation du film Goodbye Lénine, film que j'ai vu un nombre incalculable de fois, lors de mes trop longues années d'étude de l'allemand au collège/lycée. Fort heureusement, il n'en a rien été.

Au contraire, j'ai appris énormément de choses. La partie sur les Sudète a été extrêmement intéressante. Je ne savais rien de leur sort à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Il est tristement universel, massacres, spoliations et exil comme pour toutes les populations minoritaires et considérées comme "indésirables". J'ai senti un immense travail de recherche de l'auteur. Cette partie vaut clairement le détour.

Malheureusement, j'ai trouvé que la partie en RDA et à notre époque n'avait pas bénéficiés du même soin. Elles ne sont pas assez approfondies, voire, dans le cas de la partie contemporaine, font du surplace. J'ai deviné rapidement le but de l'enquête de Patricia, et je n'ai pas été surprise par la vérité sur l'histoire d'Inge.

En conclusion, ce roman met très bien en valeur l'histoire méconnue des Sudète, toutefois il est plus faible sur le reste de l'intrigue.

Je remercie Babelio et Talents Éditions pour l'envoi de ce roman.

MASSE CRITIQUE PRIVILÉGIÉE
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En premier lieu je remercie Nathan et Talents éditions qui m'ont permis de découvrir dans le cadre de l'opération Masse critique privilégiée, cet auteur talentueux.

Ce roman mêle avec brio Histoire et fiction.

Il brosse l'histoire de 3 femmes qui n'ont en apparence aucun lien entre elles, en alternant le récit sur 3 périodes 1945, 1970 et 2006 sans pour autant l'alourdir.

Il décrit des vies brisées par les évènements, 2de GM, nazisme, déportations, brimades des Sudètes en Tchécoslovaquie, actes de cruauté, qu'on ne peut ni ne doit oublier, surtout quand on assiste à ce qui se passe en Ukraine encore aujourd'hui.

Pour la période contemporaine, la trame s'appuie sur la rencontre entre la journaliste, Patricia, et Inge allemande qui a vécu à l'est et raconte les vicissitudes subies par les déplacés par contrainte au lendemain de la guerre.. puis la vie en RDA.

L'auteur dévoile tout au long du récit des évènements inattendus recueillis par la journaliste qui souhaite écrire un papier sur les allemands de l'est ayant cherché à rejoindre l'ouest au péril de leur vie après l'édification du mur de Berlin.

L'interview sera menée dans une ambiance tendue, chacune Inge et la journaliste, éprouvant une certaine méfiance vis à vis de l'autre. Les secrets sont bien enfouis et le talent de l'auteur nous les délivre avec parcimonie tout au long du récit.

J'ai moins apprécié les passages de la vie privée de la journaliste qui, en recherche de maternité, se comporte de manière confuse et prête à coucher avec n'importe quel mâle débusqué au gré de ses errances nocturnes et alcoolisées dans des bars pas très glamour !

L'ensemble est bien écrit, un style fluide et un talent certain pour maintenir le lecteur en haleine.

Un roman que je recommande.

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Tout d'abord un grand merci à Babelio et aux Éditions Talent pour la découverte dans le cadre d'une Masse Critique Privilégiée de cet ouvrage de Maxime Gillio...

Post frontière, rien que ce titre à de quoi interpeller...

Ne dit-on pas Poste-frontière, qui plus est avec cette couverture qui rappelle le Mur de Berlin qui matérialisait, pendant plusieurs décennies une frontière les plus folles qui soit, au sein d'un même pays, au sein d'une même ville
"Mur de la honte" pour les allemands de l'ouest
"Mur de le protection anti-fasciste" pour les Allemands de l'Est
Une frontière inter-allemande et ses fameux points de passage. le plus célèbre Checkpoint Charlie, poste frontière devenu lieu touristique pour ne pas dire folklorique devant lequel, des touristes du monde entier se prennent en photos en oubliant le traumatisme que cela fut pour le populations berlinoises.
Il ne faut pas oublier que ce mur construit eu des conséquences car en l'espace d'une nuit de 1961 ce furent des familles, des amis, des amants pour lequel la vie allait devenir une vie POST FRONTIÈRE....

Ensuite, il y a ce que l'on a appelé "La crise des Sudètes" en 1938 : la revendication de quelque trois millions d'Allemands, qui habitent la région des monts Sudètes en Tchécoslovaquie, à l'autodétermination, c'est-à-dire à leur rattachement au Reich. Mais cette crise est devenue en 1944, à l'aune de la fin du second conflit mondial, la République tchécoslovaque est rétablie dans ses frontières initiales, le président Edvard Beneš émet les décrets Beneš qui expulsent du territoire tchécoslovaque tous les ressortissants qui, ayant acquis une autre nationalité (allemande ou hongroise) lors du démantèlement du pays, avaient collaboré avec l'Allemagne nazie ou la Hongrie fasciste, soit la quasi-totalité des minorités allemandes des pays tchèques et une partie des minorités, allemande ou hongroise, de Slovaquie.
Après avoir perdu ses frontières la Tchécoslovaquie retrouve ses frontières. En clair un avant et un POST FRONTIÈRE .

Et enfin en 1989, la chute du Mur de Berlin, et toutes les découvertes qui vont avec, cette date qui a profondément bouleversé l'histoire de l'Europe, voir mondiale. Histoire qui a eu des répercussions, jusqu'au plus profond dss êtres. Certains subissants certains cherchant des réponses...
Car ce sont bien 2 pays qui se sont construit de part et d'autre....
Chute qui a provoqué également une prise de conscience plus globale de ce qu'il se passait de "l'autre côté du mur" avant. Ce sont principalement la découverte des archives de la Stasi, police politique de la RDA, dont la devise était "Le bouclier et l'épée du Parti". Tout un programme !!!
Et la plongée dans ces archives, c'est une plongée dans des méthodes d'un autre temps, mais aussi et surtout une plongée dans le destin d'hommes et de femmes marqués dans leur histoire personnelle par des déchirements, des arrachements, des frontières personnelles qui se sont créées en eux et en elles.
Un travail dans les tréfonds de la conscience humaine et collective, un travail POST FRONTIÈRE mental.

C'est avec un parti pris d'allers et retours entre ces diverses époques et autres travers du regards de 3 femmes.
Ces femmes en prise directe avec L Histoire, avec leur histoire. Ces femmes qui ont toutes un point commun, une frontière commune serais-je tenté de dire.
Patricia, La journaliste au Spiegel qui enquête sur ces personnes ayant fui l'Est, même si je ne versé pas dans les anglicismes, qui mène une vie "Border Line" telle une équilibriste sur un fil, prête à tomber du bon ou du mauvais côté d'une frontière invisible ;
Inge qui a franchi le Mur, cette frontière qui ele pour le coup était bien visible voire un peu trop, comme une longue verrue de béton, et sa zone interdite appelée "couloir de la mort" ;
Et enfin Anna cette Sudète, cette région dont les frontières ont été en l'espace de quelques années des fantômes, et le jeu des puissances politiques internationales.
Et vous l'aurez compris ces tois destins finiront par se recouper, abolissant les frontières entre les unes et les autres.

L'auteur franchit avec maestria les passages de frontière d'une époque à l'autre, les frontières d'une écriture qui fait montre de sensibilité mais aussi de dureté quand cela est nécessaire.

Une écriture qui se fait le reflet des frontières que l'être humain possède en lui, des frontières comme des failles, comme des lignes de démarcations intérieures et lorsque celles-ci se lient au frontières physiques, les résonances n'en sont que plus fortes...
La frontière devient une séparation entre le dedans et le dehors, entre un avant et un après, entre un ici et un là-bas, entre le même et l'autre..
Et c'est bien à mon sens ce qui ressort de ces trois destins féminins.
Et puis dans un sens figuratif la frontière n'est-elle ce qui définit le terme extrême, ce qui marque la fin d'une chose et le début d'une autre...

Et comme un pont entre les livres, en pleine lecture d'un autre livre, une citation qui sied parfaitement à celui-ci : "Toute frontière est une invention. Qui comprend ça dérange forcément ceux qui les inventent, ces frontières, et encore plus ceux qui y croient, c'est-à-dire à peu près tout le monde."

Mais finalement les frontières ne seraient-elles pas des lignes imaginaires dressées par les hommes pour revendiquer ce qui sépare et ce qui unit, tout dépend du point de vue ?

Kafka disait "toute littérature est un assaut contre la frontière" , le livre de Maxime Gillio ne saura le contredire
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Une grand merci à Babelio et à Talent Editions, qui m'ont offert un moment de lecture privilégiée, avant la parution en librairie de ce roman.

* * *

« Post frontière. Quand les frontières bougent, les destins vacillent ».

* * *

Trois voix.

* * *

Anna.
Nous sommes à Priesten (aujourd'hui Prestanov), Bohême, Tchécoslovaquie, en 1944. La famille (allemande) d'Anna y est implantée depuis plusieurs générations. Son père, qui a siégé au conseil municipal, était « un modèle d'intégration, un homme qu'on a vu pleurer au lendemain de l'annexion de la région par ses soi-disant compatriotes, qui s'était opposé au discours expansionniste des autorités allemandes. Lothar, devenu plus tchèque que certains Tchèques d'origine, et pour cette seule raison, assassiné par les nazis un matin de 1940 ».
L'on suit Anna sur quelques années, brutalisée, chassée, avec ses deux petites garçons, enceinte de sa fille, Inge.

* * *

Inge, que Patricia, journaliste torturée, interroge (nous sommes en 2006), sur son enfance, l'édification du mur, son passage à l'Ouest, son activisme politique, son retour à l'Est… Au gré d'allers et retours dans le passé, Inge se livre.
« Savez-vous quelle était la seule préoccupation de la mairie de mon village, plusieurs années après le Mur ? C'était de vérifier l'orientation des antennes sur les toits. »
« On se focalise souvent sur le mur de Berlin, mais c'était bien tout notre pays qui était séparé, de la Baltique jusqu'à la Tchécoslovaquie, par une frontière de près de 1400 kilomètres. Nos dirigeants ont rivalisé d'ingéniosité morbide pour empêcher l'exil des citoyens de l'Est. (…) les miradors, les champs de mines, les pièges sur les grillages, les chiens, les détecteurs électriques, tout cela a bien existé. »

* * *

Patricia qui semble se lancer dans une forme de procès d'Inge, entre deux soirées de débauche et de désespoir (et même une «Ostalgie Party »). L'on comprend vite leur lien.

* * *

Un roman original, qui ne se place pas sous l'angle des Allemands bourreaux, mais sous celui des Allemands traqués, chassés. Des populations déplacées, en général. Il ne s'agit pas seulement du mur, mais de toute frontière. « Post-frontière ». Je ne suis pas convaincue du titre. Poste frontière pour la surveillance ? Post frontière, pour l'après, l'arbitraire, la frontière qui cloisonne, sépare, morcelle, broie. Trois voix pour trois personnages très très sombres.

« There is a crack, a crack in everything
That's how the light gets in ». (Leonard Cohen, Anthem)

Pas cette fois.
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Comme Electre à la Post (Frontière)

C'est idiot, mais lire dès la première phrase, une formule aussi creuse que « La poussière du chemin danse dans les rayons du soleil », a failli m'arrêter. Et puis, le sens du devoir (merci aux éditions Talent et à Babelio), le soleil et l'âge, ont eu raison de ma réserve excessive.

Post Frontière est l'histoire de destins parallèles qui n'auraient donc, jamais dû se croiser, d'autant plus qu'un mur était censé les séparer. Mais la vie se moque de la géométrie des existences…

Nous sommes en 2006 quand Patricia Sammer sonne à la porte d Inge Oelze qui vit paisiblement à Heidenau, un petit village de l'ancienne RDA. La journaliste souhaiterait recueillir l'histoire de cette personne apparemment sans histoires, qui pourtant, selon les registres de la Stasi, aurait fui la RDA avant la chute du mur, avant de revenir à l'Est. Un parcours bien singulier.

Après beaucoup d'hésitations, Inge accepte, mais la méfiance ne s'efface pas complètement et au cours des différentes entrevues, les deux femmes se confrontent, se confient ou se confortent.

De ce ballet de faux-semblants, de demi-confessions et de vrais aveux, émergent plusieurs récits.
Celui d'Anna, la mère d'Inge. D'origine allemande, elle vit depuis plusieurs générations, dans les Sudètes, en Tchécoslovaquie. L'histoire va en faire une paria. Trop allemande pour les uns, pas assez pour les autres. Son calvaire en 1945 retrace une tragédie que L Histoire évoque rarement.
Viennent ensuite le récit d'Inge, tissé d'espoirs trahis des deux côtés du Mur et celui de Patricia, une quarantenaire qui se détruit lentement, en proie à un traumatisme familial et un désir de vengeance.

Post : car après les frontières, les murs, les conditionnements.

En dépit d'un procédé trop usité (les récits qui s'entremêlent, la chronologie qu'on bouscule) et de suspenses maladroits (l'habituel courrier qu'un personnage reçoit mais ne lit pas -alors que le lecteur lui, a déjà deviné ce qu'il contient), le roman de Maxime Gillio est difficile à lâcher une fois entamé. L'auteur sait donner du rythme à son récit et surtout, parvient en dépit de la mécanique d'écriture dont on perçoit parfois les boulons, à livrer des passages où l'émotion emporte tout, avec beaucoup de sobriété et de délicatesse. A cet égard, la fin du chapitre 30 est remarquable.

Post Frontière est donc plus que recommandable et une belle surprise pour la Rentrée littéraire.

NB. le roman interpelle sans doute avant tout, par l'épisode tragique des Sudètes, mais il évoque aussi la Bande à Baader, cet espèce de trou noir idéologique sans doute pas totalement résorbé si on en croit certains slogans entendus encore aujourd'hui que n'aurait pas reniés Ulrike Meinhof , auteur de l'immonde : "Nous proclamons que les flics sont des porcs, le mec en uniforme est un porc. Il n'est pas un être humain et nous pouvons évidemment lui tirer dessus.»
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Merci à Masse critique de m'avoir fait découvrir cet intéressant ouvrage qui rejoint exactement mes préoccupations de lecture. J'ai beaucoup apprécié ce livre qui relate une page de l'histoire de l'Allemagne au 20e siècle. Comme souvent, je me suis attachée au fond de l'histoire plus qu'à la forme. Post frontière relate l'annexion des Sudètes en 1938, provinces tchécoslovaques de la langue allemande, au IIIe Reich dans le cadre des extensions pangermanistes des Nazis. A la fin de la guerre, cette région a été rétrocédée à la Tchécoslovaquie qui ne voulait plus de cette population. Celle-ci a été internée dans des camps suite au décret Benès. de nombreux citoyens originaires des Sudètes se sont retrouvés coincés dans la dictature de l'Allemagne de l'Est. Certains, ont payé de leur vie le rêve de la liberté à l'ouest. Cette histoire est donc bien une affaire de frontière. Maxime Gillio relate une histoire basée sur des faits réels. La vie de Inge Oelze – originaire des Sudètes habitant en Allemagne de l'Est après la guerre, voulant tenter l'aventure à l'Ouest pour une raison particulière repasse à l'est pour une raison tout aussi précise - est décortiquée par Patricia, une journaliste rédigeant un article sur les Allemands de l'Est passé à l'Ouest et revenus à l'Est. On découvre vite que l'article est un prétexte. Au fil des pages, les deux femmes vont très lentement se livrer. Les chapitres alternent entre cruauté dans les camps et analyse psychologique des deux protagonistes. Si j'ai apprécié l'histoire, je souscris bien moins au dénouement qui ne me semble pas crédible.
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Trois femmes, à trois époques différentes, qui ont eut des vies tragiques, des deuils d'êtres chers qui les ont traumatisés et endeuillés trop tôt dans leur vie.

La première : Anna, que l'on suit sa survie en 1945, qui en tant que Sudètes (___) en Tchécoslovaquie à dû quitter cette terre, seule avec ses enfants pour se retrouver dans des camps d'internement pour Allemands. Même si en tant que civils la grande majorité d'entre eux étaient innocents durant la guerre. Quand l'Allemagne a été vaincu, ils ont servi de défouloir par les pays qui ont été conquis par l'armée Allemande.
À vouloir se venger indirectement de leur bourreau, cela déclenche encore plus d'injustice et de malheurs.

La second femme que l'on suit est la fille d'Anna : Inge. Elle n'a pas connu assez sa maman pour s'en souvenir, n'a jamais connu son père, et a été placée dans une famille d'accueil séparée de son grand frère. On l'a suit dans les années de sa jeunesse, puis quand elle quitte l'Allemagne de l'Est pour passer à l'Ouest et rejoindre la lutte côté RFA (Fraction Armée Rouge). Et on l'a retrouve au présent quand une journaliste vient l'interroger.

La troisième femme est : Patricia. Une journaliste qui rend visite à Inge pour mieux comprendre qui elle est, et ce qu'elle a fait durant sa période d'activisme avec les RFA.
Patricia à comportement assez auto destructeur dalcool et de sexe sans lendemain pour combler ce vide en elle, qu'elle cherche à remplir par la présence d'une grossesse.

La condition de la femme est bien représentée à travers les époques, les guerres, les politiques, les injustices et les violences subies qui sont un éternel recommencement. Sans oublier les violences d'états, de leurs polices, et de leurs propagandes à travers les médias dont l'auteur s'inspire de faits réels et qui sont également toujours d'actualité.

Un sujet toujours d'actualité, écrit par Maxime Gillo qui m'a bien plus, même si un peu difficile au début de se mettre dedans comme les chapitres se succédant à différentes époques délivrant au compte goutte leurs secrets et mystères.

Merci à Babelio pour se livre et aux Éditions Talent.
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Post frontière est un passionnant roman historique, que l'on pourrait qualifier de mémoriel. Avec une plume efficace et sensible, Maxime Gillio emmène son lecteur, par une série de flash back qui s'entremêlent, dans une Allemagne marquée par les stigmates de la seconde guerre mondiale puis du rideau de fer. Nous suivons le destin de 3 femmes des 3 générations d'après guerre, avec le fil rouge d'une enquête déclarée comme journalistique par son instigatrice, Patricia, mais que l'on devine bien vite être plus intime.

J'ai été très touchée de découvrir des pans de l'histoire que je n'avais jamais rencontrés auparavant quoique j'aie déjà lu beaucoup sur le totalitarisme et la seconde guerre mondiale : la déportation et la persécution des sudètes, la vie en RDA, les attentats des mouvements terroristes dans l'Allemagne des années 70, la question de l'identité allemande à reconstruire après le choc du nazisme.

Le récit s'applique à démontrer l'impact des traumatismes (inimaginables pour les gens de ma génération) de la guerre sur les destins individuels, qui engendrent de nouveaux drames, dans une mécanique implacable, qui va jusqu'à l'autodestruction extrême de la plus jeune des femmes mises en scène.

On sent vibrer au delà de la plume de l'auteur des témoignages qui ne s'inventent pas et la voix des simples acteurs de l'histoire, dans leur difficulté à intégrer ces événements qui les dépassent et semblent impossibles à croire. J'ai été plus touchée par l'aspect témoignage historique du récit que par le mélodrame qui se joue entre les deux héroïnes et leurs problématiques intimes. J'en comprends la fibre romanesque néanmoins.

Un très beau livre, poignant, découvert grâce à la Masse critique privilégiée Babelio. Merci donc aux équipes et à l'éditeur. Mais néanmoins une interrogation, en recherchant des informations sur l'auteur que je ne connaissais pas du tout, j'ai découvert qu'il avait déjà publié ce roman sous le titre Rouge armé en 2016. Il s'agirait donc d'une réédition, sous un nouveau titre, dans une maison d'édition moins orientée vers le genre policier ?
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