Pour ma 100ème critique (hourra !), je voulais marquer le coup, fêter l'événement ! C'est donc tout naturellement que je me suis tourné, comme on débouche une bonne bouteille, vers mon maître à penser, mon pygmalion, mon sacro-saint
Jim Harrison (comment ça j'en fais un peu trop ?! Vous trouvez ?) ... et tant pis si je ne suis pas tombé sur son cru le plus fameux.
Le socle éternel (pêche à la truite + gueuletons pantagruéliques + fessiers féminins) est bien là, solidement ancré dans ce terreau américain qui inspira Big Jim tout au long de son épicurienne existence, mais je n'ai pas toujours retrouvé le souffle de liberté et les grands espaces habituels, l'ode à la nature sauvage et les petites divagations métaphysiques qui m'étaient devenues familières. En dehors de Marion, personnage ici secondaire, nul indien à l'horizon :-(
Nous sommes cette fois plongés au coeur d'une sombre histoire de vengeance familiale au sein du clan Ames, une bande de dégénérés violents et alooliques que le pauvre Sunderson, l'inspecteur fraichement retraité dont j'avais fait la connaissance dans
Grand Maître, a pour malheur d'avoir comme voisins... Lui qui rêvait de profiter de son bungalow de pêche, dont il vient de faire l'acquisition dans une petite bourgade qu'il espérait tanquille, c'est loupé. Pour ne rien arranger, notre brave inspecteur, comme toujours rongé par le démon du bas ventre, ne trouve rien de mieux à faire que de s'enticher des plus jeunes demoiselles de cette famille de tarés et passe son temps, entre deux parties de pêche à la mouche, à se morigéner pour ses écarts de conduite lubriques et, il bien l'admettre, plutôt malsains...
On peut s'en lasser, à la longue, mais l'on peut aussi se réjouir de retrouver cette plume unique, à la fois lyrique et rugueuse. On est rarement déçu.
Comme souvent chez Harrison, j'ai été plus sensible aux digressions d'un homme vieillissant, bourru mais bon vivant, écartelé par ses contradictions, que par ses aventures proprement dites, qui tournent vite en rond et ne sont qu'un prétexte à la rêverie et à l'introspection.
Une fois encore, difficile de pas voir dans ce personnage atypique et attachant, féru d'histoire et de litérrature (et, ici, de théologie, avec en fil rouge des petites réflexions sur les sept
péchés capitaux), autre chose qu'un double fictif de l'auteur lui-même, grand pêcheur (et grand pécheur !) devant l'éternel.
Pas une page sans référence aux rivières ou aux formes attirantes d'une voisine, d'une serveuse, pas un chapitre sans une recette de cuisine ou le souvenir d'un bon vin : c'était ça,
Jim Harrison.
On aime ou on aime pas, moi j'ai choisi mon camp !