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EAN : 9781683964865
160 pages
Fantagraphics (04/01/2022)
5/5   1 notes
Résumé :
Collecting the first five issues of Gilbert Hernandez's comic book series Blubber, an absurdly X-rated showcase for the most surreally transgressive of Hernandez's short stories. Weirdos (Blubberoo, Mr. Elvis, John Dick, the Mentor), creatures (the Mau Guag, Doogs, and Orlats ), and anthropomorphs (the Cloarks, the Kekeppy) visit places where most comics fear to go. Blubber veers between an absurdist satire of porn (and occasionally nature documentaries) as well as ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Pulsion sexuelle permanente
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Ce tome contient des histoires courtes se déroulant dans un univers partagé, indépendantes de toute autres série. Il regroupe les 6 épisodes, initialement publiés entre 2015 & 2021, écrits, dessinés et encrés par Gilbert Hernandez. Ces histoires sont en noir & blanc, à caractère sexuellement très explicite et graphique.

L'apparence du Mau Guag est grotesque : vaguement anthropomorphe, avec des yeux globuleux démesurés, des cornes sur la tête, recouvert de poils, et une langue démesurée. C'est une créature très docile, se nourrissant essentiellement de minuscules insectes. Même les grandes créatures carnivores à l'allure de dinosaure comme les Chuntomee fuient à la vue des Mau Guag. le mâle de l'espèce se délecte de la masturbation. Les Orlat sont attirés par l'odeur de leur sperme. Ils apprécient également la forte valeur nutritionnelle de leurs yeux qu'ils mangent. Les Pooso pygmées finissent de manger ce qu'il reste des yeux des Mau Guag. Mais le Loo est peut-être son plus grand prédateur. Cet animal sadique adore les torturer et les humilier, par exemple les étrangler jusqu'à ce que leurs yeux jaillissent de leur corps. Telle est la vie dans cette zone. Trois Doogs, des créatures anthropoïdes recouvertes de fourrure blanche, marchent sans but dans une vaste plaine. L'un d'eux défèque en marchant, et pose le pied dans un de ses excréments sans s'en rendre compte. Il glisse et s'étale sur son dos de tout son long. Les deux autres commencent à revenir vers lui, le regardent, et reprennent leur marche tranquille en s'éloignant de lui. Un quadrupède avec deux défenses, une trompe, des yeux affligés d'un fort strabisme divergent se dirige vers le Droog qui a une forte érection. Il le pompe et s'en va. Une autre créature s'approche et pose un pied sur le visage de l'anthropoïde à terre, faisant sauter un de ses yeux hors de son orbite. Une autre créature arrive et insère son sexe dans l'orbite vite, puis éjacule.

C'est la saison des amours pour les Happer. La femelle ne dispose pas de queue. Après l'accouplement, le phallus du mâle reste dans le corps de sa partenaire. le mâle va alors évoluer pour devenir une femelle qui porte l'enfant en gestation. Il meurt progressivement alors que l'embryon absorbe sa force de vie. le phallus devient une queue, alors que la femelle évolue en mâle. le petit du Happer naît toujours de sexe féminin, déjà dans sa forme mature, et la nature fera le reste. le Cloark est une sorte de grand pingouin de taille humaine, se dressant sur ses antérieurs et dotés d'un sexe de grande taille. L'un d'eux s'approche d'une mare dans laquelle se trouve un être anthropoïde à la tête difforme et il s'en sert comme orifice pour se masturber. La créature aspire et son visage reprend une forme ronde plus harmonieuse. Il s'enfonce alors dans l'eau. le Cloark poursuit sa route et arrive près d'une rangée de végétaux derrière lesquelles de petites créatures anthropoïdes sont en train de jouer. Un monstre, un Pollum, s'approche la bave aux lèvres et en prend un dans chaque main. Il s'apprête à croquer celui qu'il tient de la main droite, quand le Cloark s'élance, se jette sur dos, le plaquant au sol, assis sur son torse. Les petites créatures s'égaillent et le Cloark picore le crâne de sa victime, jusqu'à mettre sa cervelle à nu.

Il faut un peu de temps au lecteur pour se rendre compte qu'il n'a jamais rien lu de pareil, et d'aussi dérangeant. Dès la première histoire, le ton est donné : chaque récit comporte un ou plusieurs actes de fornication, des accouplements qui n'ont le plus souvent pas la fonction de reproduction. Dans un premier temps, il ne voit que des monstres anthropoïdes, avec des organes sexuels similaires à ceux des humains, mais déformés en taille, souvent beaucoup plus grande. le premier être humain apparaît à la page 20 : une sorte d'agent pour une organisation gouvernementale, habillé juste d'un slip. Il y a alors un ou plusieurs êtres humains, homme ou femme, dans la plupart des récits suivants. Ils ont une chevelure, mais sont dépourvus de pilosité et se retrouvent systématiquement nus, la plupart du temps dès le début de l'histoire. La majeure partie des récits comportent une, deux ou trois pages. le plus long en comporte treize. La violence est présente de temps à autre, mais pas systématiquement. La fornication est exagérée, à la fois dans sa représentation, par exemple la taille gigantesque des sexes masculins ou des poitrines féminines, à la fois dans ses pratiques, à commencer par leur systématisme. La représentation de la multitude de créatures diverses et variées évoque les monstres naïfs des comics des années 1950. La représentation des êtres humains est également simplifiée tout en étant très expressive, avec une sensation de naïveté dans la forme, et dans les personnages.

Outre cette forme de pornographie exagérée omniprésente, le lecteur peut vite ressentir un haut-le-coeur devant l'épanchement de fluide corporel, sperme comme sang, bave, ou encore urine, les aspects scatologiques, les pets, et une forme insidieuse de zoophilie, ces composantes étant encore plus obscènes par le fait que les êtres humains semblent trouver tout cela parfaitement normal et naturel. Gilbert Hernandez a commencé sa carrière en 1982 avec ses frères dans l'anthologie Love and Rockets, avec la série dite Palomar, à commencer par Heartbreak Soup. Il écrit des histoires de type comédie dramatique avec une touche de réalisme magique, et a publié aussi bien des histoires très matures comme Julio que pour enfants comme The Adventures of Venus. Ses récits comprennent parfois une touche érotique comme dans High soft Lisp un recueil consacré au personnage de Rosalba Martinez, ou encore une version très personnelle de la Genèse Jardin d'Eden, ou le récit pornographique Birdland. le lecteur familier de cet auteur n'est donc pas surpris par la pornographie qui imbibe chacune séquence, mais par son exubérance. le cumul des actes laisse sans voix : masturbation, fellation, urophilie, sodomie, couplé avec des actes de violence horrible, à commencer par des phallus arrachés.

Il est possible que le lecteur renonce vite à s'infliger une telle collection de scènes pornographiques, surréalistes, montrées comme allant de soi, comme si tous les personnages avaient intériorisé le fait que le contentement sexuel est un besoin de tous les instants, et qu'il doit être satisfait par tous les moyens qui se présentent, sans distinction d'espèce, sans besoin de consentement explicite puisque tous les êtres sont dans le même état de pulsion sexuelle permanente à assouvir, à satisfaire. L'auteur ne recule devant aucun tabou : dans une histoire, un homme en trouve un autre nu dans le lit d'une chambre de motel, un pic à glace planté dans son crâne. Il le décapite avec un couteau cranté, met la tête dans la cuvette des toilettes, se livre à un accouplement nécrophile, puis va déféquer sur la tête dans les toilettes.

De temps à autre, un être humain se livre à une réflexion sortant de nulle part. Une référence au chanteur rock David Lee Roth. Une prostituée se demandant si les élitistes ne sont pas tous des hypocrites ? Une femme avec des seins démesurées disant qu'elle n'a pas à se plaindre des propos malveillants sur son physique, dans les réseaux sociaux. Au fil des pages, le lecteur assiste également à des actions qui viennent exiger de lui une augmentation significative de sa suspension consentie d'incrédulité, même dans cet environnement pourtant déjà très surréaliste : les êtres humains qui se livrent à des fellations sur les animaux de manière quasi systématique, une femme qui absorbe un animal par son anus après qu'il ait éjaculé, puis un autre par la bouche après l'avoir sucé, un dessinateur étouffé par le sexe masculin bondissant hors de la planche sur laquelle il l'a dessiné. Etc. À l'évidence, le créateur force la dose tant et plus pour crier au lecteur qu'il ne doit pas lire ces pages au premier degré.

Sous réserve qu'il soit consentant pour une lecture aussi extrême, le lecteur finit par dépasser son ressenti pour se dire que c'est trop, qu'il y a une logique sous-jacente, ou en tout cas un principe à l'oeuvre derrière tant de stupre et de luxure. le comportement de tous les personnages et de toutes les créatures repose sur une absence totale d'inhibition, et une exagération systématique des attributs sexuels, et de l'échange de fluide corporel. La violence vient souligner la force vitale à l'oeuvre. le lecteur peut alors considérer ces débauches comme la matérialisation de l'inconscient, ou en tout cas comme l'expression de sensations libérées de tout refoulé. Il peut envisager ces séquences comme l'expression de pulsions délivrées de toute contrainte morale, physique, psychologique. Voilà l'inconscient qui vagabonde librement sans restriction. Les corps exultent sans la limite des possibilités physiologiques, sans aucune convention sociale, sans tabou. Cette collection d'actes sexuels mêlés de violence et de pipi-caca devient une exultation de la pulsion sexuelle sans entrave, un assouvissement immédiat de tous les instants, une jouissance sans avoir à se préoccuper de celle d'autrui, ni même de l'intégrité physique d'autrui. le lecteur comprend mieux alors le besoin de passer par cette outrance vulgaire pour pouvoir exprimer un tel état, pour laisser libre cours à la pulsion. Il ne s'agit plus d'une régression infantile, et de l'expression d'une volonté de toute puissance, mais d'une forme d'écriture automatique en bande dessinée sur le thème de l'acte sexuel, pour dire la pulsion sexuelle sans jugement moral.

Feuilleter rapidement cet ouvrage en donne une vision de séquences d'une rare vulgarité gratuite, de provocations bas du front à base de scènes de sexe régressif. Ce n'est que progressivement à la lecture, que l'effet cumulatif produit une sensation libératrice : un carcan morale pulvérisé, pour ressentir une sexualité sans entrave d'aucune sorte, un fantasme ultime de relations sexuelles immédiates, de partenaires disponibles sans condition ni limite, d'absence de barrière ou de contrainte, une satisfaction physique bien réelle, mais peut-être privée de jouissance.
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