Les pages sur lesquelles s'inscrit
L'homme qui rit ont cette particularité :
Elles se tournent mais ne se refermeront jamais.
Victor Hugo voulait instruire les hommes.
Politique, philosophie, poésie tout s'entremêle, se croise dans son récit.
Sa plume, tranchante, profonde, minutieuse, forte n'est jamais légère.
Tant de choses sont dites, annoncées, tant de mécanismes sont expliqués, tant de comportements dénoncés.
En ce 17e siècle, l'Angleterre a tranché la tête de
Cromwell et les lords renforcent leurs pouvoirs assurant leur richesse, et maintiennent sous leurs talons la gorge du peuple.
La misère ne connaît pas d'époque.
Partout la même : aux mêmes causes, les mêmes conséquences.
À la lecture de ce roman, publié en 1869, comment ne pas revenir à la lecture des « Châtiments » ? Dans ces
poèmes on y trouve déjà tout le récit.
À ceux qui dorment – 1853 : « Réveillez-vous, assez de honte ! »
Force de choses - Jersey 1853 :
« L'homme, adore à genoux le loup fait empereur ;
Qu'en un éclat de rire abrégé par l'horreur,
Tout ce que nous voyons aujourd'hui se résume. »
« Ce qu'on fait ici-bas s'en va devant ta face ;
À ton rayonnement toute laideur s'efface »
« le voyant, le savant, le philosophe entend
Dans l'avenir, déjà vivant sous ses prunelles,
La palpitation de ces millions d'ailes ! »
À l'obéissance passive – 1853 :
« Puisque les âmes sont pareilles à des filles ;
Puisque ceux-là sont morts qui brisaient les bastilles,
Ou bien sont dégradés ;
Puisque l'abjection, aux conseils misérables,
Sortant de tous les coeurs, fait les bouches semblables
Aux égouts débordés ;
Puisque l'honneur décroît pendant que César monte ;
Puisque dans ce
Paris on n'entend plus, ô honte,
Que des femmes gémir ;
Puisqu'on n'a plus de coeur devant les grandes tâches,
Puisque les vieux faubourgs, tremblant comme des lâches
Font semblant de dormir,
Ô Dieu vivant, mon Dieu ! prêtez-moi votre force,
Et, moi qui ne suis rien, j'entrerai chez ce corse
Et chez cet inhumain ;
Secouant mon vers sombre et plein de votre flamme,
J'entrerai là, Seigneur, la justice dans l'âme
Et le fouet à la main,
Et, retroussant ma manche ainsi qu'un belluaire,
Seul, terrible, des morts agitant le suaire
Dans ma sainte fureur,
Pareil aux noirs vengeurs devant qui l'on se sauve,
J'écraserai du pied l'antre et la bête fauve,
L'empire et l'empereur ! »
Ils en feront un film. Soit...
Mais lisez
Victor Hugo. Lisez tout de
Victor Hugo.
Il a mis toute sa peine et tout son espoir pour nous écrire si bien, si généreusement que nous devons lire ses mots et ne pas nous contenter de regarder.
Hugo ne nous a jamais demandé d'être spectateurs, ils nous a toujours supplié de ne jamais oublier que nous étions Acteurs.
Chez Hugo, la vie n'est pas un spectacle de foire.
Pour nombreux elle est tragédie - voilà la honte.
Pour certains elle n'est que comédie - voilà leur songe.
« Réveillez-vous, assez de honte ! » voilà ce que
Victor Hugo nous prédit.
Astrid SHRIQUI GARAIN