Paraphraser le titre célèbre d'un poème d'
Aragon s'est imposé au cours de cette lecture. Est-ce ainsi que des jeunes vivent? Tandis que nos sociétés occidentales sont gangrénées par une violence croissante, d'aucuns allant jusqu'à invoquer un processus de décivilisation (terme à la résonance extrême auquel je préfère celui de décivilité), ce livre offre une illustration d'un vécu sinon réel, du moins réaliste. Sur quels ressorts un jeune ainsi typé fonde-t-il son comportement ? Quel modèle d'action suit-il ?
A l'origine, il y a une déchirure: la séparation sans recours, irrémédiable, de l'enfant et de sa mère, qui induit une enfance cabossée, un cheminement adolescent chaotique. Cet enfant sans attache affective, transbahuté d'une place à l'autre sans jamais être vraiment accueilli, sans amour, a l'impression de n'être qu'un objet de revenu. Il vit dans l'exclusion. Son ressenti de toujours être à la marge instille en lui de l'enragement lequel galvanise un désir de vengeance. Il fait le mal pour endiguer sa souffrance. Il s'auto-valorise à travers le racisme, le sexisme et l'homophobie.
Laissé à lui-même, il erre dans la société sans repère, sans référence. Alors que faire de ses jours? Assurer sa survie, et assumer sa vengeance, devenue une déferlante qui le submerge. Il vit dans l'immédiateté les évènements qui se présentent, dynamisé par la prise d'amphétamines. Il les déjoue en restant à la marge. Il n'entre pas dedans, il fait semblant. En toute logique, impliqué dans un travail, il le dédaigne.
Pour survivre au quotidien, malgré tout, il endosse le rôle de parasite. Prélever, extorquer ce qu'il peut des autres, les exploiter à l'occasion, vise l'atteinte d'un minimum vital. Et lorsque l'autre ne suffit plus, il recourt au vol, au cambriolage.
Sa nature d'homme appelle des relations avec des femmes. Bien qu'il en abuse souvent, il ne peut se satisfaire lui-même. Sa condition conduit inexorablement à l'échec toute amorce de relation amoureuse. Il expérience chaque fois un rejet. Il crie vengeance pour extirper le mal qu'il ressent et le muter en mal qu'il va faire, et fera.
A la recherche d'un mince espoir de bonheur, il s'accroche à l'illusion d'avoir retrouvé sa mère. Il insiste sans autre preuve que sa conviction. Ecarté, battu, éclopé, il campe sur sa certitude.
Ce livre ne compose pas avec les canons du classicisme littéraire. L'écriture trempe dans la vulgarité et reflète la grossièreté du personnage. Néanmoins, le style très cru colle au thème et, faisant parfois fi du sordide, lâche ici et là une pointe d'humour.
Dur, intrigant, ce livre interpelle sur les dérives de violence de certains jeunes.