Un poème de Julio Martínez Mesanza
« Sólo quiero volver a las trincheras,
a las trincheras donde nunca estuve.
La mañana de nieve, el negro muro,
tus palabras de hielo en mis oídos.
Sólo quiero volver a la tristeza
del frente occidental, que es mi tristeza. »
donne son titre à cet excellent ouvrage de l'archéologue espagnol
Alfredo González Ruibal, qui travaille sur des sites de la guerre civile et la post-guerre, comme les champs de bataille (Bataille de Madrid, Bataille de l'Ebre), les tranchées (Tarragone), les fosses communes, les camps de concentration laissés à l'abandon ou rayés de la carte et de la mémoire collective (Castuera), les prisons (Carabanchel), les colonies pénitentiaires (Bustarviejo) ..
Comme la majorité des batailles se sont déroulées dans des zones rurales faiblement peuplées, ce patrimoine est préservé. L'Espagne est le second pays au monde après le Cambodge en nombre de fosses communes, et seuls les corps des soldats franquistes ont été exhumés. Lorsque les archéologues découvrent des charniers, il s'agit presque toujours de corps de soldats républicains.
Que cherchent, avec ce "retour dans les tranchées", les archéologues espagnols? Des matériaux qui ne suscitaient guère l'intérêt. En collectant les munitions, les restes d'uniformes, les petits objets du quotidien, monnaies, peignes, médailles, vaisselle, en s'intéressant aux graffitis que l'on peut encore lire sur les murs (« Hitler, hijo de puta », ou des vers d'
Ovide en latin sur les murs de la prison de Pamplone), en effectuant de véritables enquêtes sur les innombrables ossements qui jonchent le pays, comme ceux de ce combattant américain de la XV Brigada (Lincoln) surnommé Charlie qui possédaient deux grenades polonaises, un Mosin Nagant, une brosse à dent de marque catalane, du dentifrice et une paire de chaussettes pointure 42, les archéologues nous offrent un autre point de vue sur la guerre vécue au quotidien dans les tranchées, sur le front, dans les camps, la manière dont l'Espagne a « traité » les fosses des vainqueurs et de celles des vaincus.
Les archéologues peuvent ainsi déterminer en analysant les armes, les vêtements (semelles en caoutchouc, plumes, bijoux..) les ossements (traces de malnutrition, tailles plus petites, prothèses dentaires…) que cette guerre fut surtout un conflit de classes sociales.
Cet ouvrage est passionnant et rend bien compte de la réalité du travail des archéologues espagnols (qui a été précédé par les initiatives des familles et des associations) assez difficile, critiqué dans le pays et sans subside . Pour répondre aux détracteurs qui ne comprennent pas ce besoin de retourner dans les tranchées,
Alfredo González Ruibal conclut son essai en citant le romancier
Danilo Kis: « no hay nada insignificante en une vida humana ».