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Critique de Fandol


En dédiant ce livre à Gérard Mordillat, Frédéric Gros place d'emblée son essai sur le plan de la contestation de l'ordre établi, de tout ce qui va de travers dans notre bas monde et devrait nous inciter à Désobéir. D'ailleurs, le premier chapitre s'intitule : « Nous avons accepté l'inacceptable. »
Personne ne peut nier que les inégalités de fortune augmentent, que les injustices sociales se creusent et que tout cela s'accélère. Aussi, l'auteur affirme que le problème n'est pas la désobéissance mais l'obéissance. Tout au long du livre, s'appuyant sur les textes d'écrivains, de philosophes, de l'antiquité à nos jours, il tente de décrypter tout cela et de dégager une ligne de conduite à tenir.
L'enrichissement des riches, l'appauvrissement des pauvres, l'effondrement de la classe moyenne, la dégradation progressive de notre environnement, tout cela devrait nous inciter à désobéir, à nous révolter pour inverser la tendance. Or, il n'en est rien… pour l'instant.
Pourquoi avons-nous laissé faire ? Obéissons-nous ? Comment ? Les questions ne manquent pas car « L'enrichissement se fait au détriment de l'humanité à venir. » Pour Frédéric Gros, désobéir est une déclaration d'humanité, une victoire sur soi, une victoire sur le conformisme généralisé et l'inertie du monde.
Après ce constat accablant et inquiétant, l'auteur rappelle la fable d'Ivan, dans Les frères Karamazov de Dostoïevski, à propos de l'Inquisiteur. Les gens qui ont le pouvoir, comme lui, ont pris en charge notre liberté car ils savent bien que nous sommes incapables d'en assurer toutes les conséquences.
Hanna Arendt, La Boétie, Simone Weil, Michel Foucault, Hobbes, Aristote, Augustin, Sophocle, Lacan, Henri-David Thoreau, Kant, Socrate, Platon, d'autres encore, sont disséqués ou simplement évoqués, l'auteur ne manquant pas de rafraîchir la mémoire de son lecteur à chaque citation.
Au passage, Frédéric Gros s'attarde sur l'année 1961 avec d'abord, le procès d'Adolf Eichmann, « le planificateur logistique de la Solution finale, son maître d'oeuvre. » Si, au cours de son procès, le criminel nazi s'est réfugié derrière son serment, il n'a pu nier qu'il se démenait pour trouver des solutions : « Chacun est responsable de sa surobéissance. »
Cette même année, à l'université de Yale (États-Unis), Stanley Milgram menait son expérience de psychologie sociale pour constater jusqu'où un être humain peut aller pour infliger une punition à un autre humain, ici une impulsion électrique de plus en plus forte. Dans ce cas, « le moi de responsabilité a déserté ». L'auteur note alors : « La séparation de l'âme et du corps n'est pas un problème métaphysique. C'est une fiction politique. » Ainsi Hanna Arendt appelle cette déresponsabilision : « bêtise. Mais c'est une bêtise active, délibérée, consciente. Cette capacité à se rendre soi-même aveugle et bête, cet entêtement à ne pas vouloir savoir, c'est cela, la « banalité du mal ». »
Désobéissance civile, dissidence civique face à l'Administration, l'Église, l'Armée, les trois foyers de l'obéissance aveugle en Occident, nous imposent d'avoir « le courage de la vérité, le courage de penser en notre nom propre. » Ceci est « indélégable : personne ne peut penser à votre place, personne ne peut raisonner à votre place. »
Désobéir nous rappelle qu'obéir engage et que la réponse, l'acceptation ou l'attitude que nous prenons ne peut venir que de nous-même : « penser, juger, désobéir et aider » pour accéder à l'universel, quitte à s'engager dans la désobéissance.
Un grand MERCI à Babelio (Masse Critique) et aux Éditions Albin Michel pour cette lecture poussant à la réflexion et à la remise en cause de la pensée dominante.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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