Tout le brio psychologique d'Herbert
De
Frank Herbert je n'avais lu jusqu'ici que le cycle Dune, autant vous avouer la haute estime que j'ai de cet auteur. Ouvrir un autre livre de Franky avait donc une saveur de p'tite madeleine – ou de caramel au beurre salé (au beurre quoi) -, un retour aux sources qui m'ont réellement éveillé à la science-fiction. Presque tout oppose ces deux livres, néanmoins.
Si le très large univers de Dune ouvrait sur des considérations ô combien écologiques, sociales, spirituelles et philosophiques, avec deci delà des accents certains de fantasy,
Destination : Vide s'ancre lui dans ce qu'on nomme la hard-SF, ou science dure. Informatique, biochimie, neurologie, psychologie… l'auteur ne nous épargne ni le vocabulaire d'initié, ni la démarche expérimentale approfondie et détaillée. C'est copieux. Heureusement, ce premier tome du Programme Conscience traite avant tout de la définition de ce concept aujourd'hui encore nébuleux : la conscience !
Dans ce huis clos lent à l'atmosphère anxiogène, les quatre personnages discutent donc longuement de la définition de la conscience, car leur survie et la continuité de leur mission nécessitent qu'ils en bâtissent une, artificiellement. Mettre en balance les facteurs de risque et les verrous de contrôle qu'ils pensent lui imposer, et surtout réaliser qu'ils en savent davantage au sujet de l'inconscient que sur ce qui rend l'être humain conscient. Où et quand naît la conscience ? Dans les émotions, les sensations ? Dans la menace d'une finalité ? Comment le support d'accueil influera-t-il sur ladite conscience ? Pour quel dépassement des modestes facultés et perceptions humaines ?
On ne peut donc pas éluder les aspects sociologiques, philosophiques, religieux – ou plus largement spirituels -, éthiques, ou même plus basiquement les nécessités de la chair. C'est ce qui fait que la plume de
Frank Herbert est ce qu'elle est : psychologique, analytique, approfondie et complètement humaine. J'ai retrouvé ici tout le brio des scènes de banquet ou de réunion de Dune ; il ne s'y passe pour ainsi dire rien, mais la tension des dialogues et autres introspections apportent au récit une profondeur inégalée.
Le lecteur sait dès le début où cette construction va aboutir, mais Herbert parvient à maintenir à flot notre curiosité malsaine – ou bien est-ce notre intérêt pour des sujets cruciaux ?
Je trouve que ce premier volet souffre d'un cruel manque d'équilibre. 250 à 300 pages de faux rythme et de statu quo, pour finalement tout balancer et déverrouiller sur la fin. A bien y réfléchir, ce bouquin pourrait très bien être porté à l'écran par
Tarantino… 200 pages de moins n'auraient pas manqué à l'intrigue. Et puis cette fin est bien trop sèche, bien trop accélérée, et soulève plus de questions qu'elle n'en résout. Evidemment, trois autres tomes arrivent derrière, m'enfin, Franky, ça ne se fait pas d'introduire un personnage ô combien complet (et complexe) et de s'arrêter là, bam ! suite au prochain épisode.
Destination : Vide n'arrive pas selon moi à la cheville du premier tome de Dune, eu égard aux domaines d'expertise abordés notamment, mais j'ai bon espoir que les suites m'embarquent totalement dans un univers original et bourré d'intelligence (pas qu'artificielle). A recommander aux informaticiens, programmateurs ainsi qu'aux lecteurs aimant la mise en relation science/esprit/morale.
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