Alors, j'étais sceptique avec le titre. Puis j'ai entendu qu'on parlait de la censurer alors je me suis dit "Ok, on touche certainement un truc qui chatouille et ça chatouille forcément intelligemment pour qu'on veuille la faire taire" du coup je me suis empressée d'en faire l'acquisition. Je l'ai laissé trainé un peu dans ma bibliothèque, toujours occupée à autre chose et puis "C'est l'histoire d'une heure tout au plus, je le lirais plus tard" et puis un soir, je rentre du boulot avec le livre "En finir avec la culture du viol" et je me dis allez, on va les enchainer, ça se marie bien.
Et puis j'ai lu une page. Puis deux. Puis dix. En une demi heure j'avais ingurgité le bébé. Et je dois dire que, moi qui pensait qu'admettre détester les hommes étaient nécessairement exagéré, violent et contre-productif, j'en suis sortie plutôt convaincue que sa position est très intelligente, elle s'entend et permet une auto-préservation qui se respecte. Je comprends pourquoi elle gêne.
Je pense que mon cheminement de féministe finira par aboutir là aussi. Je n'arrive pas encore à l'accepter, j'ai tellement d'hommes dans mon entourage que j'aime et que je respecte, des hommes sans qui j'estime que ma vie n'aurait que peu de saveur, mon meilleur ami pour commencer qui est la plus belle personne du monde mais qui, à bien y penser, souffre autant du patriarcat que moi. Mon neveu, à peine 2 ans, complètement innocent. Arrive-t-il vraiment un jour où j'aurai honte de son comportement ? Où il me décevra en traitant les femmes comme un genre inférieur au sien ? C'est à la fois inenvisageable et en même temps inévitable.
Je pense à tous les autres hommes de ma vie : collègues, amis, parents, amants, ex compagnon et compagnon actuel. Tous ont, un jour ou l'autre, été un pur produit de la société patriarcale, certains le sont tous les jours en coupant la parole à tout bout de champ, en s'appropriant des sujets et en les expliquant alors qu'ils ne les maitrisent pas, à s'arroger naturellement le pouvoir. Ils s'estiment plus capable que les femmes pour certaines choses, plus capables de se défendre, de recourir à la violence, de savoir se détacher. Plus solides. Lol.
Je les aime et pourtant quand ils se comportent comme ça je les méprise, dans ma tête un seul mot " tocard" et plus je m'investie, plus je ressens le besoin de me défendre de ces attitudes nauséabondes. Plus je m'investie plus je réalise à quel point j'ai contribué toutes ces années au machisme ordinaire, en faisant tout pour leur plaire, en riant des blagues vaseuses, en me moquant des activités de "filles" en me démarquant de toutes les femmes de mon entourage comme si c'était honteux de leur ressembler. Et en souffrant, parce que tolérée mais jamais complètement admise. Toujours trop femme, jamais à ma place. Traitre à mon propre sexe, intruse dans celui d'en face. C'est épuisant.
Alors qu'à l'inverse, quand je cesse de me soucier de leur avis, de leur regard, de leur estime. Je réalise que se distinguent très vite ceux qui continuent à m'aimer même quand je ne les admire plus, qui me soutiennent même quand ce n'est pas dans leur intérêt et ils sont peu nombreux.
Mais plus que tout, j'arrive à voir aujourd'hui toute la puissance de la sororité. J'ai rencontré des femmes pleines de féminité mais aussi de masculinité, cassant les codes du genre pour être elles-mêmes. Nous réussissons, ensemble, à nous affranchir un temps soit peu du système. Lire ce genre de livre, s'imprégner de ce genre de points de vues, les faire sien le temps d'un instant, corriger un peu plus à chaque découverte d'opinion notre propre trajectoire c'est à la fois vertigineux et gratifiant.
Il fallait du courage à
Pauline Harmange pour assumer ses propos et je l'admire, elle ouvre la voie comme d'autres avant elle. Elle fait partie, comme Despentes, de celles qui veulent tout briser pour pouvoir reconstruire différemment. Et moi aussi aujourd'hui.
Ce livre est à lire, quel que soit son sexe, quel que soit sa position sur le sujet.