Ondine fut représentée pour la première fois le 4 mai 1939, sous la direction de
Louis Jouvet qui interprétait le chevalier, avec la resplendissante
Madeleine Ozeray dans le rôle éponyme. Je connaissais déjà le récit de Friedrich de la Motte Fouqué, et lorsque j'ai eu vent qu'il en existait une adaptation théâtrale, je me suis retrouvé au comble de l'excitation. Je me suis donc procuré la pièce de
Jean Giraudoux. Quelle merveilleuse surprise que la découverte de ce texte qui transcende les odes du théâtres! Avec un récit tiré des légendes nordiques et d'Europe de l'est,
Jean Giraudoux rédige d'une main de maître une oeuvre qui soulève une myriade de questions métaphysiques. Un soir d'orage, dans une cabane située au fin fond d'une forêt, le chevalier Hans rencontre un couple de vieux pécheurs, Auguste et Eugénie, qui lui apprenent l'existence de leur fille adoptive,
Ondine. Cette dernière, âgée de quinze ans, n'est pas une jeune fille ordinaire, puisqu'elle est capable de dompter l'eau. En réalité, elle est issue du peuple des ondins, des êtres à l'apparence humaine, qui se distinguent par leur peau diaphane, leurs yeux clairs, et leurs cheveux blonds. Ces êtres résident dans les lacs et autres domaines palustres. Lorsqu'elle rencontre le chevalier,
Ondine tombe éperdument amoureuse de lui, et décide de vivre à ses côtés, parmi les humains (cette thématique de l'arrivée d'une étrangère au beau milieu des mortels est capitale dans le deuxième acte). Toutefois, un pacte impitoyable la lie à son peuple. Si jamais son bien-aimé la trahit, il devra le payer de sa vie, et
Ondine retournera vivre auprès des siens, et ne conservera aucun souve ir de son existence terrestre.
Ondine!
Ondine! Enfin je t'ai trouvée! Toi qui déploies tous tes efforts pour conquérir ton humanité, et connaître le sentiment d'avoir le coeur battant à l'unisson avec ceux qui te sont chers! Toi qui sommeillais à l'abri des vicissitudes de notre monde, pourquoi t'es tu risquée à t'aventurer sur la terre ferme?
C'est elle l'héroïne romanesque dont je me languissais! C'est elle qui m'a appris ce que signifie être un humain: elle, innocente, prête à tout accepter rien que pour vivre aux côtés de celui qui l'a éveillée à l'amour, et qui s'avère plus humaine que ceux qu'elle s'évertue d'imiter.
Merci Monsieur Giraudoux pour cette splendeur que vous nous avez laissée! Outre le message qu'elle abrite, cette pièce brille par la mise en abîme du théâtre que nous découvrons dans le second acte avec la présence de l'illusionniste, un personnage capital au déroulement de l'intrigue. L'auteur démontre ainsi dans cette magistrale leçon de théâtre que l'adaptation d'un texte sur la scène est un travail poétique au sens littéral du terme (en grec ancien, poésie signifie création), c'est-à-dire un travail de créativité. Cette pièce est si sublime! Et pour tant de raisons! Ce que j'en retiens le plus, c'est la façon dont elle nous rappelle que l'amour est aussi fragile et délicat que la neige.
Ondine est une pièce de théâtre remarquablement bien écrite. S'il existait une oeuvre capable de définir le théâtre, ce serait
Ondine: si jamais l'on venait à modifier ne fût-ce qu'un seul détail, le texte s'effondrerait de lui-même et perdrait toute sa puissance. Tout est impeccable dans cette pièce: les symboles dans les noms des personnages (la reine s'appelle Yseult), dans les objets ainsi que dans les animaux qui apparaissent sur scène (Bertha tente d'attraper un bouvreuil). Voilà une pièce phénoménale qui devrait être étudiée avec attention dans les lycées! Elle est porteuse d'un message d'humanisme que l'on voit rarement au théâtre! C'est toute une cosmogonie qui repose dans
Ondine, et attend d'être découverte! La lecture de cette pièce a été come une "épiphanie littéraire" pour moi; grâce à cet ouvrage, j'ai l'impression de découvrir le monde sous un jour nouveau!
Ondine, tu es désormais ma muse! Oubliez les parallèles avec La petite sirène et les contes de fées! C'est une bible du théâtre qui sommeille dans cette pièce!