Tout de suite on retrouve l'écriture de
Guenassia, classique, claire et dynamique. On va retrouver les héros du club qui a disparu, le Balto est fermé.
Michel ne sait pas si son frère Franck est vivant: il a fui après sa désertion; Cécile a coupé les ponts comme si Michel était responsable du silence de son frère, elle qui a aussi perdu Pierre son frère.
Franck est reparti en Algérie: il cherche l'algérienne dont il a un fils, il a pris brutalement cette décision après avoir assisté au suicide d'une jeune femme enceinte dans le métro; du coup ,il est parti sans Cécile (dont il ne savait pas qu'elle était, elle aussi, enceinte de lui.
Igor est accusé de la mort de Sacha (qui s'est suicidé au Balto), il est en prison.
Au début Michel vit chez son père Paul et sa nouvelle femme Marie; sa mère les a quittés pour incompatibilités de pensée. Il se cherche et forme un curieux trio avec Louise (serveuse) et Jimmy (future vedette de télé). Michel rêvait d'aller retrouver Camille en Israël mais elle ne donne pas de nouvelles.
Quand il en reçoit enfin, il annonce qu'il part la rejoindre (il n'apprendra qu'au bout de six mois que Louise s'est suicidée)
Franck cherche partout Djamila et quand enfin il la retrouve, elle est mariée et ne lui permet pas de connaître son fils. En Algérie tout est à construire, Franck veut participer, au nom de son idéal communiste. Il va s'occuper d'un gamin voleur, il l'élèvera avec l'aide de l'italienne Rosetta; la fin de cette histoire est inattendue. L'Algérie d'après l'indépendance, relativement peu connue est développée ici; la situation politique et économique est difficile; la cohabitation des quelques français qui sont restés, celle des harkis et des différents partis algériens est difficile.
Camille va retrouver Michel et ils vont élever la petite Anna que Cécile a abandonné, ne parvenant pas à l'aimer. L'auteur me signale qu'elle subit un baby blues.
Igor (libéré) et Léonid partent pour Israël, une amitié naîtra avec Yvan, directeur du centre où ils apprennent l'hébreu...
Je m'aperçois que ce livre est impossible à résumer: trop de personnages à suivre avec chacun la perte d'un peu de leur terre promise; les personnages ont tous une densité psychologique et on les suit avec intérêt. Pavel ne fait qu'une petite apparition mais Igor, au contraire vit de longues aventures qui lui feront de nouveau connaître la prison puis une fin de vie paisible.
Le destin de Viktor, fils de Sacha est étonnant: il va sauver son oncle Igor des mauvais traitements mais le plus surprenant, c'est que peu à peu, il va renouer avec sa religion au risque d'ennuis politiques.
Le plus surprenant est ce que devient Franck!
J'ai beaucoup aimé ce roman malgré une légère difficulté de lecture qui vient de l'éparpillement des textes: il faut chaque fois deviner qui parle et où on l'avait laissé mais on est entraîné sans résistance .
Un livre avec autant d'entrées a sûrement été difficile à écrire mais il l'est aussi pour le lecteur qui a intérêt à être vigilant (je suggère même papier/crayon pour bien repérer les dates et les interactions entre les personnages!)
Si j'ai encore à écrire, j'insisterai davantage sur tous ces personnages qui perdent leurs enfants et passent leur vie à les regretter; sauf Cécile! dont le comportement est assez difficile à admettre(ce n'est pas l'avis de l'auteur) mais au moins cela sauve Anna dont on suit avec plaisir l'évolution.
@guenassia
Tous vos personnages sont attachants et leurs caractères sont fouillés; je ne saurais dire qui est mon préféré.
J'avoue avoir été fascinée par la découverte de la vie de l'Algérie décolonisée; je n'en connaissais pas grand chose. le sort des "pieds-noirs" et des harkis m'a toujours préoccupée, sans penser au pays qui a tout à construire à partir de presque rien puisque les forces vives ont été contraintes à partir ou ont choisi de fuir. La colonisation aurait du oeuvrer à sa disparition en formant les autochtones mais les colons sont attachés à une terre où souvent ils sont nés.; de plus il y a les oppositions et la corruption des nouveaux venus au pouvoir.
Igor m'a beaucoup impressionnée aussi...notamment quand il atteint le seuil de la douleur extrême sous les tortures et devient indifférent. Il paraît que c'est un fait connu parmi les torturés.
J'espère trouver le temps de relire les deux livres très attentivement d'ici quelques mois (que le Club paraisse en poche donne une nouvelle chance aux lecteurs!)