La vérité reculait pour m'observer, dissimulée derrière un monticule. L'inconnu se fondait avec le crépuscule. Son visage inaperçu se dissolvait dans la pénombre. Et seul mon reflet me regardait. Je voyageais seul. Mais accompagné
La femme que j’avais croisée ce premier soir ne s’effaçait pas de ma mémoire. Au contraire, ma rencontre avec elle semblait prendre de plus en plus de sens à mesure que j’avançais. Moins à cause des paroles que nous avions échangées que du soupçon qu’en la laissant partir si facilement j’avais laissé filer une occasion – sexuelle, psychologique – absolument magique. Je ne connaissais ni son nom ni son adresse. J’ignorais tout d’elle. Et désormais je ne le saurais jamais. C’était une pensée mélancolique soulignée par la solitude. Pourtant, elle renforça ma résolution. Quoi qu’il arrive, je ne retournerais pas à l’existence que j’avais laissée derrière moi.
Je partis dès que je pus obtenir deux semaines de congés et trouvai la station balnéaire* encore hésitante à affronter le tumulte de la pleine saison. Ses façades blanches et ses toits ocre bordaient cinq kilomètres de vagues, de sable et de rochers avec une dignité qui, bien que délabrée, était indéniable. Torquay avec la crânerie gauloise, si vous voulez. Et je le voulais. J'aimais les plages désertes à l'aube. Le picotement des vents salés. Les après-midi éblouissants et les soirées langoureuses. Cet air, jamais obséquieux, d'être le paradis de tout homme. Et de toute femme, aussi.
*Biarritz
Quoi qu’il en soit, la jalousie est absurde. C’est également destructeur quand tu la laisses s’installer.
C’était une fin, pas un commencement. Nous nous éloignions, nous nous tournions le dos. Il ne restait que les derniers longs regards.
Le passé n’était pas comme les feuilles jaunissantes qui attendaient autour de moi d’être ramassées. Il gardait ses distances. Il restait un pas en retrait. Ou en avance.
L’insatisfaction que faisaient naître en moi les gens avec qui je buvais ou couchais s’est transformée en mépris pour leur manque de maturité. Je brûlais de fuir leurs beuveries et leurs babillages. D’avoir des amis plus âgés et plus avisés avec qui débattre des vices et des vertus du monde. Mais cela ne se trouvait pas à Cambridge. Je me sentais comme un homme affamé à qui l’on offre des bonbons.
Deux plus deux égalait quatre et ne pourraient jamais égaler autre chose.
— C’est sûrement toujours le cas.
— Dans les mathématiques, peut-être. Mais pas dans la vie. Les variables sont trop grandes.
Parfois, il vaut mieux être maudit que remercié.
J'en suis venu à comprendre que, tout comme chaque humeur est temporaire, il en est de même de chaque triomphe et de chaque déception.