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sur 168 notes

Critiques filtrées sur 1 étoiles  
D'habitude, dans une critique, on ne propose que de l'abstrait : des clés de lecture, des ressentis, des appréciations sur le style, etc. Cette critique ne dérogera pas, mais le livre dont il est question m'a donné l'idée d'une activité infiniment plus concrète que j'ai le grand plaisir de vous proposer à vous, lecteurs qui êtes sur le point de débuter l'oeuvre de Thomas Gunzig.

Voici : associez un exercice physique à chacun des mots redondants et réalisez-le à chaque fois que vous les croisez. Par exemple :
- « monde » : 10 pompes ;
- « vie » : 5 tractions ;
- « jamais » : 15 abdos ;
- « ça » : 20 squats ;
- « ciel », « nuit », etc.

Faites 10 « burpees » lorsque vous rencontrez un cliché.

Faites 30 « climbers » lorsque vous rencontrez une expression toute faite.

Faites 50 polichinelles lorsque vous rencontrez une comparaison ridicule.

Faites 10 fentes sautées lorsque vous rencontrez un anglicisme non placé entre guillemets.

Restez en gainage pendant tout le temps qu'il vous faut pour venir à bout des listes à la Prévert de placements produits.

Je vous épargne des exercices pour les parenthèses et les phrases nominales, sinon vous allez mourir.

Croyez-moi, quel que soit le nombre de pages que vous lirez, vous ferez votre sport de la journée, et vous tirerez au moins un bénéfice d'une lecture quasiment sans intérêt, que ce soit sur le plan thématique ou sur le plan stylistique.

Sur le plan thématique, je vais d'ailleurs me débarrasser tout de suite du petit passage intéressant qui m'oblige à écrire « quasiment » au lieu d'« absolument » : la description des effets des anxiolytiques et des produits anesthésiants en focalisation interne est bien menée. Voilà, c'est tout. de même, je passe rapidement sur le cadre apocalyptique global dans lequel s'inscrit l'action, résultat de la vengeance d'une nature à conscience propre sur une humanité tarée dès l'origine qui devrait s'excuser d'exister, cadre que l'auteur traite sur le ton de l'ironie tragique un peu prématurée du « on vous l'avait bien dit ». Comme, dans notre belle société du débat contradictoire, l'on se fait traiter de « climato-sceptique » dès que l'on a l'outrecuidance de soupçonner la moindre minuscule exagération dans ce genre de scénario catastrophe, même sans remettre en cause le dérèglement climatique, ou bien de « facho » lorsque l'on ne communie pas sans réserve au dogme anticapitaliste, contenons-nous là-dessus et concentrons-nous principalement sur l'histoire.

Chaque chapitre adopte de façon privilégiée le point de vue de l'un des quatre membres de la famille : père, mère, fils, fille (la famille américaine type, mais avec des prénoms français). Faites votre choix : le salaud de riche, pur produit de la « start-up nation », geek, bêta qui se rêve alpha ; la connasse de femme active, ultra-performante dans son « bullshit job », largement nympho (sauf pour son mari évidemment), qui carbure au Xanax ; le romantique mélomane alcoolique en crise d'ado, qui ressasse en permanence le grand moment de science-fiction qu'il a vécu avec la Miss de sa classe (qui a fait les 100% du trajet vers lui, on se demande bien pourquoi) ; la Barbie narcissique dans le déni, fugueuse, décérébrée par les séries de « high schools » américaines, qui se fait des films sur un avenir qui, évidemment, n'a plus lieu d'être. Ça a l'air sympa, hein ? Rajoutez à cela que tout ce petit « casting » de caricatures se déteste et se méprise cordialement. Et parce que tout le monde se déteste et se méprise, le dernier foyer d'humanité, pourtant parfaitement autonome, pourtant parfaitement protégé, devient foyer incandescent lorsque les dernières technologies qui permettaient de maintenir les rapports de force et la cohabitation indifférente (l'argent et l'écran) sont victimes des aléas naturels.

Alors l'on essaye de résister à des avalanches de sentiments, de sensations, de ressentis, toutes les nuances du sens, … Tout n'est qu'états d'âme et suivi psychologique. A la rigueur, cela se défend, mais l'on se dit qu'il est loin, le temps où les écrivains donnaient subtilement à deviner la nature des émotions de leurs personnages au lieu de les imposer ; cela avait au moins pour intérêt d'obliger le lecteur à interpréter tout seul comme un grand. L'on perdrait au moins un bon tiers du livre si l'on retranchait toutes les phrases qui incluent les verbes sentir, ressentir, penser, éprouver, trouver (au sens abstrait), avoir envie de, avoir l'impression de, etc., et tout le discours indirect libre. C'est pratique, le discours indirect libre, ça permet d'étaler une philosophie de comptoir tout en se dédouanant sur les personnages si le lecteur n'y trouve pas son compte. L'auteur cultive avec brio le flou entre les types de discours, de sorte qu'il est impossible de critiquer la vision du monde qui est proposée dans le livre puisque cette vision pourrait tout aussi bien être celle du narrateur-auteur, celle du narrateur fictionnel ou celle du personnage suivi à ce moment-là.

Avec cela, on coche l'archi-majorité des cases du bingo de la littérature contemporaine, au milieu de laquelle le style de l'auteur a bien du mal à se démarquer : phrases nominales partout ; retours à la ligne intempestifs ; énigmes lourdes dans les premières pages ; organisation non-chronologique ; sexualité dans son acception la plus vile ; oisiveté ; fin nihiliste ; colonisation mentale américaine (personnages ET auteur) ; dépression ; addictions ; emphase permanente ; grossièreté hors dialogue ; pseudo-subversion. La surabondance de parenthèses est peut-être le seul élément qui démarque un tant soit peu l'auteur, ce qui est quand même problématique pour une oeuvre qui se veut littéraire. L'auteur voudra bien par ailleurs expliquer dans une réédition ultérieure, ce qu'à Dieu ne plaise, ce qui différencie concrètement pour lui, dans l'exclamation d'un personnage, une phrase qui se termine par « ! » et une autre qui se termine par « !!!! » ; la BD, c'est très bien, mais ce n'est pas le roman. Une chose que l'on ne peut pas enlever au livre, c'est qu'il se lit très facilement, mis à part deux ou trois raisonnements techniques du papa. Chacun interprétera cette facilité soit comme une fluidité de l'expression, soit comme une absence d'exigence ; moi, j'ai ma petite idée. L'on ne peut que se réjouir, par ailleurs que l'écrivain se double manifestement d'un lecteur de vraie littérature : on repère effectivement quelques allusions proustiennes, mais surtout, la répétition à trois ou quatre endroits du bel effet de l'expression « dont il ne connaissait pas le nom ». Monsieur Gunzig, vous n'êtes pas le seul à avoir lu et vu « le Château de ma mère » de Marcel Pagnol : ce genre d' « emprunts » ne peut pas passer inaperçu.

Le livre fait environ 350 pages. Sachant que les marges et la police choisies par l'édition correspondent à ce qui se fait pour les livres à destination des enfants de 7 ans, il devrait y avoir environ 300 pages avec une présentation normale. Retranchons à ces 300 le tiers déjà évoqué sur les atermoiements tapageurs qui n'avancent à rien, en y incluant pour être bon prince tout ce qui relève de l'obscénité gratuite et les retours à la ligne inutiles, on tombe à 200 pages. Supprimons les redondances et remplaçons les formulations qui alimentent notre programme de « cross-fit », on arrive à 160-170 pages à tout casser. Voilà comment l'on divise par deux le volume de papier d'un ouvrage sans toucher à l'intrigue, sans toucher au message politique, sans toucher aux personnages. Voilà, Au diable vauvert, comment l'on agit concrètement pour l'écologie au lieu de signer des donneurs de leçons.
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Entre clichés et pauvreté de style, pour moi aucun intérêt.
Il me semble bien triste et désespérant que les derniers représentants de l'humanité soient si médiocres.
Personne n'a pensé à apporter quelques livres en papier ? On pense aux domestiques mais pas à sauver ses proches ? Et je passe d'autres inepties ! Tant d'incohérences c'est affligeant !
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