Ce livre laissera une cicatrice telle celle sur le visage de ce petit garçon, Gwynplaine, au destin incroyable dont on va suivre la vie.
Et ce sera une cicatrice magnifique.
Je n'ai pas eu l'impression de lire une histoire, j'ai plutôt lu, entendu, suivi
Victor Hugo me raconter une vie, ou plutôt la vie.
Ce style unique, avec des phrases longues, adoucies de virgules, rythmées de verbes et emplies de descriptions profondes, systématiquement très claires et parfaitement posées, donne un relief de descriptifs actifs à cette vie décrite d'un enfant à qui tout ne devait pas sourire, encore moins sa vie, dans les sphères aristocratiques britanniques du XIXe siècle. (si tu me lis à voix haute, respire ici)
Je ne pense pas avoir déjà autant surligné de phrases ni passages (96 !) dans un même livre, aussi long soit-il. J'aurais pu, et même voulu, tout relever pour me souvenir ; je me suis restreint par pur bon sens car si tout est surligné, rien ne ressort vraiment. Alors même que tout est juste, tombe sous le sens, me fait réagir, tressaillir, sourire, rire, frémir. Chaque mot se lit pile comme il faut, de manière inattendue, systématiquement. Comme un peintre dont on pense que la toile est terminée, parfaite, et qu'il ajoute un trait sublimant alors encore plus le tout. On pense au chef d'oeuvre, et il brille encore plus avec ce trait singulier, cette ombre subtile, ce mot supplémentaire qui nous semblait superflu et qui, au final, donne à toucher du doigt la nature-même d'un génie.
Car c'est du génie. J'en frissonne encore et j'ai déjà lu quelques livres par ailleurs pour espérer avoir un minimum de crédibilité dans mon ressenti qui pourrait paraître excessif. Les plaidoyers de Gwynplaine t'en confirmeront la nature.
L'histoire, un très jeune marin devenu saltimbanque, amoureux de la vie alors que cette dernière devait lui être insupportable, et on embarque pour une aventure sur mer et sur terre racontée sous forme d'une immense poésie douce et acide à la fois. Un reportage, un conte philosophique, une pièce de théâtre aux messages - souvent d'amour - d'une douce force surpuissante. Un mélange de genres et de styles déroutant ; mais l'oeuvre entière l'étant, j'ai obtenu bien plus que ce que je m'étais imaginé trouver.
Un naufrage épouvantable et salvateur.
Un spectacle dont on ne saura rien sauf qu'il mélange les genres et jusqu'à ce qu'il dérange les autorités.
Et l'amour qui débarque. Inaccessible. Immensément fort.
Des chapitres entiers qui déclarent une flamme, décrivent une tempête, déciment un arbre généalogique...
Des messages forts, depuis une Angleterre dont on sent pour Hugo qu'elle est le point d'appui de sa critique du pouvoir des héritages.
Que j'aimerais savoir décrire la vie et l'amour comme
Victor Hugo. C'est purement beau.
On y parle famille, aristocratie, amour, traîtrise, business, amitié, religion, médecine, philosophie, revanche sur les affres de la vie, voire parfois tourné en vaudeville...
Impossible à résumer, et même si ça l'était je m'y refuserais pour t'obliger à le lire. Tant pis pour toi, fonce !
Un 10/10 dans mon échelle de goût, alors même que je me demande comment j'ose placer le maître incontesté des mots et des idées sur un banal échelon de mes misérables goûts... ('misérables'... Tu l'as ? ok... oui, je sais, cet avis ne laissera pas de cicatrices en toi, lui. Mais lis ce livre, c'est tout ce que je te conseille, pour toi ! Lis du
Victor Hugo, pour la vie, ou au moins savoir comment parler d'amour)