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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Pour l'intrigue, j'ai d'abord cru lire Germinal en Russie : un milieu ouvrier exploité, un jeune ouvrier qui appelle à la grève... A tel point que je me suis demandé si Gorki connaissait Zola. Ce n'est donc pas l'intrigue qui m'a intéressée, prévisible, d'autant que j'ai trouvé des longueurs et des redondances.
Non, le point central du récit, c'est le personnage principal, la mère, et son évolution. « La mère », c'est Pélaguée Vlassov, mère du jeune ouvrier révolutionnaire socialiste menacé puis emprisonné par la police et condamné à la déportation par la justice du tsar, corrompue et soucieuse de ses privilèges de classe. C'est une pauvre femme, battue et humiliée par son mari, qui ne s'occupe que des soins du ménage, n'a plus de souvenirs de sa vie antérieure avant la souffrance, qui n'est plus capable de sentiments complexes, qui ne connaît rien du monde ni de la politique, qui a oublié même jusqu'à la lecture. Elle n'est pas si vieille que ça pour nos standards actuels, elle n'a qu'une quarantaine d'années. Mais elle se considère comme une vieille femme, c'est-à-dire qu'elle ne peut plus aimer et désirer.
Par amour pour son fils, pour le comprendre, elle va évoluer, se transformer intellectuellement et surtout moralement : elle va être capable d'agir pour la cause, elle devient elle-même une oratrice, elle s'instruit... J'ai beaucoup aimé ses efforts pour retrouver la lecture, ou son émerveillement devant une encyclopédie et les sciences naturelles. de bête misérable, elle devient une femme pensante et sensible. Et son amour s'élargit, puisqu'elle devient la mère de tous « ses enfants », « ses camarades », les révolutionnaires proches de son fils. Tous la considèrent d'ailleurs avec une forme d'amour filial, tous admirent la force de son amour qui la transfigure. Elle devient alors la mère universelle, celle qui pleure pour tous ceux qui souffrent et ont souffert. J'ai pensé à une sublime chanson d'Anne Sylvestre, « Une sorcière comme les autres » : « j'ai usé de mes prières, les barreaux de vos prisons ».
La « mère » devient alors la Mère, la Vierge Mère qui pleure son enfant, la Mater dolorosa, la Pieta. Elle pleure oui, elle pleure beaucoup, sur les souffrances du peuple tout entier, dont Pavel et son corps jeune et vigoureux, son regard confiant et droit et ses paroles franches et sincères est l'incarnation. D'ailleurs, si elle pense beaucoup à Jésus qui s'est sacrifié pour l'humanité, allant jusqu'à faire une quasi comparaison avec Pavel, elle n'évoque jamais la Vierge qui pourtant lui ressemble – je ne connais pas trop les croyances des orthodoxes, peut-être que le culte marial a une importance moindre que dans le catholicisme. Si le roman est anti-clérical, si les prêtres sont considérés comme des relais de l'oppression du peuple, il est baigné de religiosité.
J'aurais aimé néanmoins que sous la mère apparaisse la femme, qu'elle pense à elle et plus seulement aux autres.
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Il y a quelques temps que ce livre traînait dans ma bibliothèque. Je me faisais un vrai plaisir de le lire m'attendant à ce qu'il soit dans la même lignée que les Tolstoï et autre Dostoïevski. Je ne m'étais cependant pas renseigné plus que cela sur son auteur. Avant de nous lancer dans des comparaisons hâtives et hasardeuses, disons quelques mots de l'histoire.

Dans une bourgade ouvrière en Russie au début du XXème siècle, la vie est dure et réglementée par la fabrique, elle « engloutissait la journée, les machines suçaient dans les muscles des hommes toutes les forces dont elle avait besoin. La journée était rayée de la vie sans laisser de traces ; sans s'en apercevoir, l'homme avait fait un pas de plus vers sa tombe ; mais il pouvait se livrer à la jouissance du repos, aux plaisirs du cabaret sordide, et il était satisfait ». C'est dans cette ambiance délétère qu'un groupe de jeunes gens va peu à peu se former tâchant de répandre la bonne nouvelle socialiste à la fabrique, dans la région, puis à la Russie entière. le livre suit l'évolution de Pélaguée Nilovna Vlassova affectueusement surnommée « La mère ». Son fils Pavel Vlassov est l'un des leaders charismatique du mouvement révolutionnaire. Enfermée dans une vie médiocre, paralysée par la crainte et le désespoir, Pélaguée va peu à peu s'ouvrir aux nouvelles idées de son fils et de ses compagnons, puis participer aux actions souterraines, et enfin se donner complètement à la cause socialiste.

La qualité du roman du strict point de vue littéraire m'a déçu. Il y a certes une intrigue, mais plus de la moitié des pages est consacrée aux états d'esprit de la mère très redondants. Espoir, désespoir, tristesse, joie, frustration puis espoir à nouveau, le tout baigné dans un vaste océan de larmes. Quant aux situations, elles sont également souvent identiques et quelques déclarations des protagonistes proposent une propagande un peu lourde. Gorki ne peut pas non plus se défaire d'un certain manichéisme en opposant les gentils aux bons alors qu'une approche plus nuancée aurait été plus réaliste.
Cependant, les nombreux personnages, acteurs du renouveau politique, philosophique et social sont bien creusés. Bien qu'ils soient idéalisés, voire caricaturaux, ils disent quelque chose de la diversité sociale de la majorité des opprimés. le tout premier chapitre m'a bouleversé quand l'auteur dresse le triste décor dans lequel se tiendra une partie de l'intrigue. On sent qu'un grand écrivain engagé, observateur, exigeant et lucide est à l'oeuvre. Quant au personnage de la mère, il est difficile de ne pas être ému (malgré tout !) par sa confiance inébranlable en son fils, son amour et son attention à chacun et son dévouement qui culmine lors de son arrestation finale (autre passage de haute volée). La chenille est devenue papillon.

Si l'on considère le roman du point de vue social et politique, il est plus intéressant. En effet, il dresse un portrait glaçant de la situation extrêmement précaire de la Russie au tout début du XXème, de l'exploitation sans scrupule de l'homme par l'homme, de son quotidien misérable et sombre, de l'absence d'une quelconque transcendance. Un contexte qui semble constituer un terreau fertile et une justification aux velléités révolutionnaires du peuple ouvrier et paysan. Il offre, par ailleurs, une lumière intéressante sur la révolution soviétique ; si l'on s'en tient aux causes du soulèvement, elle semble en effet partir d'une bonne intention. L'enthousiasme et la sérénité des socialistes du livre sont assez communicatifs. La révolution apparaît comme nécessaire pour sortir d'un système odieux. Ceci étant dit, nul n'ignore les conséquences qu'elle eut sur le peuple qu'elle prétendait servir. A titre comparatif, je relisais récemment les nouvelles « russes » de Joseph Kessel publiées entre 1919 et 1925 avec un tout autre son de tocsin (lire en particulier le caveau no 7, le typhique, la loi des montagnes ou Confrontation).
Sans être un grand connaisseur de Gorki, il semble que l'étiquette « réaliste soviétique » le définisse assez bien. Je ne me permettrais pas de porter de jugement sur ses engagements politiques auprès de Lénine, puis de Staline, il semble qu'Henri Troyat ait bien réussi à le cerner dans son ouvrage Gorki (une future lecture ?). Cependant, son optimisme (et parfois sa naïveté) pour la « grande cause » qui transparaît à travers les pages est très touchant. Je loue également l'auteur pour sa Foi en l'homme et son refus de tous les déterminismes, aucune âme n'est définitivement perdue.
Enfin, le roman est intéressant car il nous dit quelque chose du socialisme historique qui semble bien loin du pâle et triste reflet offert par nos politiques actuels. Toute personne qui s'intéresse à l'histoire des idées et au peuple russe doit lire cet ouvrage. Il est même possible qu'il se laisse parfois contaminer par l'enthousiasme frénétique et l'assurance tranquille des personnages, certains de leurs discours sont malheureusement plus que jamais d'actualité : « nous estimons que la société qui considère l'homme uniquement comme un moyen de s'enrichir est antihumaine, qu'elle nous est hostile ; nous ne pouvons accepter sa morale à double face, son cynisme éhonté et la cruauté avec laquelle elle traite les individualités qui lui sont opposées ; nous voulons lutter et nous lutterons contre toutes les formes d'asservissement physique et moral de l'homme employées par cette société qui fractionnent l'homme au profit de la cupidité » ou un peu plus loin « tout ce que vous faites est criminel, car vous ne pensez qu'à asservir l'homme ; notre travail à nous affranchit le monde des monstres et des fantômes crées par votre mensonge, votre cupidité, votre haine. Bientôt, la masse de nos ouvriers et de nos paysans sera libre et créera un monde libre, harmonieux et immense. Et cela sera ! ».

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