Qui s'intéresse à Colette a forcément croisé plusieurs fois le nom de Polaire, actrice de la Belle Époque, interprète des Claudine.
Françoise Giraudet a souhaité rendre justice à cette artiste aujourd'hui oubliée au travers « des regards croisés de ses contemporains, Colette, Willy,
Cocteau, Sem, Cappiello... ».
L'ouvrage est très richement illustré, la célébrité de Polaire a fait qu'elle a été abondamment photographiée et ses photos ont été reproduites sur des affiches, des cartes postales, des réclames. Elle a aussi été souvent caricaturée dans les journaux humoristiques comme l'Assiette au beurre, le Rire, sa carrière au caf'-conc et au théâtre lui ayant valu une popularité extraordinaire pendant le premier quart du 20e siècle. Polaire nous est donc restituée sous toutes les facettes de sa vie professionnelle, mais aussi publique voire mondaine : Polaire aux courses, à Central Park, au casino... Cette abondante iconographie nous illustre le caractère phénoménal de sa personne. Tout d'abord, Polaire s'incarne dans un physique et une gestuelle hors norme pour l'époque. Sa taille étranglée a la finesse de celle d'une guêpe (42 cm), elle a peu de poitrine, des jambes fines et nerveuses et des pieds minuscules. Son aspect gracile lui permettra de jouer longtemps des rôles d'adolescente, après le succès des Claudine, alors qu'elle a dépassé la trentaine. Ses apparitions sur les scènes du caf'-conc sont caractérisées par une étrange position des bras, raides, presque tétanisés et une transe nerveuse du corps pendant ses chansons. Elle étonne, surprend, conquiert un public pourtant impitoyable par une sorte d'hystérie contrôlée. Phénomène de scène, Polaire réussit encore par sa capacité à habiter ses rôles au théâtre, à faire vivre les personnages dans la panoplie d'émotions qu'elle leur restitue. Souvent les pièces sont médiocres, parfois bâclées, mais son interprétation soulève toujours l'enthousiasme des critiques et des spectateurs.
La véritable personnalité de Polaire se reflète sans doute dans la mélancolie qui souvent la saisit, comme le note à plusieurs reprises Colette. La scène est sa vie, elle la brûle, hors du spectacle, il lui faut brûler autrement, en dépensant sans compter, en perdant des sommes astronomiques au casino, en s'étourdissant d'un luxe ostentatoire. Elle ne fait pas autrement que les grandes cocottes de la Belle Époque qui finiront, pour la plupart d'entre elles, ruinées et dans la misère, comme d'ailleurs Polaire.
le texte de
Françoise Giraudet n'est pas toujours captivant. Son style est parfois un peu lourd, le contenu n'échappe pas à certaines redites, mais l'essentiel n'est pas là. le livre aboutit dans sa capacité à faire encore scintiller cette étoile lointaine qu'est Polaire.