AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,22

sur 1319 notes
Pour commencer cette critique j'en jette d'abord les premières impressions, car c'est une lecture émouvante. Oui, les émotions sont intenses et m'ont submergées comme autant de vagues de cette mer si présente dans ce livre.

Ceci dit, en détail :
Sur la construction de ce roman, j'ai apprécié l'empreinte de Molière avec une mise en place complexe, sur plusieurs scènes, la création d'un scénario où un personnage/ un groupe avec ses tares est épinglé, des pseudos héros mis en place en une résolution grâce à des situations cocasses. C'est finalement construit comme une petite pièce de théâtre et j'ai apprécié cette formule.

Sur les personnages et le héros de ce roman, on est sur un personnage hors norme. Déjà, car on le sent de la première à la dernière ligne, ce n'est pas seulement un héros qui incarne des thèmes choyés par VH (difformité, mauvais traitements sur les enfants, inégalités criantes des classes, poids d'un amour fusionnel etc. ) c'est aussi un héros qui incarne la voix de l'auteur et particulièrement lors de ses prises de paroles et pensées. Donc un héros qui envoi du sacrément lourd.
Les autres personnages, certains, caricaturaux, participent du drame et de la comédie qui se côtoient au fil des pages de ce roman. Certains sont très attachants tels Ursus, Tom-Tim-Jack, d'autres, notamment les personnages féminins manquent de profondeur et de sympathie, ils sont assez caricaturaux.

Les thèmes abordés et le déroulé du roman sont très entrainant, passionnant, émouvant, brefs ils constituent un très bon contenu. le fait que ce soit terriblement d'actualité (pour la plupart des sujets), en France, en 2024 m'a sidérée et quelque peu déprimée. Les prises de positions politiques dans le roman sont évidentes et osées. Attention quand même que si on ne partage pas les idées républicaines et socialistes ça doit être pénible ! ^^

Le style, parfois lourd de l'auteur, on s'y habitue, bien que cela ne facilite pas l'entrée dans le roman. Mais globalement, il y a beaucoup de sens dans chaque mot et pas mal de punchlines.

La dernière partie m'a énormément émue, les sentiments de Gwynplaine, tellement transparents sur ce que ressent l'auteur sont vraiment prenants. J'en ai pleuré sur les 50 dernières pages.

Une incroyable lecture que je recommande volontiers.
P.S. ne vous attardez pas sur le prologue qui spoile tout alors que ce qui est explicité est déjà très clair à la lecture.
P.P.S ne lisez pas toutes les notes de bas de pages qui rendent la lecture laborieuse sans apporter énormément au texte, en tout cas, en première lecture.
Commenter  J’apprécie          70
Ce livre laissera une cicatrice telle celle sur le visage de ce petit garçon, Gwynplaine, au destin incroyable dont on va suivre la vie.
Et ce sera une cicatrice magnifique.
Je n'ai pas eu l'impression de lire une histoire, j'ai plutôt lu, entendu, suivi Victor Hugo me raconter une vie, ou plutôt la vie.

Ce style unique, avec des phrases longues, adoucies de virgules, rythmées de verbes et emplies de descriptions profondes, systématiquement très claires et parfaitement posées, donne un relief de descriptifs actifs à cette vie décrite d'un enfant à qui tout ne devait pas sourire, encore moins sa vie, dans les sphères aristocratiques britanniques du XIXe siècle. (si tu me lis à voix haute, respire ici)

Je ne pense pas avoir déjà autant surligné de phrases ni passages (96 !) dans un même livre, aussi long soit-il. J'aurais pu, et même voulu, tout relever pour me souvenir ; je me suis restreint par pur bon sens car si tout est surligné, rien ne ressort vraiment. Alors même que tout est juste, tombe sous le sens, me fait réagir, tressaillir, sourire, rire, frémir. Chaque mot se lit pile comme il faut, de manière inattendue, systématiquement. Comme un peintre dont on pense que la toile est terminée, parfaite, et qu'il ajoute un trait sublimant alors encore plus le tout. On pense au chef d'oeuvre, et il brille encore plus avec ce trait singulier, cette ombre subtile, ce mot supplémentaire qui nous semblait superflu et qui, au final, donne à toucher du doigt la nature-même d'un génie.
Car c'est du génie. J'en frissonne encore et j'ai déjà lu quelques livres par ailleurs pour espérer avoir un minimum de crédibilité dans mon ressenti qui pourrait paraître excessif. Les plaidoyers de Gwynplaine t'en confirmeront la nature.

L'histoire, un très jeune marin devenu saltimbanque, amoureux de la vie alors que cette dernière devait lui être insupportable, et on embarque pour une aventure sur mer et sur terre racontée sous forme d'une immense poésie douce et acide à la fois. Un reportage, un conte philosophique, une pièce de théâtre aux messages - souvent d'amour - d'une douce force surpuissante. Un mélange de genres et de styles déroutant ; mais l'oeuvre entière l'étant, j'ai obtenu bien plus que ce que je m'étais imaginé trouver.

Un naufrage épouvantable et salvateur.
Un spectacle dont on ne saura rien sauf qu'il mélange les genres et jusqu'à ce qu'il dérange les autorités.
Et l'amour qui débarque. Inaccessible. Immensément fort.
Des chapitres entiers qui déclarent une flamme, décrivent une tempête, déciment un arbre généalogique...
Des messages forts, depuis une Angleterre dont on sent pour Hugo qu'elle est le point d'appui de sa critique du pouvoir des héritages.

Que j'aimerais savoir décrire la vie et l'amour comme Victor Hugo. C'est purement beau.

On y parle famille, aristocratie, amour, traîtrise, business, amitié, religion, médecine, philosophie, revanche sur les affres de la vie, voire parfois tourné en vaudeville...
Impossible à résumer, et même si ça l'était je m'y refuserais pour t'obliger à le lire. Tant pis pour toi, fonce !

Un 10/10 dans mon échelle de goût, alors même que je me demande comment j'ose placer le maître incontesté des mots et des idées sur un banal échelon de mes misérables goûts... ('misérables'... Tu l'as ? ok... oui, je sais, cet avis ne laissera pas de cicatrices en toi, lui. Mais lis ce livre, c'est tout ce que je te conseille, pour toi ! Lis du Victor Hugo, pour la vie, ou au moins savoir comment parler d'amour)
Commenter  J’apprécie          80
Premier abandon de l'année, à la page 190.
Hélas j'aurais tellement voulu aimer ce livre mais je m'ennuie, trop de description de bateau, de tempête, j'y comprends rien du tout et j'ai aucun intérêt pour ce livre. J'en suis désolée pour ceux qui aime mais moi je ne peux pas.
Je mets quand même 12 car c'est quand même du Hugo et que la plume est magnifique.
Commenter  J’apprécie          00
Avant dernier roman de Hugo , l'Homme qui rit , encore d'avantage que les Travailleurs de la Mer s'attache à composer son récit de digressions descriptives , ici une généalogie et une description de l'aristocratie britannique et de son cadre géopolitique , mais au-delà du tourbillon d'érudition parfois artificiel ,dans lequel le lecteur harassé se trouve emporté, submergé, la place conséquente qu'occupe dans le livre ce vertigineux travail de documentation, n'a plus rien à voir avec un quelconque pas de coté , mais la succession et l'enchevêtrement fiévreux des faits et privilèges d'un milieu marqué du sceau de l'opulence, ne fait qu'exhausser d'avantage la précarité, le dénuement des personnages qui sont le centre de gravité de ce roman, qui comme en un écho évident aux Misérables , met en scène la souffrance d'enfants abandonnées recueilli par un juste aux manières bourrues. Les plus belles pages sont bien entendues celles-ci , celles ou le lyrisme hugolien parois emphatique fait passer son souffle puissant pour mieux nous saisir comme aucun autre, de la souffrance et de la détresse des pauvres gens et du sentiment de révolte et d'indignation chevillé au corps de l'homme qui plus tard militera ardemment pour l'amnistie des communards.
Pour ce qui est de la figure de Gwynplaine – l'Homme qui rit , figure au sens propre comme au sens figuré justement, difficile de ne pas voir dans ce bateleur au sourire éternel qui a pour origine une mutilation , comme l'écho sardonique et rageur d'une déchéance ,renvoyée à ceux la même qui ont tenté par ce moyen d' invisibiliser ses origines , et au delà , la grimace sarcastique et désespérée adressé à une classe par une autre
Commenter  J’apprécie          90
Bon, je vais tenter de ne pas faire comme Victor Hugo, c'est-à-dire trop long.
J'indique que, ayant lu plusieurs de ses livres, j'ai eu plusieurs heures de bonheur mais là c'est trop. Trop de redondances hugoliennes : ce qu'il exprime clairement en une phrase, il le décline ensuite en plusieurs, me donnant le sentiment qu'il fait étalage de ses possibilités à varier sur un thème. Je sais que cela fait partie de son style, reconnaissable, je sais qu'Hugo crée un monde en décrivant, crée une pensée en commentant, je sais que l'écriture d'Hugo est "logos" (à la fois "lieu" et "langage") mais j'ai trouvé que là il abusait et usait les figures de styles typiques de son style.. Énormément de courtes phrases contenant souvent une opposition ou une contradiction ( "il était dans une plaine et une colline, et il n'y était pas". " Il était palpable et évanoui"etc ). de même les citations latines (pas traduite dans mon édition Nelson). Presque une auto-parodie, une caricature de son style, en tous cas une surenchère. Ce qui fait le sel de ses poèmes nuit à ce roman, l'impression qu'il a lâché la barre et laisse le vent de sa maîtrise de la langue faire ce qu'il veut du bateau..
Trop. Beaucoup trop de passages qui n'apportent rien au récit, bien au contraire : il en avait déjà abusé dans Notre Dame de Paris (les chapitres sur l'architecture de l'ancien Paris..) mais là il a exagéré et j'ai survolé nombre de pages en diagonale (ce que je fais rarement). Pourquoi énumérer indéfiniment les noms et titres des Lords, ducs etc ? Il a dû copier des passages de livres et documents historiques. Les listes sont un genre : Charles Dantzig, par exemple, en a fait (encyclopédie capricieuse du tout et du rien), les variations sur un thème aussi mais c'est annoncé tel quel..
Pourquoi toute ces pages documentaires ? Quelques exemples auraient suffi et aurait évité d'attendre 300 pages avant de revenir à l'histoire des personnages qui nous intéressent..
On parle de son projet en 3 temps : un livre sur l'aristocratie, un sur la monarchie et le dernier sur la Révolution (ou la République ou la démocratie je ne sais plus). Quatre-vingt Treize (le 3ème) est beaucoup plus digeste.
Pour montrer qu'il sait faire des listes ? Je ne suis pas sûr qu'il ait agrandi sa culture en faisant cela et il a barbé, agacé, le lecteur que je suis. Pour quoi ? Il s'est laissé enivré dans son cabinet d'écriture tout en haut de Hauteville-House dominant la mer ? Je préfère quand Hugo se laisse moins emporté par ses élans lyriques.
Quel dommage car l'histoire est bonne, en général bien écrite (malgré mes bémols sur le style), prenante, émouvante, dramatique, édifiante.. le début, tout en ombres, en silhouettes.. est tout de suite prenant. le naufrage est à mettre dans une anthologie littéraire des naufrages. On a droit à des "morceaux de bravoure" où les excès (de reformulation etc) peuvent être tolérés mais, en l'occurrence, le principal passage "héroïque" ( le discours de Gwynplaine face aux Lords) métamorphose un personnage, qui jusque-là a peu parlé, en orateur hors-norme, car l'orateur est en fait Hugo lui-même, qui se fiche là de la vraisemblance romanesque, et ceci devient un point intéressant du livre : Hugo en filigrane dans cet écrit. Il est à Guernesey, en exil et l'exil forcé est au début et à la fin du "roman". Il se documente sur les lieux proches et cela donne le naufrage au début du récit.. Comment ne pas voir aussi Lord Clancharlie (le père) en exil comme un portrait d'Hugo en exil ?
La fin - que certain(e)s trouve mièvre ou décevante ou autre - m'a touché car j'y ai vu, peut-être à tord, la réminiscence cathartique de la noyade de sa fille et de son gendre, survenue 20 ans auparavant.
Il y a aussi dans ce texte de grandes réussites : par exemple, cet enfant que le narrateur omniscient (et omnipotent) regarde et décrit, de loin,de près, est comme le premier enfant du monde.. que l'écrivain démiurge est en train de créer, les phares des Casquets, la marche dans les rues nocturnes désertes, le sommeil des enfants, la soi-disante bonté du très riche..
Ma déception est à la hauteur de mon attente sur ce livre. J'ai un meilleur souvenir des Travailleurs de la Mer (dont le titre est d'ailleurs assez peu adapté à mon avis).
Expurgé de tous les passages encyclopédiques, listes, documents historiques etc, l'Homme qui Rit est digne des meilleurs récits de Hugo : ursus vaut bien Jean Valjean, Gwynplaine Gilliat et Déa Cosette.. N'est-ce pas ce qu'ont nécessairement fait les adaptations cinématographiques (que je n'ai pas vues) et les versions raccourcies (que je n'ai pas lues) ?
Commenter  J’apprécie          107
Que dire sur ce roman qui n'ait été déjà dit ? Mon ressenti, peut-être..?

Je rejoins la plupart des lecteurs de ce roman magnifique.
Lire Hugo, c'est entrer en littérature.
Il y a tant de grandeur, d'éloquence. Tout y est ou presque, oeuvre romanesque, mais oeuvre éminemment poétique, du lyrisme et du tragique.
Ce fut un véritable délice et enchantement de renouer en tant que lectrice, avec une si belle plume.
J'ai lu Victor Hugo, il y a bien longtemps, et l'engagement qu'il m'avait fallu à l'époque pour clôturer Notre-Dame de Paris était restée gravée en moi avec tant d'intensité, que je ne m'étais jamais sentie la force de recommencer. Et bien, même avec l'expérience et les années, cela reste une ascension magnifique, mais toujours aussi longue, un Everest que l'on est ravi d'avoir gravi mais dont on ne reproduira pas l'expérience de si tôt , toutefois, une fierté d'avoir lu un roman exigeant.
Exigeant, oui, car le roman alterne entre l'histoire principale du jeune Gwynplaine et tout un tas de digressions, chères à Hugo, notamment sur la monarchie. Hugo nous abreuve d'un flot inimaginable d'informations sur les lords anglais que même une férue d'histoire ( que je suis), a de quoi dégoûter. Mais je me suis consolée en pensant à notre cher Hugo, la tête penchée sur le papier, qui je pense, avait tant envie de nous expliquer, de nous décortiquer, de nous exposer ses pensées politiques et républicaines. J'avoue que sa dénonciation de la monarchie est un peu éloignée de mes préoccupations mais le roman va bien au-delà.
Il y a tant de sujets, de questionnements, de réflexions qui découlent de cette histoire. Voilà ,la marque des grands textes.
L'écriture, pour autant, n'est pas difficile. Il a même un style très accessible et des phrases incisives, minimalistes et d'une modernité incroyable. de véritables punchlines, dirait-on aujourd'hui. ! Des phrases si justes, si drôles parfois, qu'elles ne peuvent pas laisser indifférent. Un véritable conteur également, on a le film devant les yeux en permanence.

Si vous souhaitez tenter l'expérience, je vous conseille de prendre le temps et de persévérer ( la liste des lords n'est qu'un mauvais moment à passer, mais elle se trouve en début de roman ). Vous y trouverez une écriture vibrante, si poétique, des passages somptueux tel que l'épisode de Gwynplaine dans la neige, d'une beauté à couper le souffle,...
Je m'arrête là avec une pensée pour Ursus que je n'ai pu m'imaginer que sous les traits de Victor Hugo.
Et pour ceux qui ont peur d'escalader cette montagne, il existe des versions allégées, moins de poésie mais plus digestes.



Commenter  J’apprécie          160
Un chef-d'oeuvre de plus à mettre au crédit de l'immense talent d'Hugo - que dis- je : du maître ! Cela faisait des années que je voulais lire celui-là mais à chaque fois, une autre direction me faisait prendre le chemin d'une autre infidélité littéraire. Bref, ce roman d'Hugo, un des moins lus de lui je pense, est une vaste épopée romantico-baroque se situant dans l'Angleterre du XVIIe s., celle des lords et des pairs qui tirent leurs noms de ce que leur caste a été créée pour égaler les rois. Jetez au milieu de ce social monarchique et terriblement aristocratique un trio de saltimbanques, Gwynplaine défiguré de naissance qui aime la belle aveugle Dea, eux-mêmes recueillis par le vieux poète harangueur de foule et misanthrope (et aimant) Ursus, lui-même maître d'un loup : Homo (sic). le petit contre le grand, la pauvreté joyeuse contre la grandeur malsaine et tyrannique qui est véritable misère, le gouffre allié au ciel, et à la mer, l'amour versus la mort, on en prend plein les mirettes de l'imaginaire, comme d'hab avec Hugo !! Un régal !
Commenter  J’apprécie          160
🤍 le crush de l'été.
Depuis la chronique de @sophie_plume, j'avais ce titre en tête. Je voulais découvrir Victor Hugo avec ce roman (la lecture d'une version abrégée des Misérables en primaire ne compte évidemment pas).
⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Et malgré l'exigence du texte (c'est qu'il aime les longues explications, les répétitions et les énumérations, notre Victor), j'ai été saisie par la beauté de ce roman, par la poésie qui s'en dégage à tout moment, par la vie qui y est insufflée.
⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Ce formidable roman est un tout : tour à tour roman d'aventure, roman philosophique, historique, roman d'amour… Victor Hugo pensait lui-même « n'avoir rien fait de mieux que L'homme qui rit ».
⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Je vais devoir m'en assurer en lisant maintenant le reste de son oeuvre 🤷🏻‍♀️
Commenter  J’apprécie          60
Quatre mois sans critique Babelio publiée, quatre mois sans quasiment passer sur le site. La dernière critique donne en elle-même une explication de cette traversée de désert littéraire. Étant arrivé à l'oasis, je vous fais donc un point d'étape… qui j'espère sera un nouveau départ.

Je vais arrêter de dire que je rechigne à parler de ma vie personnelle, puisque je vais encore un peu m'égarer, mais toujours parce que le contexte de lecture a ici aussi toute son importance. Ce livre de Victor Hugo est le dernier livre que j'ai offert à ma mère et qu'elle n'aura que si peu commencé (à en croire le marque-page), sa maladie étant celle qui est le frein le plus important pour la lecture. Il était malgré tout longtemps resté sur sa table de chevet, preuve que l'envie ne manquait pas. C'est aussi (logiquement ?) le livre que j'ai choisi de lui lire dans ses derniers instants, lien tout particulier qui m'a (nous a ?) permis de traverser ces moments, bien balloté comme l'ourque du début du roman, mais, tout comme l'équipage, ensemble. Je me devais bien évidemment de finir cette lecture pour continuer ce lien, physiquement rompu, mais, la littérature ayant ce pouvoir magique, malgré tout maintenu, quelles que soient nos croyances. Me voilà donc ici pour vous en parler, après un voyage de plus de 700 pages.

Le contexte de lecture a une importance, mais pour ce livre le contexte d'écriture en a tout autant sinon plus. Vécu comme le premier tome d'une trilogie qui n'aura jamais de tome deux…. mais bien un tome trois (Quatre-vingt treize), ce roman est celui où Hugo se propose d'étudier la Seigneurie, en s'intéressant à celle des Anglais. Pensez-vous que le fait qu'il vive en exil depuis le coup d'état de 1851 de Napoléon III, que ce soit les îles anglo-normandes qui lui aient offert un refuge si proche et si lointain de sa terre française ait eu un effet sur la rédaction de cet Homme qui rit (jaune…), commencée en 1866 ? La réponse est évidemment dans la question. Après l'achèvement du projet des Misérables (déjà en ébauche depuis 1845), en 1861, après un roman nourri de sa situation d'ilien (Les Travailleurs de la Mer), Hugo se lance dans un projet qu'il veut au départ historique.

Le projet deviendra ensuite polymorphe, philosophico-dramatico-lyrico-onirico… (ajoutez tous les mots en -co qui vous passent par la tête), bref un objet littéraire assez fou, très hugolien car éminemment poétique et politique. A la lecture, je me suis parfois dit qu'Hugo avait voulu aller plus loin dans l'horreur que dans les Misérables, poussant le curseur plus loin, de façon plus désabusée, la vieillesse et la sagesse étant venues contrebalancer les idéaux de la jeunesse. Certaines scènes sont vraiment éprouvantes, on souffre avec les protagonistes. Un vrai monument littéraire en tout cas, dont l'abord plus compliqué a sans doute nui à la notoriété.

Ou alors, est-ce un autre contexte, celui de sortie du livre qui a joué ici un rôle déterminant. Hugo est loin de France, son éditeur profite de cet éloignement pour échafauder des combines de vente afin de profiter au mieux de la notoriété de l'exilé pour faire du profit. Les critiques pleuvent après des fuites de premières pages avant même la publication, Hugo semble pour certains un homme à abattre. Malgré toutes ces difficultés, l'oeuvre connait une postérité impressionnante…. Notamment quand on sait que le fameux Joker, ennemi de Batman, trouve sa source dans l'adaptation cinématographique de l'oeuvre en 1928.

Je terminerais avec une évocation de la fin du roman, sans volonté de divulgachage. le regard porté sur la mort y est très particulier, rempli de spiritualité.Quand on sait qu'Hugo a hésité longtemps entre plusieurs fins possibles, qu'il a connu une succession de deuils familiaux dans ces années d'écriture (son petit-fils en avril 1869, son épouse en août 1868), je ne peux que voir dans cette fin une réflexion sur la deuil et sur la façon dont nous transigeons sans cesse avec la mort des nôtres.
Commenter  J’apprécie          7025
Éblouie, émerveillée mais aussi touchée car ayant lu quelques biographies j'y ai vu plus qu'un roman.
Le 31 août 1881, Victor Hugo rédigea d'une main ferme un testament :
Dieu. L'âme. La responsabilité. Cette triple notion suffit à l'homme. Elle m'a suffi. C'est la religion vraie. J'ai vécu en elle. Je meurs en elle. Vérité, lumière, justice, conscience, c'est Dieu. Deus, dies.
Olympio ou La vie de Victor Hugo André Maurois
J'ai lu ce roman et du début à la fin, j'ai vu l'accord entre l'homme et l'écrivain. Sa vie, ses pensées, ses idéaux politiques mais aussi sa dualité, les deuils ainsi qu'un formidable témoignage.
Tout commence avec l'incroyable histoire des comprachicos, de la tempête et de cet enfant de dix ans Gwynplaine abandonné, perdu dans la neige en pleine nuit et je n'ai pu m'empêcher de penser à Cosette apeurée allant chercher l'eau du puits.
C'est une oeuvre de maturité où nous découvrons les aristocrates, le parlement, les lois, le peuple anglais, la misère, l'injustice juste un aperçu sans commentaire sans jugement.
« Accuser est inutile. Constater suffit. »
C'est aussi la vie d'Ursus et d'Homo (clin d'oeil de l'auteur) qui se sont exilés de Londres et de la folie des hommes. Ursus serait un Gwynplaine âgé, désillusionné, sage et pourtant il commettra une erreur fatale.
Gwynplaine parce qu'il n'avait rien à perdre a sauvé un bébé Déa dont la mère est morte dans la tempête. Pureté des sentiments, innocence, Déa, aveugle, ne sent que l'âme des autres. Tous deux s'aiment tendrement.
«Ils se suffisaient, ils n'imaginaient rien au-delà d'eux-mêmes ; se parler était un délice, s'approcher était une béatitude ; à force d'intuition réciproque, ils en étaient venus à l'unité de rêverie ; ils pensaient à deux la même pensée. »
De très beaux passages n'est pas Victor Hugo qui veut. L'auteur c'est énormément documenté.
Gwynplaine connaîtra la richesse, le pouvoir mais sa seule ambition sera d'aider les plus faibles, il y voit sa destinée.
« Je suis prédestiné ! J'ai une mission. Je serai le lord des pauvres. Je parlerai pour tous les taciturnes désespérés. Je traduirai les bégaiements. Je traduirai les grondements, les hurlements, les murmures, la rumeur des foules, les plaintes mal prononcées, les voix inintelligibles, et tous ces cris de bêtes qu'à force d'ignorance et de souffrance on fait pousser aux hommes. le bruit des hommes est inarticulé comme le bruit du vent ; ils crient. Mais on ne les comprend pas, crier ainsi équivaut à se taire est leur désarmement. Désarmement forcé qui réclame le secours. Moi, je serai le Verbe du Peuple. Grâce à moi, on comprendra. Je serai la bouche sanglante dont le bâillon est arraché. Je dirai tout. Ce sera grand. »
De très beaux passages n'est pas Victor Hugo qui veut. L'auteur c'est énormément documenté.
La fin de ce livre m'a laissé sans voix, sans mots, tant ce livre est mêlé à sa vie. Je percevais Victor Hugo et sa vie, son oeuvre derrière chaque mot. J'y ai vu ses doutes quant à son engagement politique qui lui a couté l'exil et une vie familiale perturbée. Et par-dessus tout j'y ai vu cet hommage à Léopoldine, son ange, et à son gendre partis trop tôt.
Une excellente Lecture Commune initiée par HundredDreams que je remercie et qui n'a laissé aucun des lecteurs et des lectrices indifférents.
Commenter  J’apprécie          5216





Lecteurs (5451) Voir plus



Quiz Voir plus

Victor Hugo (niveau facile)

Lequel de ces livres n'est pas de Victor Hugo ?

Les Misérables
Notre-Dame de Paris
Germinal
Les Contemplations

10 questions
1239 lecteurs ont répondu
Thème : Victor HugoCréer un quiz sur ce livre

{* *}