Histoire de haine et d'amour où les deux sont liées, Maurice Bendrix en veut à mort à la femme de son ami Henry Miles, Sarah, de l'avoir mis en état d'amoureux transi et jaloux. Ses sentiments semblent le déranger et sa jalousie atteint un tel point qu'il engage un détective privé, Parkis, pour espionner la belle dans ses allées et venues. Bendrix se veut amant exclusif et reproche presque à Sarah cette liaison à l'insu de Henry qu'il hait aussi pour n'être qu'un mari inconstant et peu attentif.
Le pire étant que lorsqu'Henry découvre le pot-aux-roses et la tromperie, il reconnaît son manque d'attention (trop consacré à sa carrière de haut-fonctionnaire) et l'on peut lire aussi son impuissance.
S'ensuit un développement sur la religion et la foi dans lequel les protagonistes conversent avec Dieu lui-même, s'en préservant au départ, se méfiant des athées militants comme Smythe, un orateur public des Allées ou pour l'opposition, du prêtre qu'Henry invite à déjeuner. Dieu, dès l'instant qu'on le nomme ("au commencement était le Verbe" dit
Saint-Jean), existe même si c'est pour le nier et l'invectiver. Ce n'est même pas un piège mais une issue possible au-delà de la mort, comme tout bon catholique qui se respecte. Les coïncidences, les petites superstitions font, selon le prêtre, partie du travail de la foi. Et quelques coïncidences, semées ici et là font pousser le doute dans l'esprit du lecteur comme dans celui des personnages.
Le style est souvent en monologues intérieurs- l'auteur avoue en préambule avoir utilisé pour la première fois le "je" narratif- mais aussi dans les propres écrits du journal de Sarah que Maurice fait voler par le détective. Les révélations arrivent un peu au compte-goutte et l'on sent que
Graham Greene maîtrise son sujet.
Un grand roman d'amour où la niaiserie attendue a été remplacée par la réflexion, les tourments intérieurs que suscite le fait d'être amoureux d'une personne ou d'un Dieu et où l'amour se mélange intimement à son pendant obscur, la haine.