J'ai été scotchée par la lecture de cette histoire. L'écriture est à la fois tranchante et pleine de poésie. On se retrouve plongé dans la cave remplie de fanstasmagories du personnage, dans ses pensées où se mélangent questionnement et philosophie, ainsi que dans les propres idées politiques de l'auteur qui ressortent au travers. Un roman très frappant qui rappelle inévitablement Fahrenheit 451 de Bradbury.
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Hanta travaille depuis trente-cinq ans à écraser, détruire des livres dans sa presse mécanique. Après quelques regrets, il finit par y prendre goût et élever son travail au rang d'art tant il prend soins à tout compacter en petits paquets. Malgré cela, toutes ces victimes littéraires lui pèsent ; il en sauve quelques unes en les ramenant chez lui, et d'autres en s'imprégnant de leur contenu.
L'ambiance kafkaesque, et l'incertitude de ce qui est réel ou pas, laissent beaucoup de questions quant à la manière d'interpréter ce texte. L'opposition entre la presse artisanale de Hanta et la presse industrielle peut signifier que la conscience du travailleur se perd pour devenir le maillon d'une chaine, que la conscience artistique disparait, ou bien cela peut exprimer le simple sentiment d'être dépassé par ces temps qui changent. Après tout, les plongées dans les souvenirs pénibles de jeunesse, puis les retours au pénible présent, nous font ressentir cette vieillesse du personnage, éreinté par le poids des années passées à se dédier corps et âme à son travail, solitaire. Hanta, écrasé par l'Histoire, par ses échecs sentimentaux, et par son travail, finit écrasé au sens propre. La presse semble entre une allégorie de l'Histoire, et les souris les victimes habituelles, les gens qui ne demandent rien, qui veulent simplement vivre, comme la Tzigane que Hanta n'a jamais revu.
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C'est un merveilleux livre que je viens de terminer. Merveilleux et terrible car certaines scènes sont presque à vomir. Cela m'a pris presque la moitié du livre pour en trouver la bonne part. Mais le jeu en valait la chandelle car plus j'avançai dans ma lecture plus je ressentais la force de ce que j'étais en train de lire. Le narrateur, Hanta, est un ouvrier qui, sous le régime communiste en vigueur à Prague est en charge d'alimenter et de manœuvrer une presse pour pilonner des livres et compresser des tonnes de papier. Il fait cela dans une cave immonde, où grouillent les souris, où les papiers sont parfois imbibés de sang, où tous ces déchets font une bouillie irrespirable. Hanta trouve néanmoins des échappatoires : la bière d'une part, la lecture de livres arrachés à leur destin d'autre part. Et aussi, parfois, l'emballage du rebut qu'il réalise avec des reproductions de peintures : Gauguin, Van Gogh, Rembrandt ...
C'est un livre sur la résistance à l'absurde, au delà du totalitarisme du monde soviétique. C'est un livre où le narrateur, qui m'est apparu repoussant dans les premières pages, devient peu à peu un être lumineux et qu'on aimerait avoir pour ami. C'est aussi une très belle langue, à la fois simple mais très évocatrice. Et puis on y parle des livres comme une arme contre l'oppression et contre la bêtise, mais aussi comme quelque chose de fragile.
Par l'absurdité de la situation, et la sujétion à un système écrasant, on peut peut-être rapprocher Hanta de Joseph K., le personnage du Procès de Kafka. On peut aussi, du fait de sa résistance passive aux ordres de son chef, le comparer à Bartleby de Melville. Je pense aussi à Cripure du "Sang noir" de Louis Guilloux. Hanta rejoint en moi cette confrérie imaginaire et littéraire de gens simples, de gens du peuple qui, tranquillement, disent "non" à l'absurdité d'un système qui veut les mettre à genou. Et il peut arriver que ce "non" soit le grain de sable qui, un jour, bloquera l'infernale machine à broyer les humains, et les livres.
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Quel petit livre étonnant ! Truffé de références littéraires et artistiques, il envoûte par son vocabulaire répétitif et son personnage principal atypique, ancré à sa presse autour de laquelle gravite sa propre interprétation de la vie et du monde.
Une belle découverte.
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Voilà un court roman à l'ambiance particulière mais qui m'a bien plu.
Le narrateur travaille à Prague sur une presse, chargé de compresser les déchets de papier destinés à être dissous et recyclés.
Il passe une bonne partie de sa vie dans un sous-sol, une cave dans laquelle sont déversés aussi bien des emballages des abattoirs maculés de sang que des fleurs fanées ou des livres précieux.
Cet homme mène une vie solitaire mais c'est un poète qui a décidé que chaque bloc de papier qu'il presserait serait une oeuvre d'art dans laquelle il enferme un livre précieux.
Il a aussi sauvé trois tonnes de livres qui remplissent son domicile menaçant de l'étouffer et rêve de leur offrir une seconde vie lorsqu'il sera à la retraite.
Mais la modernisation de la vie et de la société laisse peu de place pour des marginalités créatives de ce type...
Une lecture qui m'a marquée.
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Quel superbe livre ! À lire par tous les amoureux des livres.
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Depuis 35 ans, Hanta pilonne des livres et du vieux papier. A la fois il est inéluctablement lié à sa machine, et à la fois c'est une histoire d'amour avec cette machine. Mais une nouvelle machine plus performante apparaît, il est au chômage. Une seule issue possible : disparaître avec sa machine.
Le dessin noir et blanc très sombre est très oppressant, souvent flou, toujours évocateur : les extérieurs, la presse, les livres, les visages…
Dans cette bande dessinée la réalité ressemble à l'Enfer. Aucune clarté, aucune éclaircie qui pourrait redonner de l'espoir. Une noirceur inéluctable plombe toute l'histoire. le scénario est original, le travail des dessinateurs magnifique, les plans très travaillés, les vignettes adaptées au récit. C'est un plaisir de réouvrir cette bande dessinée au hasard pour s'attarder sur une page, puis sur une autre.
Une très belle réalisation pour amateurs de BD noires. Amateur de happy-end s'abstenir…
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