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3,63

sur 97 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ne suivant que de loin l'actualité des "grands" éditeurs français, j'ignorais que Cédric Gras avait écrit un roman sur la crise ukrainienne et la guerre du Donbass, publié en 2016 chez Stock. Sa récente réédition en poche m'a permis de le découvrir. Je n'ai pas hésité longtemps avant de me le procurer, ayant apprécié "Le Nord, c'est l'Est" du même auteur, tandis que "L'hiver aux trousses" patiente depuis quelques mois sur les étagères de ma bibliothèque.

Je connaissais donc Cédric Gras en tant qu'écrivain-voyageur, et finalement, cet "Anthracite" est moins un roman en bonne et due forme qu'un "récit de voyage fictif". L'intrigue, pour le moins minimaliste, n'a pas grand intérêt en elle-même : elle sert surtout de prétexte pour faire voyager le lecteur à travers le Donbass, cette extrémité orientale de l'Ukraine qui, à l'inverse du reste du pays en majorité agricole, vit de l'extraction du charbon et la métallurgie. L'ensemble est très didactique : le propos de l'auteur est clairement d'expliquer, d'instruire, d'informer. Ainsi il ne faudra pas s'étonner de voir de simples conversations s'étendre sur plus d'une dizaine de pages, non pas du fait d'un enchaînement de nombreuses répliques, mais parce que chacune d'entre elles donne l'occasion au narrateur de digresser sur un sujet, qu'il s'agisse de géopolitique, d'histoire, de culture, russe ou ukrainienne. La narration à la première personne est un procédé littéraire dont je ne suis pas friand, et pour le coup elle m'a semblé assez artificielle : la plupart du temps, il ne m'a pas semblé entendre la voix de Vladlen (drôle de prénom formé par la contraction de "Vladimir Lénine !"), quadragénaire ukrainien exerçant la profession de chef d'orchestre à Donetsk, mais plutôt celle du jeune écrivain-voyageur français spécialiste de la Russie, écrivant pour un public occidental. Les descriptions, notamment, ont un côté "compte-rendu" quasi journalistique qui ne colle pas avec le personnage du narrateur.

Malgré l'indéniable talent d'écriture de Cédric Gras, je ne suis pas encore tout à fait convaincu par ses talents de romancier, qui se révéleront peut-être dans un futur ouvrage moins basé sur son expérience d'écrivain-voyageur... Mais ayant pris le parti de lire "Anthracite" comme un ouvrage documentaire dans la lignée de "Le Nord, c'est l'Est", j'y ai largement trouvé mon compte. Passionné par la Russie et son histoire mais connaissant assez mal le Donbass, ce récit m'a permis de mieux appréhender la situation complexe de cette région. Cédric Gras dirigeait l'Alliance Française à Donetsk jusqu'à sa fermeture en 2014, date du début du conflit, il a donc été aux premières loges des événements. On notera que le narrateur, et donc l'auteur, garde une certaine neutralité dans sa vision des choses. Le roman est bien plus nuancé que la propagande qui nous est servie sur le sujet par nos médias : on n'a pas d'un côté les gentils démocrates pro-ukrainiens et pro-européens contre les méchants fascistes pro-russes, l'Ukraine apparaît pour ce qu'elle est désormais, une "case stratégique du jeu d'échecs" d'une nouvelle guerre froide...

En somme, pour peu que l'on recherche autre chose qu'une aventure trépidante telle que pourrait le faire croire sa quatrième de couverture, "Anthracite" est une lecture très intéressante et enrichissante sur une question d'actualité qui, indirectement, nous concerne tous en tant que citoyens européens.
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Ce livre, paru en 2016, figurait parmi les six "premiers romans" sélectionnés pour le prix Emmanuel Roblès décerné chaque année à Blois.
Ecrit deux ans après le Révolution de Maïdan en Ukraine, l'annexion de la Crimée par la Russie et l'auto-proclamation des Républiques Populaires de Donetsk et de Louhansk, ce roman prend tout son sens actuellement, pouvant aider le lecteur occidental à saisir la réelle complexité de la situation particulière du Donbass, région russophone, limitrophe de la Russie, et longtemps considérée par ses habitants comme le fleuron de l'industrie lourde d'un passé révolu.
Les deux héros du roman, Vladen et Emile, sont nés à Donetsk sous l'ère Brejnev. Amis d'enfance, ils ont connu, à l'ombre des terrils, une jeunesse similaire dans deux familles de mineurs. Vladen est devenu chef d'orchestre à Donetsk, Emile directeur d'une mine de charbon. Bien des années plus tard, ils vont se retrouver dans des circonstances difficiles pour l'un d'entre eux, et c'est alors qu'ils vont entreprendre, dans une vieille Volga de l'ère soviétique, un "road-trip" périlleux à travers le Donbass. Au fil de leurs conversations et des rencontres qui vont émailler leur route, Cédric Gras met l'accent, d'une façon objective à mon avis, sur le désarroi qui s'est emparé d'une population locale en perte de repères lors du déclenchement en 2014 des hostilités entre l'armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes.
La vie personnelle des deux amis, tous deux en rupture familiale plus ou moins avérée, n'est que l'habillage romanesque d'un ouvrage dont l'essentiel est ailleurs et qui se révèle aujourd'hui remarquablement visionnaire.
Un roman qu'il est particulièrement intéressant de lire en 2023.
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C'est un roman qui sort des chemins battus : il se situe dans les mois de guerre civile qui a ravagé l' Ukraine en 2014. Si on ne se souvient pas des événements de cette période, on est un peu perdu au début : volontairement, je crois, l'auteur ne précise pas qui sont les révolutionnaires, les indépendantistes, les sécessionnistes…. Il traduit en effet la confusion totale qui s'est installée à ce moment là. le gouvernement corrompu est renversé par une révolution (la place Maïdan) , mais la Russie de Poutine en profite pour avancer ses pions et tenter de reconquérir des espaces perdus après la chute du mur de Berlin et la désintégration de l' URSS. Des pans entiers de la société ukrainienne veulent rejoindre le giron d'une URSS mythifiée, sorte de paradis perdu. En particulier la région des mines de charbon , le Donbass, région ou se situe l'essentiel du livre. le narrateur, qui se vit comme ukrainien sans se poser de question politique (il est plus occupé à draguer les violonistes de son orchestre et en particulier Essénia, sa nouvelle amante), est contraint de fuir , pourchassé par les révolutionnaires (pro Otan et Europe), puis les séparatistes du Donbass. Tout le livre n'est qu'un long road-trip, voyage à bord d'une vieille Volga de son ami Emile. C'est l'occasion de nous dépeindre les paysages des mines , des terrils, des machines vétustes ou abandonnées. L'auteur décrit aussi une société déboussolée par la perte d'un passé qui semble doré en comparaison avec ce qui a été apporté après la décomposition de l' URSS , qui apparaît comme protectrice dans l'imaginaire populaire : « c'était mieux avant ». le narrateur (Vladimir Lénine) et son copain, ne veulent que sauver leur peau et celle de leurs femme et amante…. Ils sont plutôt désabusés et ne prennent pas parti, ou plutôt change de camp en fonction de ceux qu'ils rencontrent et qui les menacent…. le tout dans un style enlevé, humoristique. Les descriptions ne sont jamais pesantes, le narrateur fait preuve d'auto dérision. L'auteur donne aussi une belle leçon de tolérance ; il montre comment les revendications nationalistes peuvent mener à l'exclusion de l'autre, le frère, et à la guerre civile, ne faisant que des morts de tous les côtés.
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J'ai lu ce livre car il est dans la sélection pour le prix des lecteurs pour les prochaines escales du livre de Bordeaux. Ce roman va nous transporter dans l'hiver 2014 en Ukraine et plus particulièrement dans la région Donbass., un nouvel état de l'ex URSS et qui a voulu se séparer de l'Ukraine. Un conflit qui a peu fait la une de nos médias, et pourtant proche de l'Europe. Grâce à des personnages attachants, l'auteur nous parle de cette région, de son évolution historique, depuis l'avènement de l'URSS, la dislocation de cette Union soviétique. Vladlen (prénom inspiré par Lénine) est chef d'orchestre et il est obligé de prendre la fuite un matin car il a joué en public l'hymne ukrainien. Il décide de retrouver l'un de ses amis d'enfance, Emile (prénom inspiré de Zola !) qui est directeur d'une mine. Anthracite, le titre de ce roman renvoie d'ailleurs aux paysages des mines de cette région. Ces deux hommes vont alors essayer de fuir et cette fuite va être aussi l'occasion de se souvenir de leur enfance, adolescence et de l'histoire de cette zone. Nostalgie de l'organisation soviétique, déception face à une pseudo démocratie. Ce livre est riche en références historiques mais il décrit aussi très bien l'évolution économique, sociale, politique de ces anciens pays du bloc soviétique. Cela a fait écho à ma lecture du « Limonov » d'Emmanuel Carrere. On retrouve aussi l'esprit russe, à travers le portrait de ces deux hommes. de belles pages paradoxales dans la description des mines abandonnées, des cheminées éteintes. Bref, un livre jouissif car on est dans le romanesque pur mais c'est aussi un texte sur l'histoire contemporaine, en particulier, l'évolution de la société russe et ukrainienne. Mais aussi sur l'histoire de ces zones. Il parle très bien de Makno, un anarchiste paysan ukrainien, qui s'était exilé en France et qui était surnommé « le petit père des ouvriers de la terre, des champs » et dont Joseph Kessel a narré son histoire, « Makno et sa juive ». On comprend beaucoup mieux la situation actuelle, et de façon simple. Un grand livre sur l'histoire contemporaine
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Vladlen et Emile se trouvent brutalement plongés dans un monde qui n'est plus le leur. Ils sont jetés sur les routes du Donbass, le bassin de la Donets, dans la plus ukrainiennes des républiques russes ou dans la plus russe des régions ukrainiennes. Et c'est bien là le dilemme car personne ne sait plus vraiment où il habite (au sens littéral du terme) entre les check points, les usines occupées et les quartiers dévastés.
Ce qui est particulièrement intéressant dans ce récit épique, c'est qu'il n'y a pas de point de vue tranché. On pense découvrir d'abord des personnages typés : Vladlen l'intellectuel pro ukrainien et Emile l'ouvrier pro russe. Mais la réalité est plus subtile entre l'attirance d'un mode de vie à l'occidentale et le respect de valeurs fortes incarnées par un attachement aux racines russes. C'est tout le charme de ce roman qui ne cherche pas à justifier des théories géopolitiques mais qui s'attarde sur quelques bribes de vécu pour éclairer le confit de l'intérieur.
On prend beaucoup de plaisir à s'embarquer dans ce road-movie et on sort de ce récit avec une bien meilleure connaissance du problème ukrainien. du coup, le contexte l'emporte sur l'histoire proprement dite et les personnages semblent manquer d'épaisseur par rapport à une situation qui les dépasse.
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Le Donbass –bassin houiller du Donets-situé en Ukraine à proximité de la Russie. Depuis 2014, le Donbass est la proie d'un conflit armé entre les séparatistes ukrainiens et les partisans de l'annexion par la Russie, à l'instar de la Crimée.

Cette partie du monde, fait toujours partie d'actualités, dans la mesure où la situation n'est guère résolue…

Voici le contexte du roman, fiction certes d'un premier abord, pourtant Vladen –chef d'orchestre de l'opéra de Donetsk- part du Donbass avec son ami d'enfance Emil, vers la Russie ?, vers l'Ukraine ?...

J'ai eu l'impression de lire Nicolas Bouvier, de suivre avec appréhension son périple dans les contrées ou règnent, l'absurdité humaine, l'atrocité guerrière et la perte de l'humanité. Un "documentaire" érudit sur la situation de cette région.

J'en ai apprécié le style, l'écriture, bref j'ai assisté aux pérégrinations, aux questionnements de Vladen dans sa fuite en avant, où seul règne l'objectif survie.
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Cette guerre aux portes de l'Europe était assez floue pour moi, pourtant 2014 est un passé proche. C'est le mérite que je reconnais à ce livre, remettre clairement les évènements en place ainsi que les belligérants. Et c'est compliqué. J'ai eu l'impression que c'était compliqué pour les acteurs eux-mêmes. J'ai eu besoin de faire une révision géographique, une carte n'aurait pas été inutile !
Les deux personnages sonnent vrais. Ils sont sympathiques jusque dans leurs différences. Leur aventure dénonce, s'il en est encore besoin, le côté répugnant des guerres, civiles en particulier et les magouilles politiques et financières des nantis.
Bref, un récit avec de nombreux atouts. Mais je n'ai pas ressenti d'émotion. Je crois seulement que, dorénavant, j'écouterai les informations traitant de cette région avec une attention plus soutenue.
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