Deux ans après la fin de la première guerre mondiale, les plaies laissées par les combats sont encore vives. Qu'elles soient morales ou physiques, personne n'est sorti indemne de cette barbarie.
L'histoire se déroule alors que le Soldat Inconnu est rapatrié de France, cinq jours avant la commémoration nationale qui célébrera son retour, rendant ainsi hommage à tous les disparus, que l'on connaisse leur nom ou pas.
Ces quelques jours cristallisent les souffrances et les deuils des personnages puisque ce récit est chorale, c'est-à-dire que plusieurs voix se croisent :
- celle, en italique, du narrateur qui suit le Soldat Inconnu
- celle d'Evelyn, une femme d'une trentaine d'années, qui a perdu l'homme qu'elle aimait à la guerre. D'une famille aisée, elle tente néanmoins de trouver un sens à sa vie en travaillant. Déchirée plutôt qu'aigrie, la disparition de Fraser a fait disparaitre toute l'innocence et la spontanéité de sa volonté de vivre.
- celle d'Hettie, une femme d'une vingtaine d'années qui travaille au Hammersmith Palais. Avec d'autres jeunes femmes, elle accompagne, pour six pences, des hommes célibataires le temps d'une danse. Issue d'une famille très modeste, elle donne une grande partie de son salaire à sa mère et à son frère revenu traumatisé de la guerre.
- et enfin la voix d'Ada, la mère d'un soldat mort au front qui n'accepte pas la disparition de son fils, n'ayant jamais eu un mot d'explication quant aux circonstances du décès, ne sachant où et comment faire le deuil, à tel point qu'elle pense régulièrement l'apercevoir.
Les souffrances de chacune de ces femmes sont le point de départ. Et pourtant les cinq jours que dure le récit vont être décisifs quant à leur compréhension/acceptation de la guerre et des vies balayées sur son chemin. Au début du roman, les deuils apparaissent comme impossibles. Pourtant , les renaissances vont vite s'avérer nécessaires et vont s'imposer, au rythme du pays lui-même avec l'arrivée symbolique du Soldat Inconnu. Il aura fallu voir, dire, arrêter de "faire comme si" pour qu'un nouveau départ puisse être possible.
C'est vraiment un très beau roman sur l'après-guerre, sur la place des hommes et des femmes dans la société au début du XX° : les mères, les très jeunes femmes qui ne rencontrent que des hommes cassés, physiquement ou moralement, pour construire leur vie, ou les femmes, plus mûres qui doivent se construire alors que leurs vies, leurs rêves d'avenir ont été fauchés.
L'écriture est belle, les personnages sensibles et émouvants.
Le chagrin des vivants est un premier roman assez éblouissant.
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