“Ça m'as rappelé ces nuits blanches juvéniles à deux, les toutes premières, où la sensualité l'emporte sur l'épuisement, où la recherche vaine du plaisir devient plus exaltante que le plaisir attendu, et où les corps se mettent à dégager une étrange odeur, au-delà de la sexualité, une sueur d'absolu.”
Voir Vincent le soir est une joie dès le réveil, dès la veille au soir, dès le matin de la veille, dès le soir de l'avant-veille...
Relu hier soir avec émotion, en attendant Vincent, des Fragments d'un discours amoureux : l'impression que je poursuis souvent des choses indiquées par Barthes.
Dans la nuit du 25 au 26 novembre, Vincent tombait d'un troisième étage en jouant au parachute avec un peignoir de bain. Il a bu un litre de tequila, fumé une herbe congolaise, sniffé de la cocaïne. Le retrouvant inanimé, ses camarades appellent les pompiers. Vincent se redressa brusquement, marcha jusqu'à sa voiture, démarra. Les pompiers le coursent, s'engouffrent dans son immeuble, montent avec lui dans l'ascenseur, pénètrent dans sa chambre, Vincent les injurie. Il dit : « Laissez-moi me reposer », eux : « Andouille, tu risques de ne jamais te réveiller. » Dans la chambre d'à côté, ses parents continuent de dormir. Vincent a foutu les pompiers dehors. Il s'est endormi comme un charme. À neuf heures moins le quart, sa mère le secoue pour l'envoyer au travail, il ne peut plus bouger d'un pouce, elle le transporte à l'hôpital. Le 27 novembre, prévenu par Pierre, je rendis visite à Vincent à Notre-Dame-du Perpétuel-Secours. Deux jours plus tard il mourait des suites d'un éclatement de la rate.
J'aime Vincent, c'est ça le problème, et ma vraie solitude ? Bernard me dit qu'il est impossible de faire partager l'emballement qu'on nourrit pour quelqu'un.
Toujours heureux de retrouver son visage, sa paupière lourde et son oeil décalé par la fatigue, sa bouche étroite et charnue craquelée par le tabac, là où je ne l'attends pas : dans le portrait de Horst par Bérard, parmi les pages de l'album que je feuillette, dans ces photos de Buster Keaton, intercalées dans ses Mémoires que je lis pour fuir la noire complication de Faulkner.
(Comment j'aime Vincent: prêt à m'ouvrir la poitrine pour déposer mon coeur à ses pieds.)
Qu'au moins il me laisse lui prodiguer l'amour dont je suis capable, et je resterai bien vivant en ce monde
!
qu'est-ce que c'était ? une passion ? un amour ? une obsession érotique ? ou une de mes inventions ?
Atrocement amoureux ? L’amour n’est-il pas un prétexte au désespoir ?