Ce tome fait suite à Farmhand Volume 2:
Thorne in the Flesh (épisode 6 à 10) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome pour comprendre les relations entre les personnages, et les événements auxquels ils se réfèrent. Il comprend les épisodes 11 à 15, initialement parus en 2019/2020, écrits, dessinés et encrés par Rob Guuillory qui a également réalisé les couvertures. La mise en couleurs a été réalisée par Taylor Welles (épisodes 11 & 12), Jeremy Treece (épisode 13) et Rico Renzi (épisodes 14 & 15).
Il y a plusieurs années de cela, Anna & Jedidiah (avec Andrea dans les bras) Jenkins, Dolly & Randall Lafayette, Monica
Thorne, Nancy & John (Tree) Moore sont en train de déguster un plateau d'écrevisses épicées sur une table de camping, une jeune pousse sous cloche étant posée sur une autre table de proximité à côté. Ils sont tous partenaires ou leur conjoint dans l'entreprise pour développer les greffes humaines à partir de la semence Jedidiah, mais avec des intérêts ou des objectifs différents, qu'ils soient économiques, médicaux, ou personnels. En particulier, il devient évident que Monica
Thorne est malade lorsqu'elle a un petit saignement de nez. Au temps présent, Zeke Jenkins sonne au portail de la clôture de la propriété de son père : par le biais de l'interphone, la gouvernante lui fait comprendre que Jedidiah est sorti. Il se trouve dans sa voiture avec un chauffeur (Tiberius Lafayette) qui le conduit chez une vieille amie, une guérisseuse spirituelle. Il finit par demander à Tiberius de se taire en lui rappelant qu'il ne l'a engagé que pour honorer une promesse faite à son père. Ils arrivent devant la modeste maison de tante Janice dans la banlieue. Un homme leur ouvre la porte et les faits pénétrer à l'intérieur où se tiennent trois autres personnes infectées par une plante. Bien que Jedidiah hâte le pas il est reconnu par l'une d'entre elles. Tiberius s'interpose en jouant les gardes du corps. Jedidiah entre dans la chambre de Tante Janice.
Jedidiah s'assoit au chevet de Tante Janice, en constatant qu'elle aussi est infectée par la plante. Elle sait qu'il est venu lui demander une prédiction. Elle commence par évoquer la création de Freetown par trois familles : les Moore, les Jenkins et les Lafayette. Cette ville accueillait tout le monde en homme libre, y compris les afro-américains. Mais elle attira aussi la haine et Isaiah Jenkins fut mis à mort, pendu à un arbre. Ce crime eut un effet sur la lignée des Jenkins, imprimant sa marque dans leur coeur. Janice s'échauffe au fur et à mesure qu'elle parle, accusant Jedidiah d'être la cause des catastrophes qui accablent les habitants de Freetown, à commencer par ces plantes génétiquement modifiées qui se répandent librement, hors de contrôle, à l'extérieur de l'établissement de greffe Biotech. Une lueur verte apparaît dans ses yeux, alors qu'elle s'agite de plus en plus, et des vrilles végétales prennent Jedidiah à la gorge. Tiberius intervient pour le délivrer et le sauver, mais les autres individus présents dans la maison entrent à leur tour dans la pièce, eux aussi avec une lueur verte dans les yeux.
Les plants génétiquement modifiés continuent de se répandre à Freetown et dans ses alentours, et les squelettes dans le placard commencent à être mis à jour. Lorsqu'il entame ce troisième tome, le lecteur en attend beaucoup de choses : la suite de l'intrigue, des explications sur qui est responsable de quoi, des dessins très vivants, et des touches d'humour sans oublier des personnages attachants. Ça fait beaucoup, mais c'est ce qu'il y avait dans les deux premiers tomes. L'histoire progresse effectivement à un bon rythme : l'auteur en donne pour son argent au lecteur avec la propagation des plants Jedidiah, l'infestation des écrevisses (pour une pêche cauchemardesque), un petit tour par la cabane de jardin de Monica
Thorne, et plein d'autres événements encore. le récit suit donc un groupe de personnages qui peuvent se croiser ou disposer de leur propre séquence : Mae & Zeke Jenkins, Jedidiah Jenkins, Andrea Jenkins, Riley Jenkins, Monica
Thorne, Tiberius Lafayette, Mikhail,
John Moore, sans oublier le très nature Tiberius Lafayette, Randall Lafayette. Même Roscoe apparaît dans plusieurs scènes en tant que figurant. le lecteur se rend compte qu'il reconnaît chaque personnage au premier coup d'oeil sans avoir à faire un effort de mémoire. L'auteur en introduit d'autres comme tante Janice et Walter Sparrow, tout aussi aboutis visuellement, très faciles à retenir. Guillory continue de dessiner des personnages de manière un peu exagérée pour l'anatomie rendant leur langage corporel plus expressif. Il fait de même pour les visages : cela introduit une saveur comique qui ne nuit pas à la tension dramatique. Il parvient à faire en sorte de marier les deux ingrédients comique & horrifique, au sein des visages, et le lecteur ressent majoritairement le premier ou le deuxième en fonction de la nature de la scène, très fort.
Le fait que l'histoire se déroule dans une petite ville de province permet de rendre plausible que les plants modifiés puissent se répandre dans la nature, et que les différents personnages ne se croisent pas si facilement que ça du fait de devoir prendre sa voiture pour chaque déplacement. le dessinateur applique cette même touche à la fois un peu exagérée (des traits non parallèles, des contours pas droits) et à la fois très concrète aux décors. le lecteur éprouve donc bien la sensation de se trouver une petite ville américaine : pavillons bon marché en bois, grands espaces, complexe industriel de grande ampleur, impossibilité de se déplacer sans voiture, évocation d'une ville nouvelle du dix-neuvième siècle. Les personnages habitent ces lieux de manière totalement naturelle : circulation, utilisation d'un laboratoire, bateau de pêche pour relever les casiers d'écrevisse, café savouré sur les marches de la véranda, appentis à outils pour le jardin, randonnée en zone naturelle, etc. le lecteur reste épaté par ces dessins parfois simplifiés, souvent exagérés, avec une allure de croquis fait sur le vif avec une touche humoristique, qui sont pourtant très descriptifs, qu'il est possible de prendre au premier, qui portent la tension dramatique du récit.
Ces épisodes apportent également des explications à une situation tendue. le fil narratif principal a été exposé dès le premier épisode : des individus se sont associés pour mettre sur le marché des prothèses végétales, et ils commencent à apparaître des effets secondaires, plusieurs années après. le site de production de ces greffes végétales pour êtres humains ne maîtrise plus ses produits. Les deux premiers tomes ont fait ressortir plusieurs situations nécessitant des explications. le présent tome comprend plusieurs retours en arrière, à commencer par ce festin d'écrevisses qui réunit autour de la table de piquenique le financier, le chef d'entreprise, les chercheurs. le lecteur aimerait bien en prendre une ou deux, même si les commentaires des personnages laissent supposer qu'elles sont fortement épicées. le récit développe également l'histoire personnelle de Monica
Thorne, responsable scientifique du projet des greffons. Plusieurs personnages reprennent contact avec son assistant de l'époque qui s'était fait oublier. le lecteur a même la surprise de découvrir ce qu'il en est de l'étrange animal familier recueilli par Abigail et Riley, les enfants de Mae & Zeke Jenkins. À chaque fois, il constate que l'artiste conçoit des plans de prise de vue de manière à éviter l'enfilade de cases avec uniquement une tête ou deux en train de parler, les personnages effectuant des tâches banales ou bien en lien direct avec le sujet de la discussion, pour une narration visuelle étoffée et toujours intéressante.
Le lecteur est donc complètement absorbé dans l'intrigue, à la fois par les nouveaux événements, à la fois par la découverte d'explications. Mais il serait revenu même sans ça, juste pour les personnages. Non seulement ils ont tous une apparence unique et expressive, mais en plus ils ont tous une personnalité unique. Évidemment, Monica
Thorne vole la vedette avec son importance primordiale dans ce tome, et son caractère pas facile. Bien sûr, tante Janice est plus un artifice narratif qu'un personnage vraiment développé, mais les effets spéciaux pour montrer son infection végétale sont imparables. Jedidiah Jenkins est l'autre personnage principal dans ce tome et il apparaît comme un individu complexe façonné par ses choix dans le passé, portant le poids de ses responsabilités qui en découlent. Il suffit au lecteur de regarder Tiberius Lafayette pour constater à quel point l'auteur soigne tous les personnages.
Les 2 premiers tomes avaient prouvé que cette série ne serait pas une redite de la série de Chew en moins bien et ce troisième tome est du même acabit.
Rob Guillory maîtrise sa narration qu'il s'agisse de l'intrigue, des révélations, des dessins de personnages ou d'environnements. À part peut-être une personne rendue vraiment méchante par la maladie, les autres protagonistes échappent à la dichotomie bien/mal tentant de comprendre comment les secrets du passé lient les uns aux autres, comment contenir un accident industriel, en arrière-plan ce qui peut causer un tel déchaînement de violence, et comment interagir avec les autres personnes de sa famille ou de son entourage.