L'infini + un

— Je t’ai embrassée parce que ta chanson était magnifique et que tu me fais ressentir …, a-t-il murmuré d’une voix tranchante. Tu me fais ressentir … des choses folles. Des choses impossibles. Tu me fais ressentir. Et ressentir autant de choses, c’est parfois irrésistible. Comme toi.

- Tu crois que tu es le seul à faire des études ? J'en fais aussi . J'étudie les filles. La musique. La vie.

— Comment se fait-il qu’on ait fini ensemble ? Tu trouves pas ça un peu… bizarre ? marmonna-t-elle contre la couverture. Je veux dire… quelles étaient les chances que ça arrive ?
Il s’était posé la même question à de nombreuses reprises. Mais il n’était pas prêt à l ’admettre, alors il sortit mentalement son livre de maths de son étagère, l ’épousseta et répondit d’une voix basse et impersonnelle.
— Mathématiquement parlant, les probabilités étaient faibles. Mais pas autant que tu le crois.

Et voilà qu’elle lui souriait, perchée sur un toboggan, comme s’il était logique qu’elle soit là, comme si elle ne lui avait pas volé sa bagnole et ne l ’avait pas forcé à la poursuivre à travers deux États. Elle lui sourit, le visage rayonnant de bonheur et il lui pardonna. Sur-le- champ. Il n’éprouvait plus de colère ni de crainte. Il n’avait plus envie de l’étrangler, de la ligoter et d’appeler les flics. Tout avait disparu – dissous comme la neige sur sa langue. Il était 1 heure du matin un j eudi de la fin février dans un parc froid et désert de St Louis, et il n’aurait voulu être ailleurs pour rien au monde.

— Combien font l ’infini plus un ? ai-j e demandé à Finn.
— L’infini, a répondu Finn en soupirant.
— Faux. Ça fait deux.
— Ah ouais ? Comment ça ?
J’ai tendu l ’index vers lui :
— Infini.
Puis j e me suis désignée :
— Plus un. Ça fait deux, espèce de génie.

Elle était étonnamment enjouée et joyeuse pour quelqu’un qui avait essayé de se suicider douze heures plus tôt. Ça l ’inquiétait davantage que le fait qu’elle soit une chanteuse célèbre en fuite et qu’elle semble lui faire une confiance aveugle.

Dès que j ’ai lâché la rambarde métallique, je l ’ai regretté. Je me suis brièvement demandé si tout le monde éprouvait le même sentiment quand la mort survenait. Ma vie n’a pas défilé sous mes yeux image
par image et en silence. J’ai juste eu l ’impression très nette que c’était fini, que j ’avais franchi la ligne d’arrivée. J’ai plongé en avant au ralenti, les pieds toujours sur le parapet.

Clyde m'a pris le livret des mains et l'a ouvert à la première page.
- " Vous avez lu l'histoire de Jesse James / Comment il vécut, comment il est mort / ça vous a plu , hein , vous en redemandez encore / Eh bien , écoutez l'histoire de Bonnie et Clyde ", a t-il lu à haute voix .
Bonnie Parker était apparemment poète . Elle avait écrit deux poèmes , qui racontaient vraiment des histoires, et je pouvais les imaginer mis en musique ....

Je crois aux nombres. Ceux qu'on voit et ceux qu'on ne voit pas. Les réels et les imaginaires, les rationnels et les irrationnels et tous les points sur les droites infinies. Les nombres ne m'ont jamais déçu. Ils ne racontent pas n'importe quoi. Ils ne mentent pas. Ils ne prétendent pas être autre chose que ce qu'ils sont. Ils sont intemporels.

— Je vais peut-être arrêter de chercher ce qui est réel, ai-je murmuré. (Je ne voyais que ses yeux, ses traits étaient faiblement éclairés par la lueur de la lune qui baignait le paysage défilant derrière la vitre de l’autobus.) Je vais peut-être arrêter de chercher ce qui est réel, maintenant que j’ai trouvé l’infini.