Han van Meegeren est un peintre suffisamment talentueux pour vivre très confortablement de sa production ; mais il est trop académique, trop dénué de génie pour espérer laisser une trace dans l'histoire de la peinture. Passablement mortifié de subir les railleries des experts de son temps, en particulier du spécialiste de Rembrandt Abraham Bredius, il décide de se venger en réalisant un faux de Vermeer, susceptible d'être adoubé par la critique d'art, digne d'être tenu pour un chef-d'oeuvre du maître de Delft afin de confondre les experts et d'être reconnu pour son talent.
le roman de Guarnieri use et abuse des digressions : il interrompt volontiers le cours du récit pour glisser tel chapitre consacré à Vermeer, tel autre à
Marcel Proust qui fut l'un des premiers écrivains à assurer la postérité de Vermeer en lui consacrant un épisode célèbre dans lequel l'un des protagonistes de la Recherche meurt en allant voir la vue de Delft dans une exposition. Il s'éloigne trop longuement de son propos en racontant l'histoire de la constitution par le maréchal Göring d'une extravagante collection de peintures, amassée à force de combines, de corruptions et de spoliations en tout genre.
L'intérêt de ce livre est de raconter comment Vermeer, ce peintre peu prolifique - une trentaine de toiles sont portées à son crédit -, considéré comme un peintre mineur jusqu'à la fin du 19ème siècle, est devenu l'un des artistes les plus renommés et admirés de notre époque. Il a fallu pour cela la force de persuasion de certains experts et la boulimie de grands collectionneurs qui firent grimper les enchères de ses oeuvres au tournant du 20ème siècle. Ces mêmes experts, qui furent ensuite dupés par le faussaire Meegeren. A quoi tient la postérité, le lustre d'un peintre ?
A ses qualités intrinsèques, à sa façon unique de sublimer des sujets que d'autres traduisent en des termes plus prosaïques ? Comme ces portraits collectifs de guildes que l'on peut voir au Rijksmuseum d'Amsterdam et que transfigure Rembrandt dans la Ronde de nuit. Ou notre admiration et notre émotion sont-elles guidées par les louanges qu'en ont tressées des générations d'adorateurs avant nous ?