En matière de thriller, marquer sa singularité devient presque un exploit quand on sort son premier roman. Dans un genre qui peut être particulièrement stimulant, mais qui est de plus en plus formaté, il faut savoir s'appuyer sur les codes établis tout en trouvant un sujet suffisamment original pour émerger du lot.
Persona est de ces thrillers-là, grâce à son environnement.
Les GAFAM (Google – Apple – Facebook – Amazon – Microsoft), vus de l'intérieur. Un univers étrange, ce nouveau monde qui a pris place au quotidien dans la vie de quasi toute la population mondiale. Nos vies sont en partie régies par ces géants du numérique, qu'on le veuille ou non. Ils savent beaucoup de choses sur nous, mais que savons nous d'eux ? Pas grand-chose….
Maxime Girardeau entrouvre le rideau, et ce qu'on y entrapercevoit fait froid dans le dos. Les dirigeants et employés vivent dans une bulle dorée. Mais quand la couche de vernis se craquelle, tout n'est pas joli à regarder. Pas étonnant que tant de gens détournent les yeux…
Ceux qui vivent au sein des GAFAM sont des connectés déconnectés. Ils cherchent à décortiquer tout ce qui fait votre vie pour tenter de vous vendre ce dont vous n'avez même pas conscience d'avoir besoin. Et pourtant, ils vivent à des années-lumières de leurs cibles.
Voici un bout de la trame de fond. Mais ce n'est pas le roman en lui-même. Elle contribue fortement à lui donner une personnalité propre. Mais
Persona est un vrai thriller, rythmé, brutal, prenant.
Les scènes de « meurtres » sont d'une horreur graphique. Je place des guillemets, puisqu'une autre originalité de l'intrigue est que les victimes sont toujours vivantes, mais tellement abîmées qu'elles ne sont plus que des morts vivants.
On pense à la filiation du film « Seven » pour ces scènes-là, par la manière violente et visuelle de les construire.
Persona est un tout (parfois un peu fourre-tout, petit défaut de jeunesse). La forme et le fond s'entremêlent avec intelligence. La violence est contrebalancée par un travail très intéressant sur la psychologie.
Car tout cela n'est pas qu'un habillage.
Maxime Girardeau, après des études de psycho, a travaillé plus de dix ans dans le milieu digital, dont une bonne partie chez Microsoft. Autant dire, qu'il est expert, et ça se sent immédiatement. le fond n'en est que plus marquant. Peu de doute sur le fait qu'il a mis de lui et de son vécu dans ses personnages (et pas obligatoirement les personnages masculins).
Parlons des protagonistes, dont l'équipe atypique qui mène l'enquête. Bien loin de l'image des flics de beaucoup de thrillers, avec un commissaire à l'instinct sur-développé et sa « team » qui est à la pointe des techniques. On ne s'attaque pas à des géants avec des outils en silex.
Quelques ficelles sont un petit peu grosses, mais le roman est tellement bien mené, et l'environnement tellement prenant, que ça ne m'a pas gêné.
Il faut dire que ce monde des GAFAM suscite autant de fascination que de répulsion. La description des hommes-rouages de ce système ne peut que faire réagir, avec leur mentalité souvent profondément abjecte. Les comportements de ces gens-là m'ont bien plus choqué que les scènes de torture.
L'écriture est vive, vivante, particulièrement cynique, et c'est cette dernière caractéristique qui rafle la mise. Une certaine brutalité verbale qui dit les choses sans enrobage, mais avec talent et classe. Oui, un cynisme qui sied parfaitement à ce nouveau monde.
Avec
Persona,
Maxime Girardeau fait une entrée remarquée dans le monde du thriller. A suivre, sans aucun doute !
Lien :
https://gruznamur.com/2020/0..