Il est fort rare qu'un objet soit coloré d'une teinte absolument pure, c'est-à-dire qu'il ne renvoie qu'une seule espèce de lumière; le plus souvent, il réfléchit plusieurs espèces de rayons lumineux, et les couleurs sont le plus souvent composées, au lieu d'être simples, comme celles du spectre solaire.
Le goût des couleurs se développe et s'épure avec la civilisation. Chez les peintres, il devient un véritable culte; surtout chez les coloristes, toujours rares dans toutes les écoles; car beaucoup d'artistes (et des plus illustres) ont eu le sens de la ligne très développé, mais non celui des couleurs.
En négligeant l'étude des procédés matériels, on arrive à créer des œuvres dans le genre de certains tableaux du premier Empire: poussés au noir, couverts de rides et de craquelures, ils paraissent absolument décrépits si on les compare à leurs aînés de plusieurs siècles et même aux œuvres de Jean Van Eyck (Jean de Bruges) (1386-1440), qui perfectionna la peinture à l'huile au point qu'on le cite souvent comme l'inventeur de ce genre de peinture.
Certains artistes, la plupart encore jeunes, cher client à faire croire qu'ils créent des chefs-d'oeuvre tout naturellement, comme un arbre produit des
fruits. Ils ne doivent rien au métier, disent-ils; mais tout à l'inspiration. Bien souvent ces jeunes gens travaillent plus que les autres, en ayant soin de s'enfermer dans leur atelier. Dans sa jeunesse. Courbet usait largement de ce moyen d'exciter l'admiration.
Les peintres de la Renaissance n'avaient pas les ressources dont les nôtres peuvent user largement: ils préparaient ou faisaient préparer sous leurs yeux les couleurs, les huiles, les vernis nécessaires à leurs travaux. Qui oserait soutenir que Rubens et Véronèse, Rembrandt et Murillo, ont manqué d'imagination, parce qu'ils étaient trop occupés de la partie matérielle de l'art?