En 1982, une importante exposition consacrée au Futurisme (et aux Futurismes) se déroula somptueusement au
Palazzo Grassi de Venise, ville dont
Filippo Tommaso Marinetti détestait le passéisme. L'ambition était de démontrer que le mouvement, à l'origine italien, avait la prétention d'être un mouvement culturel international.
Il y a donc là la volonté de démontrer, en multipliant les exemples, une thèse de base, si bien que le catalogue est à l'image de l'exposition, ro-bo-ra-tif.
Pontus Hulten multiplie les confrontations de toutes les ruptures artistiques de l'époque, si bien que, mais cela n'étonnera personne, le principe est définitivement confirmé à l'arrivée. Je reste malgré tout dubitatif de certains choix, intrigué par tel rapprochement, étonné de l'absence d'un autre. Ainsi prenons certaines oeuvres de Carlo Carra, proches de Georges Braque, où sont-elles ? Et que dire des sources communes au point de vue de la couleur (théories de Michel-Eugène Chevreul), sources de
Gino Severini, Giacomo Balla, Roger Delaunay, Morgan Russell, Jules Schmalzigaug,
Paul Klee, František Kupka …
Le 20 février 1909, Marinetti publie son fracassant manifeste dans
Le Figaro,
journal français. Il écrit « Nous voulons glorifier la guerre – seule hygiène du monde – le militarisme, le patriotisme, les belles idées qui tuent, le mépris de la femme ». Par certains accents, Marinetti est proche de Gabriele D'Annunzio que des anarchistes, avec ses propos fascisants avant la lettre. Mais n'est-il pas paradoxal de lire qu'un art révolutionnaire soit paré de vertus traditionnelles et nationalistes ? Si bien que même
Guillaume Apollinaire se fera l'écho de cette esthétique du dynamisme… Esthétique qui touche aussi bien la peinture (Severini, Balla), la sculpture (Boccioni), la photographie (Bragaglia) l'architecture mais aussi le théâtre, le graphisme, etc.
Mais ce qui est certain, c'est que
le futurisme, à l'instar du cubisme, est à l'origine de l'art moderne, aussi révolutionnaire que
Marcel Duchamp, aussi abstrait que
Kandinsky, aussi essentiel que Malevitch et son cubo-futurisme. L'Italie est donc autant que la France un des berceaux des avant-gardes.
Bilan : l'ouvrage est donc considérable mais je ne suis pas sans réserves sur son propos, tout en lui concédant un important matériel scientifique de première main.