J'aime
Graham Greene, d'abord parce que je le considère comme l'un des très grands écrivains britanniques, et puis tout bêtement parce que je suis bien dans ses histoires ou plutôt parce que ses histoires sont terriblement humaines, comme l'est ma vulnérabilité face au complexe et à l'inexplicable.
Green a cette qualité, que j'apprécie beaucoup, de ne pas être dans le descriptif d'un personnage, d'un décor - qu'il préfère laisser au lecteur d'imaginer -, mais dans les situations et dans l'action, lesquelles suscitent d'emblée l'émotion et la réflexion.
-
La fin d'une liaison - est la traduction biaisée de - The end of an affair -, qui, sémantiquement, s'apparente davantage à une histoire d'amour, je dirais pour ma part à une passion.
Pourquoi passion ?
Parce que l'homme et l'auteur sont dans la période mystique, spirituelle religieuse - je vous laisse le choix des mots - de leur vie et de leur oeuvre -, et par conséquent le mot passion recouvre à lui seul la passion humaine, qu'elle soit amoureuse ou charnelle... ou les deux... et la passion christique.
Et c'est tout à fait à ces deux passions auxquelles nous avons affaire dans ce livre écrit en 1951, entre Maurice Bendrix, l'amant agnostique, possessif et jaloux et Sarah Miles, sa maîtresse adultérine, déchirée entre son amour pour Bendrix et celui pour un Dieu auquel elle se refuse d'abord mais à qui elle finira par s'abandonner.
Entre autres qualités, ce roman a celle de meubler tout un univers grâce à huit personnages essentiels et pleins de relief en dépit du manque de "descriptif" - le psychologique supplée aisément le manque de portrait ou de peinture -.
Ces six personnages sont :
- Maurice Bendrix,
- Sarah Miles... tous deux déjà présentés.
- Henry Miles, l'époux trompé,
- Alfred Parkis , un veuf, détective privé... homme très singulier,
- Lance Parkis, fils et " élève" du détective, âgé de 12 ans et orphelin de mère,
- Richard Smythe, un prédicateur rationaliste, affublé de taches blanches sur la moitié gauche ou droite de son visage ; infirmité qui l'enlaidit et dont il souffre,
- le Père Crompton, un prêtre catholique ... incontournable dans ce roman,
- Mrs Bertram, mère de Sarah, pique-assiette et "bottineuse" invétérée ; elle détient un secret sur sa fille...
Cette histoire est donc celle d'une passion amoureuse à laquelle vient se substituer une passion irrationnelle, " céleste ".
C'est pour Greene l'occasion d'installer le débat auquel nous nous heurtons depuis la nuit des temps : Dieu est-il le fils de l'homme ou bien serait-ce l'inverse ?
Pour ce faire, l'auteur jalonne son roman de ce qu'on appelle les "coïncidences", ces signes que vous et moi interprétons à toutes les sauces et dont Einstein disait : « Les coïncidences sont une manière pour Dieu de rester anonyme .»
Pour parodier
Ian Fleming, je dirais pour ma part qu'une fois, c'est un hasard, deux fois, c'est une coïncidence, la troisième fois, c'est -selon chacun - la victoire ou la défaite du doute.
Ce roman est né de la relation de Greene avec Catherine Crompton - nom du prêtre dans le roman -, femme mariée avec laquelle il entretint une relation adultérine pendant vingt ans.
L'histoire se déroule avant le début de la Seconde Guerre mondiale ; la passion - mot employé à dessein - est vécue à Londres pendant la guerre, la rupture intervenant après les bombardements des premiers V1 sur la capitale anglaise ; elle se termine peu d'années après le conflit.
L'exploration psychologique des personnages est très fouillée, très réaliste.
À l'opposé de beaucoup de romans d'amour où domine l'affect, celui-ci est davantage "tripal"... d'où sa force.
De même que sont très réalistes, "osées" pour l'époque, les scènes intimes entre les amants et pas que...
J'ajouterai que ce Roman de Greene a connu de nombreuses adaptations cinématographiques, théâtrales et une version "opéra"... c'est dire !
Même si je demeure très attaché à -
La puissance et la gloire -, cette oeuvre est une oeuvre majeure tant pour Greene que pour la littérature en général.