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sur 106 notes
En 1994, alors que les troupes russes stationnent dans un coin reculé des montagnes du Caucase afin d'y pourchasser les séparatistes tchétchènes, une jeune villageoise prénommée Nura y est arbitrairement arrêtée, violentée et tuée. Vingt ans plus tard, malgré tous les efforts pour étouffer l'affaire, des rumeurs alimentées par un journaliste, la Corneille, continuent à circuler à l'encontre du Général, redoutable et richissime oligarque aux mains sales, que rien ne semble pouvoir atteindre. Rien, sauf, peut-être, tout ce qui touche à sa fille chérie Ada. Elle seule pourrait le décider à affronter le passé, surtout lorsqu'il resurgit par hasard sous les traits du Chat, une jeune comédienne qui ressemble étrangement à Nura.


Alternant entre deux périodes, le récit prend son temps pour se mettre en place, dédiant chaque chapitre à un personnage avec lequel nous commençons par faire amplement connaissance. Tous ces protagonistes sont fouillés avec soin, jusqu'à prendre l'épaisseur de la réalité. A travers eux, qui, chacun à leur façon, s'efforcent tant bien que mal de faire face au fatras qu'est leur vie, c'est bientôt un impressionnant tableau du cloaque, laissé, comme après le retrait de la marée, par la dislocation de l'Union soviétique, que le roman restitue avec force et précision. Sur ce champ de ruines, nul frein aux forces libérées. Jamais la loi du plus fort ne l'aura à ce point emporté. Et si les uns perdent tout, leurs maigres possessions comme bientôt aussi leurs illusions d'un monde meilleur, d'autres en profitent pour se tailler d'éblouissantes fortunes, usant sans foi ni loi de méthodes à faire pâlir d'envie malfrats et mafieux les plus aguerris.


Imprégné jusqu'aux tripes de ce climat délétère où l'incertitude, la violence et la peur n'épargnent personne, le lecteur comprend rapidement, bien avant que ne se précisent les liens entre les personnages et leur véritable rôle dans cette tragédie russe, que son épilogue sera forcément explosif. Que s'est-il réellement passé cette nuit de 1994 ? Quelle a été l'implication du Général dans l'assassinat de Nura ? Est-ce dans un esprit de vengeance, ou pour soulager sa conscience, que, vingt ans après, il entreprend de renouer avec les acteurs du drame ? Quoi qu'il en soit, pour le lecteur comme pour les autres personnages de cette histoire si crédible, la seule ombre de ces hommes aux allures de fauves en liberté suffit à faire froid dans le dos.


Fouillé avec soin sur presque six cents pages, ce roman excelle à entretenir curiosité et malaise dans une évocation particulièrement réussie des répercussions en chaîne de l'effondrement du bloc soviétique sur ses populations : un sujet vécu de l'intérieur par l'auteur, née en Géorgie et aujourd'hui installée en Allemagne. Coup de coeur.


Merci à Babelio et aux Editions Belfond de m'avoir fait offert cette lecture.

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Nino Haratischwili est géorgienne. Elle est venue en Allemagne en 2003 pour étudier la mise en scène et la dramaturgie. Dans le Chat, le Général et la Corneille, elle évoque, entre autres, la guerre en Tchétchénie et ses conséquences mais aussi la situation de la Géorgie et des Géorgiens, avant et après la fin de l'URSS, l'émigration de certains en Allemagne.

Sa passion pour le théâtre apparaît dans l'intrigue de ce roman foisonnant que j'ai trouvé à la fois instructif, passionnant et bien écrit, bien traduit.

Dès le début, j'ai été happée par l'écriture, par le personnage de Nura, jeune fille tchétchène dans un village de montagne, qui rêve de liberté. Nous sommes dans les année quatre-vingt-dix et la guerre entre la Tchétchénie, qui veut être indépendante, et la Russie, qui ne l'accepte pas, va bientôt débuter.

Malich, un jeune homme russe passionné de littérature, va devoir s'engager pour faire plaisir à sa mère et marcher sur les traces de son père, un héros décédé de la guerre d'Afghanistan.

Que va-t-il arriver à Malich et Nura ? Que vont-ils devenir ? Je devine qu'ils vont être les protagonistes d'une tragédie moderne, de notre époque. Comme au théâtre, entrent en scène d'autres personnages.

Chat est le surnom de Sesili, une jeune femme d'origine géorgienne qui vit désormais à Berlin avec sa mère, sa grand-mère et sa soeur. Elle joue Ismène au théâtre et est hantée par un drame lié à la guerre et au traumatisme qu'a subi son père. Son angoisse existentielle, sa vie privée compliquée l'empêchent d'être vraiment heureuse. Alors qu'elle se fait beaucoup de soucis pour sa famille, c'est peut-être elle qui a le plus de mal à s'intégrer et être bien dans sa peau.

Jusqu'au jour où le Général, surnom d'Alexander Orlov, un oligarque russe, vient lui proposer de tourner dans une vidéo, de jouer le rôle de Nura dont elle est le sosie. Intriguée, elle finit par accepter.

Alexander Orlov, père d'une jeune fille de dix-neuf ans, Ada, cache un lourd secret, qu'il partage avec les trois hommes auxquels les vidéos sont destinées. Ada est son trésor. Il a choisi son prénom en hommage au livre de Nabokov Ada ou l'ardeur, à l'époque où il n'était pas encore un oligarque, un mafieux mais un passionné de littérature.

Comment sa vie a-t-elle basculé dans la corruption, le crime, la menace, l'intimidation pour accroître sa fortune et la conserver ?

De 1994 à 1996, la première guerre de Tchétchénie a fait des ravages et ruiné de nombreuses vies. Onno Bender, un journaliste d'investigation, est la Corneille, le porteur de mauvaises nouvelles, celui qui veut enquêter et révéler la vérité.

Mais comment réagir lorsqu'on découvre qu'un père aimé n'est pas celui qu'il prétend être ?

Ce roman est une tragédie qui se déroule sous les yeux du lecteur, l'écriture est belle, le souffle romanesque puissant. J'ai aimé l'intensité émotionnelle, dramatique, tragique de certaines scènes. Les personnages ne sont pas manichéens, l'analyse psychologique est bien faite.

Avec finesse, sous la plume de Nino Haratischwili, se dessinent peu à peu les actes et les motivations de chacun, pourquoi ils en sont arrivés là, les conséquences de la guerre, comment elle pousse des jeunes hommes, dans des situations de stress intense, à devoir choisir entre le meurtre ou le suicide, qu'est-ce qui détermine ces choix, au-delà des notions classiques de bien et de mal, qui peuvent d'ailleurs cohabiter au sein d'une même personne.

Comme dans les grands romans russes que j'ai beaucoup aimés, il est question de crime et de châtiment mais ces notions sont réactualisées, vues à travers les conflits récents que l'Europe de l'Est et sa population ont subis.

Dans le final, la tension dramatique, qui va crescendo, m'a semblé plus appropriée pour une série en plusieurs saisons et m'a laissé un goût d'inachevé.

Malgré cette nuance concernant la fin, j'ai trouvé le Chat, le Général et la Corneille passionnant. L'autrice a beaucoup de talent et c'est un coup de coeur pour moi qui aime les romans qui mêlent Histoire récente et vie contemporaine. C'est grâce aux chroniques de Chrystèle et Sandrine que je l'ai découvert et je les en remercie.😊

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Romanesque à souhait cet excellent livre « le Chat, le Général et la Corneille » de la géorgienne Nino Haratischwili, titre qui peut faire penser de prime abord à une fable. Or, loin de la fable, nous avons là une épopée, un tourbillon mêlant savamment sentiments, aventures, événements historiques, un roman superbement construit, intelligemment documenté et divinement écrit. Nino Haratischwili a un sens de la dramaturgie certain. le coeur de son livre : la vengeance et la rédemption.
Je l'ai littéralement dégusté et je remercie Babelio et les éditions Belfond pour cet envoi. Sans cette masse critique peut-être serais-je passée à côté d'un livre hors norme en cette rentrée foisonnante 2021.

Qui se cachent derrière ces drôles de surnoms ?

Le Chat est le surnom de Sesili, jeune femme géorgienne ayant émigrée durant l'enfance, avec sa mère et sa soeur, en Allemagne pour fuir la guerre, à une époque où les frontières venaient tout juste de s'ouvrir, où l'Ouest était encore curieux de découvrir les pays situés derrière le rideau de fer. Son parcours fait beaucoup penser à celui de l'auteure. Même nationalité, même ville de naissance (Tbilissi), même destination, l'Allemagne, elle partage aussi la même passion pour le théâtre, passion maintes fois relatée dans le livre où j'ai cru entendre la voix de Nino Haratischwili. Chat est déracinée, son arrivée en Allemagne, petite fille, a été compliquée (est-ce le cas de Nino Haratischwili, je suis à deux doigts de le penser), écorchée, toujours coincée entre le passé et l'avenir, entre les époques, entre ce qui avait été et ce qui allait suivre, « comme si elle n'était jamais vraiment partie d'où elle venait ou qu'elle n'était jamais vraiment arrivée ». Elle a du mal à trouver sa place dans ce pays, dans la société, au sein même de sa famille, dont elle ne comprend pas tous les codes. Son malaise est amplifié par une rupture récente. C'est sans doute le personnage le plus complexe du livre, le plus alambiqué. Son surprenant surnom s'explique par son agilité à grimper aux murs lorsqu'elle était enfant, par sa capacité à rebondir sur ses pattes dans certaines situations critiques, par sa façon de se glisser dans des personnages variés, d'avoir plusieurs vies en tant que comédienne, qualités qui vont lui être nécessaires pour accomplir la mission qui lui est ici confiée.

Le Général est Alexander Orlov, richissime homme faisant partie de l'oligarchie russe avec ses zones d'ombres, son pouvoir, ses propres règles. Un pouvoir froid qui ne connait ni compassion, ni miséricorde. Sa précieuse et unique fille Ada (tirée de l'héroïne de Nabokov) s'est suicidée, elle qui ne supportait plus le monde depuis qu'il s'était révélé être un lieu où les hommes devenus monstres restent impunis. Ada demandait justement à son père de revenir sur son passé, sur les événements tragiques qui ont trait aux exactions commises par les militaires russes lors de la guerre de Tchétchénie 20 ans plus tôt. de revenir sur une certaine nuit, tragique, une nuit dans ce village perdu au milieu des montagnes, où le Général a été parmi ces militaires, cette nuit où sa vie a été réduite en cendres et où son surnom de Général a émergé de l'horreur, alors que pour lui l'humanité ne valait plus rien. Il est prêt à mettre tous les moyens et à exercer tout son pouvoir pour mener son objectif à terme, à savoir solder ses comptes pour que sa fille repose en paix. Pour cela il doit retrouver la trace de trois hommes, liés à lui par cet épisode macabre de sa vie.

Onno Brender, dit la Corneille, journaliste allemand, spécialisé dans l'Europe de l'Est, dans les déplacements de population, dans les guerres multiples de cette zone sensible, véritable poudrière. Il s'intéresse particulièrement aux tsars officieux dont les manigances échappent à toute loi et toute morale. Homme affaibli, sombre, rongé par la culpabilité et le deuil. Il doit son surnom de Corneille à un conte mythologique dans lequel la jalousie d'Apollon envers Ischys transforme ce dernier en oiseau noir croassant au lieu de chanter, symbole de l'annonce du malheur à venir.

Trois personnes dont nous suivons alternativement les pensées, les failles, l'histoire, à tour de rôle. A chaque retour d'un personnage via un chapitre dédié, comme un retour de manivelle, son histoire est narrée de manière plus approfondie, l'auteure reprend les éléments déjà expliquée dans les chapitres précédents mais va plus loin dans la présentation de sorte que nous acquérons petit à petit une connaissance approfondie et subtile de chacun d'eux. Trois personnes très différentes, qui n'ont a priori rien à voir les unes par rapport aux autres, et qui vont se retrouver malgré tout liées du fait d'un point commun partagé avec une histoire tragique vieille de vingt ans : le viol et l'assassinat d'une jeune Tchétchène Nura au milieu des années 90, il y a donc une vingtaine d'années.

Les chapitres s'alternent ainsi, s'entremêlent, se superposent et constituent peu à peu les faces colorées du Rubik's cube complexe qu'est cette histoire. Certaines faces, rouge sang, ont trait à la guerre de Tchétchénie au milieu des années 90, à la vie dans ce Caucase Nord, à l'irruption de la guerre, aux exactions commises par les russes, aux tortures endurées par les civils. D'autres faces, rouge sombre, racontent l'histoire de la Russie, notamment lors de la Pérestroïka de Gorbatchev. le roman n'est pas manichéen et nous arrivons à comprendre, par ce point de vue chez l'ennemi, les conséquences dramatiques pour le peuple russe de l'escalade guerrière de ses propres hommes politiques. D'autres faces, davantage pastels, mettent en lumière avec beaucoup de douceur et de beauté la mélancolie des déracinés, « toujours un peu décalés, un peu en avance ou un peu en retard, ils n'arrivaient jamais à se fondre dans la masse pour ne plus se faire remarquer, jamais ». Certaines facettes dans les tons de vert nous présentent les superbes paysages montagneux de la Tchétchénie.

Quelques chapitres enfin, aussi lumineux que tragiques, faces blanches et noires de notre casse-tête, les faces clés autour desquelles tournoient toutes les autres, racontent l'histoire de cette jeune Tchétchène, Nura, libre, fière et belle, et de sa rencontre avec Malisch, soldat russe, enrôlé dans l'armée non par conviction mais par désespoir amoureux. Malish va être témoin des violences commises par ses camarades d'armée sur Nura. Violée puis tuée, quelle est la part de responsabilité de Malish dans ce drame ? Il en sortira détruit et sa destinée en sera complètement transformée.

Les multiples chapitre alternés vont permettre peu à peu de comprendre et de résoudre ce rubik's cube. Tout va finir par s'imbriquer, par s'aligner. du grand art.

Nino Haratischwili nous fait part à travers cet écrit du thème complexe de la culpabilité, de la responsabilité, de la vengeance et du pardon. Elle exprime également ses prises de position féministes à travers le portrait de Nura, femme indépendante, forte, en rupture avec le milieu dans lequel elle évolue, qui n'aspire qu'à vivre pour elle-même et pour ses idéaux. Elle exprime son dégout pour la guerre et pour le socialisme; sa méfiance envers les hommes. Elle raconte avec émotion le déracinement et ses conséquences. Mais avant tout, sa plume permet de mettre en lumière tout un pan de l'histoire de l'Europe contemporaine afin de ne pas oublier certaines tragédies. le tout capté au moyen d'une belle écriture ciselée, fluide et riche qui enveloppe évènements et personnages avec précision et poésie. La vision de l'auteure sur notre monde occidental pointe par moment, avec ironie et amertume :

« Il regrettait qu'elle n'ait pas gardé en elle le socialisme de son enfance. Elle l'écoutait en se disant que c'était vraiment dommage qu'il n'ait pas vécu quelques mois dans les ruines du soviétisme réel, privé de chauffage et d'électricité, sans ses festivals de musique, ses chichas et ses burgers adorés. Elle l'imaginait en train de mâcher des chewing-gums à la résine au lieu de Toffifee pour doper sa glycémie après avoir fumé. En train de franchir trois barrages sous surveillance militaire, des colonnes de chars et une armée de kalachnikovs pour aller voir ses amis. »

Est-il possible d'être l'ennemi, l'envahisseur, tout en parvenant à ne pas se salir les mains, tout en gardant sa part d'humanité ? Comment peut-on réparer l'impardonnable ? « Est-ce que faire des choses inhumaines n'est pas ce qu'il y a de plus humain ? ». Quelle est la part de responsabilité de tout un chacun dans les exactions commises d'un pays contre un autre pays ? La vengeance permet-elle d'apaiser sa conscience ? Ce livre nous offre de magnifiques réponses, sans manichéisme, tout en nuances, nous présente quelques clés avec lesquelles méditer en cette rentrée littéraire !


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Nura vit avec sa famille dans la vallée tchétchène de l'Argoun. Nura aime ses montagnes mais rêve de liberté, aussi en cette année 1994 pour financer son voyage vers d'autres cieux, elle vend ses poulets à deux jeunes militaires russes. Des soldats et leur colonel qui après l'enfer des combats de Grozny ont été transférés dans cette zone hors combats. Mais si le calme du lieu apaise les soldats Malich et Aliocha, il n'a aucune incidence sur la paranoïa de leur colonel alcoolique Chouïev et de l'officier Petruchov, qui les conduit à perpétrer un crime aussi gratuit que terrible sur Nura. Un crime resté impuni que Malich n'aura de cesse d'expier, même quand il sera devenu un oligarque riche et puissant.

Pour la géorgienne auteure et metteur en scène de théâtre Nino Haratischwili un drame antique qu'on pourrait penser sorti de son imaginaire. Or il n'en est rien puisque l'histoire du colonel est bien réelle — l'auteure a raconté sur RFI l'avoir lue dans un livre d'Anna Politkovskaïa, la journaliste russe, chroniqueuse pour le journal Novaya Gazeta, qui a beaucoup écrit sur le conflit armé en Tchétchénie, assassinée à Moscou, le 7 octobre 2006 — c'est celle de l'ancien colonel Yuri Boudanov, un participant à l'opération militaire en Tchétchénie, condamné en 2003 en Russie à 10 ans de prison pour l'enlèvement et le meurtre d'Elza Koungaeva, une Tchétchène de 18 ans.

Inspiré de ce fait réel, un roman marquant pas toujours aisé à lire, où l'on se perd parfois parmi les époques, les lieux et les personnages, qui mérite qu'on s'y attelle. D'abord pour ce qu'il dit de ce qu'il advint dans cette partie du monde après la fin de l'URSS, et pour évidemment ses résonances avec la guerre actuelle initiée par le chef du Kremlin en Ukraine. Mais pas seulement. Nino Haratischwili montre à quel point pour les hommes la culpabilité ne s'efface pas avec le temps, rendant la rédemption presqu'impossible. Elle montre aussi, et cela me paraît essentiel, comment les conflits armés les façonnent en bien comme en mal, et qu'on aurait tort de penser que d'un côté il y a les bons et de l'autre les méchants...
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C'est entre deux périodes, 1996 et 2016, et dans deux décors, la Russie et la Tchétchénie , que se déroule l'intrigue de ce roman fleuve.

L'autrice nous convie d'abord à la présentation des personnages, nombreux, et les portraits sont volontiers détaillés, exhaustifs et même parfois répétitifs. C'est le premier écueil. Il faut donc parcourir un bon tiers du récit pour commencer à comprendre ce qui va en être la trame principale.

Une fois dans le sujet lancé et exploré, on est bien sûr happé par cette quête d'un des personnages, décidé à exorciser son passé et à expier ses fautes passées, que l'on découvrira peu à peu.

L'intérêt principal du roman est de mettre en lumière une partie de l'histoire de cette petite république enclavée aux confins de la Russie et qui ne fait parler d'elle en Europe de l'Ouest que lorsque que des faits militaires le mettent à feu et à sang.

Par contre, la lecture est laborieuse, car, comme évoqué plus haut l'histoire met beaucoup de temps pour démarrer, les portraits sont exposés avec de nombreux détails souvent répétitifs qui alourdissent l'ensemble.

Quelques erreurs aussi sont à noter : difficile de sectionner une aorte en portant un coup à la gorge !

Malgré l'intérêt de l'intrigue, passionnante, et le suspens généré par ce qui est révélé à petites touches, on a l'impression globale d'un roman bavard. Quelques coupes et un allègement du texte auraient vraiment pu faire de ce roman un coup de coeur.

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Un roman complexe qui entrelace les pays, les personnages et les époques, à l'image du fameux Rubik's cube, presque un personnage à part entière de cette histoire, et qui en symbolise les intrications.
Nino Haratischwili excelle dans l'exercice périlleux d'une narration sur le fil, attentive à ne jamais perdre son lecteur. Cet ouvrage prenant nécessite de la concentration, et ce n'est pas une lecture facile, tant dans la forme, que dans le fond. On se sent enseveli sous une boue épaisse lors de cette lecture foisonnante qui nous englue et nous opprime.
J'ai peiné en particulier au démarrage, car passée la très belle introduction avec Nura, j'ai eu des difficultés avec l'histoire qui ne démarre vraiment qu'au tiers du livre, soit au bout de 200 pages. J'ai trouvé le temps long pour y arriver, l'auteur ne nous donnant pas d'informations sur la destination finale. J'ai parfois aussi regretté quelques redites, et l'utilisation redondante de certaines expressions.
Passé ce fameux cap, les pages se tournent ensuite avec avidité, comme pour la lecture d'un thriller et je suis ressortie de cette lecture éprouvante un peu sonnée.
Ce texte s'avère passionnant pour tout ce qu'on y apprend sur la chute de l'empire soviétique, la guerre en Tchétchénie et leurs impacts dans la vie quotidienne. Les ressorts psychologiques des personnages sont finement travaillés, et dans le dernier tiers du livre, tout prend sens et les couleurs éclatées du Rubik's cube s'assemblent subitement.
Un roman très dense, exigeant, mais qui récompense le lecteur persévérant par des portraits de personnages réussis et des messages forts et enrichissants sur les comportements humains en temps de guerre, les notions de châtiment, vengeance et rédemption.
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Merci à NetGalley et aux éditions Belfond pour cette lecture.
Shapiro aborde Chat pour lui demander de tourner un film, au prix qu'elle exigera. Elle se méfie de la proposition, trop belle pour qu'elle ne comporte pas risques et dangers. Elle refuse, jusqu'à ce qu'Onno Bender intervienne en lui remettant la photo d'une jeune fille qui lui ressemble comme une soeur.
Coup de coeur pour ce livre qui décrit longuement ses personnages tout en maintenant le suspense. Les thèmes sont nombreux, vengeance, rédemption, peur, lâcheté, pouvoir, exil. Ils sont portés par chacun des personnages.
Les lieux (Berlin, un village de Tchétchénie) et les circonstances sont explicites et je n'ai jamais été perdue.
La structure est en forme de puzzle, mais l'auteur prend suffisamment de temps pour que le lecteur puisse emboîter les morceaux les uns avec les autres.
À lire absolument

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Le chat, le général et la corneille, le titre ressemble étrangement à une fable et ce pourrait en être une, mais très vite on s'aperçoit qu'il s'agit d'un autre voyage.
Ce sont en vérité trois personnages plongés dans la nasse d'une histoire aux méandres insoupçonnés.
Trois personnages aux destins entremêlés malgré eux, trois personnages en quête de sens, dépassés par les événements qui les emportent dans le même mouvement, dont les trajectoires vont se croiser, se percuter.
Elle s'appelle Sesili, mais on la surnomme Chat en raison de son agilité, c'est une actrice de théâtre en mal de rôle, hantée par le déracinement ainsi qu'un drame familial ancien. Lui c'est Alexander Orlov puissant et richissime oligarque russe sans foi ni loi, que tout le monde appelle le Général, lui aussi est hanté par son passé, un terrible secret s'y noue encore, tandis qu'il ne parvient toujours pas à se remettre de la mort de sa fille adorée Ada. Enfin, il y a Onno Brender, mystérieux journaliste allemand, dit la Corneille, rongé par le deuil et la culpabilité, cherchant à éclairer les zones d'ombres qui se cachent derrière les guerres de l'Europe de l'Est, et plus particulièrement celle qui a sévi plusieurs années auparavant en Tchétchénie...
Qu'ont-ils en commun ces trois-là qui ne seraient jamais rencontrés, sinon... sinon la tragédie d'un passé qui les anime et les fait porter cette histoire à bout de bras ? Ils deviennent des ponts, des miroirs au-dessus de l'abîme du passé.
Nous oscillons entre deux périodes, 1994 tout d'abord puis vingt ans plus tard, sur des morceaux de territoires à la dérive qui nous mènent des montagnes du Caucase jusqu'en Géorgie en passant par le Maroc. Moscou, Grozny, Tbilissi, Berlin, Venise, Marrakech... Quels points communs entre toutes ses villes ? Rien d'une balade touristique, je vous assure...
Le récit s'étend comme une déflagration dont l'écho n'en finirait pas de résonner dans un tunnel infini et douloureux.
Sur fond de Perestroïka qui allait faire exploser le bloc soviétique, où une partie de l'Europe de l'Est allait vaciller entre désir de liberté et corruption, ce roman porte un souffle romanesque époustouflant. La culpabilité, la vengeance, la rédemption sont les itinéraires de cette histoire.
1994, des troupes russes se déploient en république de Tchétchénie pour combattre les séparatistes tchétchène. Les soldats sont à cran dans un conflit qui s'enlise, tandis que la population civile vit sous le régime de la terreur, de la torture et des viols. C'est là-bas dans un village musulman, au fond d'une grange qu'une tragédie effroyable va s'accomplir, au nom des nécessités de la guerre, au nom de la sauvegarde de la nation russe, au nom de la barbarie qui transforme des soldats en bêtes immondes...
Au coeur du récit, le souvenir de Nura, jeune fille tchétchène, belle et fière, se faufile inexorablement parmi les pages de ce livre, éprises de lumières et de douleurs. Que s'est-il réellement passé durant cette nuit tragique de décembre 1994, au fond de cette grange ?
Nous côtoyons les visages des morts et parfois même ceux des vivants qui auraient voulu être morts. Peut-on chasser les morts de son esprit, comme on écarte d'un geste agacé des insectes à l'agonie pris dans le faisceau de la nuit ?
Ce roman dense prend le temps d'installer le décor, les protagonistes comme dans une scène de théâtre ou le metteur en scène placerait un à un les différents acteurs avant de lancer le clap de départ.
Roman des contrastes et des passions, la lumière épurée qui descend des montagnes caucasiennes est belle sur les pages violentes qui se déplient devant nous, elle se faufile parmi les carcasses de voitures déchiquetées où venir faire l'amour à la sauvette ressemble à une forme de dissidence...
Loin d'être manichéen, ce roman polyphonique construit les personnages avec nuance et subtilité. Ce sont des personnages complexes, traversés de failles, d'incertitudes et de remords, qui se perdent eux-mêmes dans les dédales de leur destin. Malgré la part d'ombres de certains d'entre eux, ils ont quelque chose de fascinant
Ce livre vient nous rappeler qu'à deux pas de chez nous, un pan de l'Europe s'est soustrait dans les années quatre-vingt-dix du joug soviétique sans pour autant s'affranchir du poids des injustices, la décadence économique, la corruption et des violences. J'ai été particulièrement sensible à ce sujet qui porte la trame de fond de ce récit puisque ma belle-famille est ukrainienne.
Et puis, comment ne pas porter un regard sans concession sur notre propre histoire de France... ? Les viols, les tortures, les villages saccagés, les maisons brûlés, là-bas, durant la guerre d'Algérie... Comment cela est-il aujourd'hui porté dans le ventre, dans le coeur de certains hommes vieillissants qui furent de jeunes soldats, mais parfois aussi des bêtes immondes... ? Ceux-là ont-ils été traqués sous le faisceau des questions de leurs enfants, comme la jeune Ada questionnant inlassablement son père, Alexander Orlov, dit le Général... ?
Le roman s'achève sur un coup de théâtre qui nous sidère, mais en pouvait-il être autrement ?
Les chronique de Chrystèle et de Sandrine m'ont convaincu sans difficulté d'aller vers ce roman qui a été pour moi un véritable coup de coeur. Je les en remercie.
J'ai rencontré ici Nino Haratischwili, une auteure talentueuse née en Géorgie et aujourd'hui installée en Allemagne, dont l'itinéraire n'est pas sans évoquer celui d'un des personnages du livre : Chat... L'écriture, sublimée par la traduction, en est pour beaucoup dans cette magnifique rencontre.
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« le chat, le Général et la Corneille » est un roman qui parle de guerre, d'amour, de culpabilité, de justice, de châtiment, avec pour toile de fond, l'époque post-URSS et la guerre de Tchétchénie.

Le récit tourne autour de trois personnages principaux : le chat une jeune actrice géorgienne, le Général un oligarque russe et la Corneille un journaliste allemand.

L'auteure donne à chaque personnage sa propre voix. Chacun apporte sa propre personnalité, son propre point de vue sur la guerre, le régime politique communiste et la dictature stalinienne.
Tout trois sont enfermés dans un passé trouble qui les paralysent et les empêchent de vivre. Obsessions, culpabilité, blessures qui ne cicatrisent pas.

Remuer le passé, à quoi cela peut-il mener ?
C'est par ce biais que le lecteur entre dans leur intimité, leur histoire.

*
Nino Haratischwili a fait le choix de situer son roman sur une double temporalité : aujourd'hui, en 2016 plus précisément, et en 1995, au lendemain de la désintégration du bloc soviétique, au moment du premier conflit entre la Russie et la Tchétchénie.

« … Un jour ton tour viendra
De partir au combat
Et le pied dans l'étrier
Ton arme prendras
Pour toi je tisserai
Une selle de soie…
Dors, dors, mon tout-petit
Bajuschki-baju »

*
Le récit s'ouvre sur l'année 1994, quelques mois avant le début de la guerre.
Nura, une jeune femme d'origine tchéchène, rêve de liberté et d'émancipation.
Malich, un jeune russe, ne veut pas du destin que ses parents lui destinent.
Mais la guerre éclate, l'armée russe est en marche.

« La vérité est mon arme, et aucune armée ne peut rien contre elle. »
*
Ce début du roman est une grande réussite mais il m'a également déroutée.
Non seulement parce que l'intrigue se développe lentement sur deux temporalités différentes, laissant de nombreuses zones d'ombre, de nombreuses interrogations.
Mais également parce que l'auteure joue avec le lecteur en entretenant délibérément la confusion entre tous les personnages dont les identités diffèrent entre le passé et le présent. J'ai mis un certain temps à comprendre les identités de chacun.

Après la moitié du roman, les connexions se font et le récit monte en puissance jusqu'au dénouement imprévisible et surprenant.
Cette stratégie d'écriture où chaque personnage garde une part de mystère est payante car l'histoire devient très vite addictive.

*
Le récit est efficace et bien construit par l'alternance, dans la trame narrative, des protagonistes de l'histoire. Il révèle progressivement, pour tous les acteurs, les causes et les conséquences tragiques du drame qui s'est joué en 1995.
Ainsi, le voile se lève lentement, astucieusement, révélant des histoires profondes et réalistes, nous montrant toute l'horreur de la guerre, la barbarie des hommes.
En temps de guerre, comme toujours, les plus faibles, les femmes et les enfants en particulier, sont les victimes collatérales.

« La guerre était-elle un wagon à bestiaux où les hommes décidaient de la vie et de la mort ? le rôle des femmes était-il de se transformer en statues et celui des hommes d'oublier leur passé, sous prétexte qu'ils avaient l'obligation de survivre, … ? Mais survivre à quel prix ? Et dans ce genre de cas, le prix à payer comptait-il encore ? »

*
Les évènements historiques prennent bien sûr une grande place dans le roman.
Les passages historiques incérés dans l'intrigue permettent de saisir l'histoire de la Tchétchénie, la politique coloniale de la Russie et leur impact sur la vie des personnages de l'histoire, laissant supposer un énorme travail de recherche et de documentation en amont sur l'histoire de la Tchétchénie.

« Deux guerres avec un nombre incalculable de morts, d'hommes mutilés, disparus, humiliés, traumatisés, désespérés, brisés, réduits au silence et rongés par la haine. »

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De part sa construction originale et adroitement conçue pour surprendre le lecteur, ce roman, à la fois poétique et dramatique, soulève de nombreuses réflexions sur l'implication et la responsabilité de chacun en temps de guerre. Qui est coupable ? A partir de quel moment l'est-on ? Certaines circonstances sont-elles excusables ?

« L'oiseau de mauvaise augure qui, cette nuit-là, avait fendu le ciel de ses ailes acérées avec son cri assourdissant était en train de traverser l'épais rideau de brume au-dessus de leurs têtes – mais ils ne le voyaient pas, pas plus qu'ils ne l'avaient vu à l'époque. »

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Un roman intelligent et dense, un contexte historique passionnant, des portraits convaincants, le tout servi par une écriture riche et élégante. Que demander de plus ?

Et pour finir, j'adresse mes plus sincères remerciements à l'équipe de Babelio, aux Éditions Belfond et Nino Haratischwili pour leur confiance. J'ai aimé ce roman et je suis contente d'avoir découverte une auteure talentueuse.
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Un chat, ou plutôt une chatte : comédienne bien décidée à retomber sur ses pattes tout au long de ses neuf vies ; une corneille : journaliste voué à croasser les mauvaises nouvelles ; un général : oligarque brisé par la guerre en Tchétchénie. Mais c'est Nura qui, sans être dans le titre, ouvre le roman, jeune Caucasienne ivre de liberté et de désir d'ailleurs.
Le livre entremêle les destins et croise les époques, tisse histoire et fiction, nous promène de la Géorgie à Berlin et crée un mystère dont le lecteur sent bien que le dévoilement sera tragique.
Tout ça pour dire que j'étais bien décidée à aimer ce bouquin et que plus dure fut la chute.
Parce qu'il concentre trois défauts selon moi majeurs :
Alors, déjà, le mystère fait pschitt et au bout d'un tiers du roman on a compris l'essentiel. Ce qui en soi ne me dérangerait pas plus que ça (c'est pas parce qu'on a compris qu' Oedipe a tué Papa et sauté Maman qu'on arrête de lire) sauf que chez Sophocle c'est le héros qui est incapable d'affronter la vérité alors qu'ici l'auteure continue à distiller ses info après la date de péremption en croyant que son lecteur n'a toujours pas pigé ce qui unit ses principaux personnages (de toute façon, c'est écrit sur la 4° de couv') ou les grands mystères qu'ils portent en eux : ah, la tache blanche dans la chevelure de Sesili dont l'origine nimbée de secrets et de sous-entendus est enfin révélée aux 2/3 du roman quand le moins attentif des lecteurs a tout deviné depuis perpèt'. Et ce n'est pas une maladresse mais un système d'écriture également repérable dans la multiplication des points d'interrogation en rafales. D'habitude ce sont les points d'exclamation qui me donnent des hauts-de-coeur, mais ici les questions ont la même fonction d'insistance : « Qu'est-ce que cela signifiait ? Ces paroles devaient-elles leur donner espoir ? La théorie de Pétrouchov était-elle erronée ? [Là je shunte une question de 2 lignes] Qu'avait-il voulu dire en affirmant qu'elle ne l'empêcherait pas ? Ne l'empêcherait pas de faire quoi ? Sa colère allait-elle s'abattre sur eux tous ? Mais pourquoi elle ? Voulait-il qu'il soit son témoin ? » Les warnings clignotent et nous signalent à pleins feux « Texte romanesque ! » « Texte romanesque ! »
Et les personnages… Ah, les personnages ! Comme c'est difficile de décrire des personnages complexes, on contourne le problème en les rendant compliqués et outranciers : et que je romps en enlevant mon soutif pour le balancer par la fenêtre, et que je t'invite dans mon palais vénitien pour mieux t'ignorer, et que je te casse la figure d'une seule main alors que tu es plus aguerri que moi…
De toute façon, l'invraisemblance règne. Deux exemples seulement, on n'a pas que ça à faire. Notre héros cache son livre parce qu'à la guerre il vaut mieux éviter de montrer qu'on sait lire. Et, ouf, personne ne le trouve : « Par chance, ce mouchard de Iouritch n'avait pas eu l'idée de vérifier entre le matelas et le sommier » Ah, oui, c'est sûr, qui aurait l'idée qu'on puisse cacher quoi que ce soit entre un matelas et un sommier ? Iouritch n'a clairement jamais eu de grand frère qui cachait des revues pornos dans sa chambre. Ou alors, notre héros (toujours lui) qui a échappé à un assassinat, vu ses dernières chances de triompher s'évanouir avec l'assassinat -réussi, lui- de son avocat s'entremet avec son ennemi et lui dit (en gros) : Tu as gagné, sale rascal, j'accepte que tu me donnes beaucoup d'argent pour taire ce que de toute façon je n'ai aucune chance de pouvoir prouver. Et l'ennemi tout content de s'en tirer à si bon compte… Ah, une dernière pour la route : les geôliers ont saucissonné leur prisonnière sans voir qu'elle avait un rubik's cube sur elle. C'est bête, si elle avait su, elle aurait pu dissimuler dans ses poches un colt et même, avec un peu de chance, une kalachnikov.
Mais surtout ce livre est vraiment très mal écrit. Outre les questions en rafale, le tic majeur de Nino Haratischwili, c'est la comparaison. Ou plus exactement, l'empilement de comparaisons. Exemple : « les horloges allaient à rebours [OK, jusque-là, ça va], comme ces convives qui vivaient dans des mondes parallèles [euh… mais quel rapport avec les horloges ?] où la réalité n'entrait qu'au compte-goutte [ Au secours !!!!]. Ou alors « elle était sortie de sa chrysalide et avait définitivement laissé la petite fille derrière elle pour se transformer en une jeune fille qui, tel un caméléon… ». Ou ça (j'ai la flemme de tout recopier mais il s'agit de 3 phrases qui se succèdent) : « Les soldats semblaient avoir oublié la tranquillité d'esprit, comme une langue étrangère que l'on n'a pas parlée depuis longtemps […]. Ils étaient fébriles, tels des chevaux à l'écurie […]. Malich voyait les restes de leurs rêves poisseux collés aux parois en tôle, comme des taches sombres malodorantes. ».
Bref, si j'ose dire, ça cause, ça cause, ça cause. On pourrait croire que la phrase suivante a du sens : « Je n'étais qu'une marionnette dont le Général tirait les fils. ». Raté ! On obtient : « Je n'étais qu'une marionnette dont le Général tirait les fils à sa guise. ». Très important « à sa guise », hein. Mais pas suffisant. Voilà ce qu'écrit Nino Haratischwili pour être sûre que son lecteur a bien tout compris (parce qu'il n'est pas très fin, son lecteur) : « Je n'étais qu'une marionnette dont le Général tirait les fils à sa guise. Je devais agir et penser exactement selon ce qu'il avait prévu. » Ouf ! Ça va mieux en le disant (pas sûr en fait).
Alors, petit test pour savoir si vous écrivez le Nino Haratischwili dans le texte. Soit une forte sentence comme celle-ci : « Au moment où la mort de deux innocents avait fait de lui et de ses complices des assassins, la guerre n'avait plus eu la moindre importance, elle n'était que le décor de leurs agissements. » Qu'est-ce qu'on peut bien ajouter à ça ? a) Rien. b) Rien, mais on l'écrit. c) Alors on écrit « Rien » mais comme ce n'est pas forcément assez clair, on ajoute « de plus ».
Voilà, voilà. Je l'ai déjà dit, mais la contamination me guette, j'aurais adoré adorer ce livre. Et je demande pardon à tous ceux qui l'ont apprécié et dont les avis rencontrent si souvent le mien mais là je jette l'éponge, l'eau du bain et le bébé et m'en vais relire « Phèdre » et ses 1000 mots, articles compris, et compréhension de l'âme humaine en prime.
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