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sur 779 notes
Hugo c'est du lourd, du sacré, du vénérable, du archi-canonisé.
Il est de ces figures d'écrivains patriarches aux bustes coulés dans le bronze, de ces monuments littéraires imposants comme ces boursouflures gothiques qui dominent sans pudeur le coeur de nos cités les plus illustres. Indéboulonnable, inaltérable, inoxydable, tout ce que vous voudrez...
Alors critiquer Hugo, ça relève soit de l'inconscience pure soit du blasphème.
Avec le temps qui passe, j'envisage le blasphème comme une sorte d'émancipation, alors tant pis pour la révérence, je vous livre pêle-mêle mes impressions sur le bouquin.
Je croyais tout d'abord que les travailleurs de la mer allait traiter du très sérieux thème des conditions de vie des marins-pêcheurs de l'île de Guernesey au XIX ème siècle. Autrement dit, j'acceptais docilement une lecture certainement très édifiante sur le sujet mais également très chiante. ( Je suis un peu maso je sais)
Évidemment, je me plantais allègrement, en découvrant avec bonheur un récit quasi homérique, une aventure pleine de rebondissements, une intrigue amoureuse, en même temps qu'une fable humaniste .
Pour cela, il fallait quand-même se coltiner la logorrhée hugolienne jusqu'à la page trois cent trois, moment du basculement du roman dans l'épopée maritime la plus trépidante qui soit.
Pourquoi attendre trois cents pages vous me direz. C'est le long travail de fondation de l'oeuvre qui veut ça. Sans ce socle, cet encrage dans l'histoire , cette méticuleuse circonscription géographique du microcosme guernesiais, ces portraits hauts en couleurs de chaque protagoniste , l'épisode de "Gilliatt le malin", n'aurait pas confiné au sublime.
Cette longue mise en place des éléments qui sous-tendent l'intrigue est indispensable ( il n'est toutefois pas exclu de recourir à la lecture en diagonale quand on se sent vraiment perdu au milieu de trop de considérations sur la linguistique anglo-normande, et autres thèses astronomiques ou météorologiques de l'époque)
Mais le jeu en vaut la chandelle décidément, on finit par s'accoutumer à la prose parfois ampoulée du maître, on arrive à supporter patiemment les digressions métaphysiques qui nous portent inexorablement vers le point culminant du récit, l'épisode charnière de l'ensemble : la confrontation de Gilliatt avec les éléments déchaînés pour sauver la machine à vapeur.
Dit comme ça, ça ne fait pas vraiment rêver. Si je vous dis que ce type en train de clouer des planches entre deux rochers pour résister aux lames d'une mer démontée afin de protéger une épave c'est l'un des plus glorieux morceaux de bravoure jamais lu jusqu'à présent, vous allez doucement rigoler..
Ces pages sont pourtant sublimes et m'ont subjugué. le lyrisme d'hugo y est à son apogée, il faut le reconnaître, l'hugolien surpasse ici le dantesque...si vous voulez savoir pourquoi , jetez vous à l'eau.
Panthéon ou pas, force est d'admettre le talent de l'auteur de cette fresque fantastique qui convoque l'incommensurable abîme et le modeste génie humain.
Il nous rappelle très justement qu'en présence des profondeurs, rêver est notre seule véritable puissance.
Rien que pour ça je lui tire ma casquette !
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Une histoire très originale, impressionnante.
L'histoire de ce roman se déroule à Guernesey.
Une écriture sublime et poétique sur la mer comme élément déchainé, sur ses profondeurs et ses créatures mystérieuses.
Une histoire passionnante, héroïque, tragique.





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"La noblesse se conquiert par l'épée et se perd par le travail. Elle se conserve par l'oisiveté. Ne rien faire c'est vivre noblement. Quiconque ne travaille pas est honoré. Un métier fait déchoir. En France, autrefois, il n'y avait d'exception que pour les verriers. Vider des bouteilles étant un peu la gloire des gentilshommes, faire des bouteilles ne leur était point déshonneur." ( Cette citation m'amuse beaucoup)
Oui, mais à condition de venir de la bonne caste. Or nul ne sait d'où vient Gilliat, le héros des travailleurs de la mer de Victor Hugo. Il n'est pas riche mais possède assez pour vivre sans exercer de métier. Il subsiste grâce à sa pêche et son jardin; ne cherche pas à s'enrichir et semble savoir à peu près tout faire de manière intuitive. Et quand il ne rend pas service, il lit de gros livres, chose impensable pour un homme de sa condition. Il n'en faut pas plus pour qu'il soit soupçonné d'être diable, cambion, marcou, sorcier.
Ce magnifique roman dont l'action se passe dans les îles anglo-Normandes, plus précisément à Guernesey est une pure merveille.
Comme tous les romans de Victor Hugo les sujets sont multiples et le contenu très didactique. On apprend ici énormément de choses sur la mer, les premières machines à vapeur, les forges, la géologie, les plantes, les croyances, les superstitions, l'Amour.
Oui, l'Amour avec un grand A puisque notre Gilliat apparaîtra au fil des pages comme un vrai héros chevaleresque, solitaire et incompris qui ne reculera devant aucun sacrifice par amour.
Moins connu que les misérables ou Notre Dame de Paris, c'est pourtant une oeuvre qui mérite tout autant de figurer au panthéon de la littérature française. Je ne connais rien de plus beau que la plume de Victor Hugo.
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Victor Hugo du haut de son look-out
« le chaos vaincu » ?

Comment espérer mettre un terme au chaos ambiant et continuer sous les meilleures auspices ce que le regretté Hubert Reeves appelait : « La grande aventure de l'univers » ? Cette question est hélas d'une tragique actualité quand on pense au fracas du monde depuis le silence interrompu des injonctions du confinement.
Dans le gouffre de son oeuvre, Hugo ne cesse de se la poser. Ce qu'il appelle « l'ombre », cette part effrayante de l'Humanité où s'embrase le Mal absolu, il la met en jeu tout au long de ses romans et recueils. Monstruosité, misère féroce, barbarie, néant, nuit… Toute l'oeuvre à la fois poétique et romanesque peut être appréhendée dans ces mots qui sont aussi des concepts, des symboles aussitôt combattus par les forces de vie et de lumière.
C'est pour cette raison qu'on trouve toujours chez Hugo une figure rayonnante, un héros casqué d'une lampe torche qui part au-devant de la matière brute et qui l'affronte pour finalement en triompher mais aussi pour en montrer l'étendue (maléfice profond et irrécupérable de certains « Misérables », monstruosité de la pieuvre sous la mer dans Les Travailleurs de la mer, stupidité et égoïsme incommensurable des politiques dans L'Homme qui rit…)
Le bateau « la Durande » menace de sombrer dans les double-fonds de l'abîme et pourtant, il revient vers les côtes de Guernesey grâce à Gilliatt qui réussit ainsi son « travail de la mer ». Au terme de sa « contemplation », le poète parvient à renouer le dialogue tragiquement interrompu avec Léopoldine et lui offre « Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleurs » : « Ne dites pas mourir, dites naître ». Quant à Gwynplaine, l'homme qui rit, il porte sur le visage la grimace immonde du Mal qu'il a côtoyé toute sa vie ; mais au terme de sa traversée, lui aussi ramène la lumière : la jeune aveugle Déa retrouve la vue et « le monstre » ne rit plus, il sourit. Son masque d'ombre vient de tomber aussi sèchement que la dépouille de la pieuvre que Gilliatt a poignardée. le « Chaos est vaincu » par « l'éclaircie » (poème 10 du livre 6 des Contemplations). La lumière et l'harmonie reviennent après la tempête. Mais le « mage » de Guernesey continue de nous avertir : malgré son éclat et sa beauté, l'éclaircie est le signe précaire d'un éphémère « Chaos vaincu ».

Lien : http://ericbertrand-auteur.n..
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Que dire du magistral Hugo qui n'ait déjà été dit ?
Gilliatt, héros digne de la mythologie présenté d'abord comme le pauvre hère plus ou moins visité par les sorciers (peut-être un clin d'oeil à son contemporain Barbey d'Aurevilly voisin manchois) va se révéler sous l'emprise d'un amour muet mais enraciné, une force de la nature capable de résister au déchaînement des éléments, de ruser avec les marées pour relever la panse (son bateau) et ainsi cueillir le moteur de la Durande échoué entre deux récifs et sauver de la ruine mess Lethierry, propriétaire de la Durande et oncle de Déruchette.
Après d'innombrables mésaventures dont le panier de victuailles soufflé par une rafale de vent puis picoré par les mouettes sous le regard affamé de Gilliatt, l'épopée de la pieuvre qui le surprend le couteau à la main à la recherche de langoustes (il est tenaillé par la faim) et l'enserre de ses tentacules visqueuses, il parvient à lever l'ancre pour un retour vers Guernesey et la promesse d'un mariage.
Pour ce roman de la mer, Hugo homme de la ville, a pris soin de s'enquérir de toute la terminologie marine qui peut sembler lourde parfois mais sert le récit et participe au rythme soutenu, descriptif.
Victor Hugo posséde l'art avec ses tournures travaillées et familières de nous chuchoter à l'oreille comme si nous étions proches.
Les oiseaux aussi sont de la partie, espiègles pour picorer dans le panier de Gilliatt mais protecteurs et inquiets quand ils se penchent sur Gilliat effrondré de sommeil nu sur le rocher.
Comme dans toute l'oeuvre de Victor Hugo, beaucoup d'humanisme se dégage de cette oeuvre .
Je m'interroge juste sur le titre : pourquoi " Les travailleurs de la mer" ? Seul Gilliat travaille, les autres sont des marchands...
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Voici un grand livre qui mérite sa réputation de classique. le considérer comme un grand roman me semble cependant plus discutable, quoique nous vivions dans une période où la moindre auto-fiction est vendue sous l'étiquette de "roman". En effet, comme l'ont évoqué d'autres babelnautes, la partie purement romanesque de cet ouvrage se réduit à moins d'un tiers du livre. Ce n'est donc pas le livre de cet auteur à conseiller pour qui voudrait découvrir le Victor Hugo romancier. En revanche, pour tous les amoureux de la mer et de la Manche, du Cotentin, des îles anglo-normandes, de ces paysages de landes, de falaises, d'océan, ce livre est une bible.
Le Travailleurs de la mer est un ouvrage un peu bordélique. Ça part dans tous les sens: un peu encyclopédique, très poétique, romantique ... on trouve de tout dans ce livre.
Et puis il y a surtout la langue lyrique de Hugo, reconnaissable entre mille; un plaisir pour l'amateur de littérature.

"L'archipel de la Manche" introduit le livre durant 70 pages de descriptions de paysages, d'Histoire, d'anthropologie, de géographie, de langue anglaise ... avec beaucoup d'erreurs et d'imprécisions. Ce n'est pas seulement dû à l'état des connaissances limitées de l'époque, c'est carrément du fait de l'auteur qui se plante complètement à plusieurs moments, et ce tout au long du livre. Ce n'est pas très grave, les notes de l'édition rétablissent les faits. Et puis c'est tellement bien écrit, c'est tellement évocateur, j'aime tellement cette région que j'ai adoré lire cette partie. Mais je peux comprendre qu'elle rebute des lecteurs.

La partie "aventure" , romanesque du livre n'est pas non plus très impressionnante pour qui a lu les robinsonnades de Jules Verne, qui sont en outre beaucoup plus précises scientifiquement.

On ne lit pas Les Travailleurs de la mer pour tout cela. On le lit pour Victor Hugo, pour ses réflexions souvent très pertinentes et profondément humaines qui font écho en nous (J'en ai mis quelques-unes dans la partie "Citations" -
j'aurais aussi pu citer la page 505 de l'édition Folio classique). Tous ces passages sont à souligner et peuvent très bien être cités de mémoire pour briller en société comme tout bon petit Français qui se la pète.
Dû à sa précision scientifique plus que douteuse, j'ai sauté le "Reliquat" à la fin de l'ouvrage qui méritera plutôt d'être lu pour la qualité de l'écriture et une forme de poésie qui s'en dégage.

Evidemment, je conseille ce livre, un classique bien sûr, mais peut-être pas pour une première lecture de roman de Victor Hugo. Je conseillerai plutôt Notre-Dame de Paris ou .... Quatre-Ving-Treize (roman que j'ai adoré) . Par contre, tout admirateur de Victor Hugo se doit de le lire. Ce texte incarne parfaitement la "plume" de ce grand auteur à son époque de maturité.


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Certains séjours nous amènent à nous replonger dans des lectures passées. Ainsi, un passage dans le Cotentin, pas si loin de chez moi, je suis du Havre, avec vue sur les îles anglo normandes, m'a donné envie de relire Les travailleurs de la mer, de Victor Hugo.

Dans mon édition, le récit est précédé d'un aparté intitulé L'archipel de la Manche, dont je conseille la lecture aux passionnés, mais qui n'enlève rien à l'histoire du roman, pour les autres, sur ces "morceaux de France tombés dans la mer et ramassés par l'Angleterre.

Les travailleurs de la mer est un livre qui se déroule à Guernesey. Gilliatt, un marin y vit à l'écart du reste de la population. Il s'éprend de Déruchette, nièce d'un homme réputé de l'île. Celui-ci possède un navire à vapeur qui est sa fierté, au même titre que sa nièce. Quand, au cours d'un naufrage, le bateau chavire sur l'un des nombreux écueils qui tapissent ce coin de Manche, il a l'impression de tout perdre. Ce sera l'occasion, pour Gilliatt, de montrer son courage et son amour, contre vents et marées. Mais cet amour aura t'il raison des tempêtes?

C'est un texte magistral, quoique moins connu de cet excellent auteur. Mon avis sera forcément subjectif, puisque j'adore Victor Hugo. Quelle puissance dans les mots! Quel récit grandiose. Et ce style qui amène ce côté équipe à l'histoire. Cette description magistrale du combat de l'homme contre la tempête! Cette lutte contre les éléments et les sentiments. C'est immense.

On cite souvent les incipit, ces ouvertures de roman, dont certains sont demeurés célèbres. On pourrait aussi prêter à Hugo son talent à finir ses livres. La dernière phrase du récit est magistrale et dit tout et tant en si peu de mots. Je vous laisserais la découvrir, ne voulant rien dévoiler. Si vous voulez la connaitre, je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre là.
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D'ordinaire, et depuis ma lecture de "Les Misérables", je suis époustouflée par Victor Hugo. Je trouve même goût à ses interminables digressions descriptives, à ces accumulations, à son vocabulaire exalté et à son éternel étalement d'érudition. Malgré la probable lassitude provoquée, ces choses ont leur charme, leur parfum, leur grandeur. Avec un peu d'effort, on en tire forcément quelque chose - et l'émerveillement est un quelque chose tout à fait recevable à mon sens.
Personnellement, je m'enquière avec joie de l'argot mis en scène, qu'il soit propre aux marins, ou propre aux gamins des rues... Ou des coutumes d'un lieu dit. Néanmoins, Hugo alimente les 60 premières pages des Travailleurs de la Mer par une description précise en tous points sur Jersey ou Guernesey, en les comparant par exemple. Ces descriptions ne servent aucunement l'histoire. On compte encore une bonne centaine de pages pour que des ficelles d'intrigue naissent et s'entremêlent. Encore cent pages avant que l'histoire prenne son envol décisif. Et quel envol ! Quel envol décevant...!
Le fil rouge de cette histoire, c'est l'amour : Giliatt est fou de Déruchette - pour une raison plutôt inconnue d'ailleurs, puisqu'ils ne se sont jamais adressé la parole. A partir de là, quand le fil rouge ne tient pas la route, toutes les actions de Giliatt, son courage, sa bravoure, sa persévérance, son dévouement sont incompréhensibles. Au final, son héroïsme frise le ridicule.
J'étais tout à fait détachée émotionnellement du personnage.
Avec Giliatt et Déruchette, Hugo a fait pire encore qu'avec Marius et Cosette... Sacré défi relevé.

Pourtant, "Les Travailleurs de la mer" aborde une seconde histoire d'amour, bien plus convaincante cette fois. Avant toute autre chose, ce livre est une ode immense à l'océan. Je ne compte pas les sublimes descriptions de l'eau, de la tempête, des vagues, de la mer, d'une personnification de la mer. En effet, la mer sera dotée d'une volonté propre jusqu'au bout...
Et encore quelques contemplations, quelques réflexions autour de la nuit, du songe, de la monstruosité qui rehaussent nettement la note que j'aurais sinon mise à cette oeuvre.
A découvrir, si vous aimez les passions qui excluent toute raison, si vous aimez la mer, et surtout si vous aimez le lyrisme inimitable de ce grand écrivain.
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Lecture laborieuse pour ma part. Beaucoup trop de descriptions et de vocabulaires maritimes. L'histoire en elle-même est assez courte si on enlève tous les artifices. de plus, mon édition donnait des indications sur la fin du roman dans les notes. Je m'attendais a une histoire épique, un combat contre les éléments au nom de l'amour, au final l'histoire sert plus de prétexte peut être à l'admiration que Victor Hugo avait pour ces îles de la Manche, et même pour nous montrer son savoir, sa grande culture. Bref je ne conseille pas cette lecture malgres la fin plutot surprenante et quelques passages epiques.
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On n'est jamais mieux servi que par soi-même : c'est Victor Hugo en personne qui, mieux que quiconque, présente son roman :
La dédicace, d'abord :
« Je dédie ce livre au rocher d'hospitalité et de liberté, à ce coin de vieille terre normande où vit le noble petit peuple de la mer, à l'île de Guernesey, sévère et douce, mon asile actuel, mon tombeau probable. » L'ami Victor est un peu injuste : il ne salue que l'île de Guernesey qui l'a accueilli depuis 1855 (il y restera jusqu'à la chute du Second Empire en 1870) ; il aurait pu également rendre hommage à celle de Jersey, où il a vécu de 1852 à 1855.
La déclaration de foi qui constitue son introduction expose son ambition :
« La religion, la société, la nature ; telles sont les trois luttes de l'homme. Ces trois luttes sont en même temps ses trois besoins ; il faut qu'il croie, de là le temple ; il faut qu'il crée, de là la cité ; il faut qu'il vive, de là la charrue et le navire. Mais ces trois solutions contiennent trois guerres. La mystérieuse difficulté de la vie sort de toutes les trois. L'homme a affaire à l'obstacle sous la forme superstition, sous la forme préjugé, et sous la forme élément. Un triple anankè règne sur nous, l'anankè des dogmes, l'anankè des lois, l'anankè des choses. Dans « Notre-Dame de Paris », l'auteur a dénoncé le premier ; dans « Les Misérables », il a signalé le second ; dans ce livre, il indique le troisième. À ces trois fatalités qui enveloppent l'homme, se mêle la fatalité intérieure, l'anankè suprême, le coeur humain » (Victor Hugo. Hauteville-House, mars 1866).

On l'a compris : le troisième obstacle, c'est l'obstacle élément. « Les Travailleurs de la mer » ont pour vocation, à travers une histoire très humaine (basée sur une lutte d'intérêts divers, financiers et économiques – allant jusqu'à la machination malveillante et au crime – mais aussi sentimental – une histoire d'amour tragique) de montrer la lutte éternelle entre l'Homme et la nature. Gilliatt, le marin, est l'Homme. L'Océan est la nature.

L'histoire se passe à Guernesey. L'infâme capitaine Clubin a échoué sur un écueil la Durande, un steamer appartenant à son patron, Mess Lethierry, avec qui il est en mauvais termes (c'est un euphémisme). le patron, qui a tout intérêt à récupérer l'épave, promet la main de sa nièce Déruchette à qui réussira à récupérer la Durande. Gilliatt, un marin, se porte sur les rangs, avec d'autant plus d'enthousiasme qu'il est amoureux fou de la donzelle.Après une lutte dantesque contre l'Océan et une pieuvre gigantesque (qui personnifie l'élément naturel hostile), Gilliatt arrive à ses fins. Mais Déruchette ne l'a pas attendue et s'est amourachée d'un jeune clergyman, Ebenezer, qui le lui rend bien. Gilliatt, avec une grandeur d'âme peu commune, s'efface et se sacrifie (au propre et au figuré).

« Les Travailleurs de la mer » sont donc, au-delà de l'intrigue, une méditation philosophique sur la lutte entre l'homme et les éléments : la métaphore, ici, est partout. Cette lutte atteint son paroxysme dans le combat entre Gilliatt et la preuve qui renvoie à celui de « Jacob avec l'ange ». Ce célèbre tableau de Delacroix, peint vers 1861, était certainement connu de Victor Hugo, puisque Louis Boulanger, qui était de ses intimes, avait participé à son élaboration.

Roman puissant, « Les Travailleurs de la mer », comme d'ailleurs « Notre-Dame de Paris » et comme « Les Misérables », a le défaut (récurrent chez Victor Hugo) de la logorrhée explicative, des longues descriptions, utiles certes, mais souvent fastidieuses à la lecture. Hugo est un monument, il ne sait pas faire les choses en petit, mais on lui pardonne, parce qu'il y a quand même un souffle dans cette masse, une vie intense dans ce corps immense, une âme dans cette oeuvre. Ne cherchez pas, elle est là la popularité de notre Totor national : c'est une puissance en mouvement. Et qui plus est une puissance qui a un coeur.


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