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Citations sur Etranges rivages (84)

D’autres sons l’assaillent. Des paroles qu’il a prononcées dans un passé lointain, avec lesquelles il a vécu toute sa vie, mais qu’il n’aurait jamais dû laisser sortir de sa bouche.
Des mots tellement insignifiants.
Des mots tellement gigantesques.
(p.102)
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Il n'a plus froid. Au contraire, une étrange vague de chaleur lui envahit le corps. Lui, qui pensait que toute chaleur l'avait déserté, il a l'impression qu'elle se diffuse dans ses bras et ses jambes, jusqu'à ses mains et ses pieds, et brusquement son visage lui semble s'enflammer.
Allongé dans le noir, ses pensées vont et viennent, désordonnées, il ne distingue qu'à peine la frontière entre le sommeil et la veille. Il a beaucoup de peine à se concentrer et à évaluer son état. Comme plongé dans une confortable torpeur, il ne souffre pas. Des rêves, des images, des bruits et des lieux qui lui sont à la fois connus et inconnus défilent dans son esprit qui lui joue d'étranges tours et le projette constamment à travers le passé et le présent, défiant l'espace et le temps. Il n'a aucune véritable prise sur ces errances. Un instant, il est assis à l'hôpital, au chevet de sa mère qui se meurt et le quitte. L'instant d'après, un hiver sombre s'est abattu et il se retrouve à nouveau allongé sur le sol de cette ferme abandonnée qui était jadis sa maison. Il a toutefois bien conscience que ce n'est là qu'une illusion.
- Que faites-vous ici ?
Il se redresse, s'assoit et aperçoit un homme à la porte. Un voyageur vient de tomber sur lui par hasard. Il ne comprend pas sa question.
- Que faites-vous ici ? répète l'homme.
- Qui êtes-vous ?
Il ne distingue pas son visage et ne l'a pas entendu entrer, tout ce qu'il voit se résume à cette silhouette qui répète inlassablement la même question insupportable.
- Que faites-vous ici ?
- Je suis chez moi. Qui êtes-vous ?
- J'ai l'intention de passer la nuit avec vous, si ça ne vous dérange pas.
L'homme assis par terre à côté de lui a allumé un feu. Il sent la chaleur se diffuser sur son visage et tend ses mains vers les flammes. Il n'a eu aussi froid qu'une seule fois dans sa vie.
- Qui êtes-vous ? demande-t-il une nouvelle fois à son visiteur.
- Je suis venu vous écouter.
- M'écouter ? Qui est avec vous ?
Il a l'impression qu'ils ne sont pas seuls, que quelqu'un d'autre accompagne cet homme, quelqu'un qu'il ne parvient pas à distinguer.
- Personne, répond le voyageur, je suis venu seul. Vous habitiez ici ?
- Êtes-vous Jakob ?
- Non, je ne suis pas Jakob. Je m'étonne que ces murs tiennent encore debout, je vois que la maison est solide.
- Qui êtes-vous ? Êtes-vous Boas ?
- Je passais par là.
- Vous êtes déjà venu ici ?
- Oui.
- Quand ça ?
- Il y a des années. A l'époque où cette maison était encore habitée. Que sont devenus ces gens ? Savez-vous ce qu'est devenue la famille qui vivait ici ?

Allongé dans le noir et transi, il ne parvient plus à faire aucun mouvement. Il est à nouveau seul, le feu a disparu, de même que la maison abandonnée. Les ténèbres et le froid le cernent, la chaleur déserte peu à peu ses membres et son visage.
Quelque part, il entend à nouveau ce grattement.
Venu des profondeurs glacées et lointaines, le bruit approche et enfle constamment, bientôt suivi par de déchirants cris d'effroi.
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On décelait dans le ton de sa voix comme la triste certitude que nul ne pouvait échapper au destin qui lui avait été assigné.
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Ils n'échangent pas un mot tandis que la ferme de Bakkasel disparaît peu à peu derrière eux. Le silence est leur unique compagnon de voyage jusqu'à la bourgade d'Egilsstadir où son père s'arrête à une pompe à essence et déclare d'une voix forte: il faut que je fasse le plein. Sa mère répond alors qu'elle va en profiter pour se dégourdir un peu les jambes. Erlendur la suit, il est trop grand pour lui tenir la main, tout le monde le verrait. Elle se poste sur l'accotement et regarde la rivière Lagarfljot qui coule vers la mer, exactement comme elle le faisait il y a cinq mille ans. Puis elle commence à verser quelques larmes en silence, des larmes muettes qu'il remarque à peine.
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Erlendur se souvint avoir lu l’histoire d’une Polonaise déclarée morte qui s’était réveillée alors qu’elle était déjà dans une housse à la morgue. On l’avait immédiatement transférée au service de soins intensifs. Il avait entendu dire qu’en Amérique du Sud, certaines personnes demandaient à ce qu’on leur ouvre les veines des poignets après la mort tant l’idée de se réveiller vivantes dans leur cercueil les terrifiait. Il existait un terme médical pour qualifier cette peur d’être enterré vivant: on parlait de taphéphobie. Le retour à un état de conscience après avoir été déclaré mort s’appelait Syndrome de Lazare. Il existait même des cas où le défunt s’était réveillé sur la table d’autopsie du médecin légiste.
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- Mon père parlait souvent de la noyade de Jakob. Le drame est arrivé pendant une tempête déchaînée. Les gens ont vu l’accident depuis le rivage, mais n’ont rien pu faire d’autre que de ramener à terre les cadavres des deux hommes qui étaient à bord de la barque. […]
- Il lui arrivait de parler de Matthildur?
- C’était rare.
- Ou de leur couple?
- Du couple de Jakob et Matthildur? Je ne m’en souviens pas. Il y avait des rumeurs diverses, mais mon père n’y prêtait aucune attention. Certains racontaient qu’elle s’était transformée en revenante et que c’était elle qui avait causé cet accident en mer.
- A votre avis quelle était l’origine de ces rumeurs?
- Je ne sais pas trop. Ces histoires là ne sont-elles pas typiques des Islandais? Toutes ces sottises sur les fantômes, les revenants, les elfes et les trolls? Tout ça, c’est du même tonneau, non?
- Je suppose.
- Et puis le corps de cette Matthildur n’a jamais été retrouvé, et ça n’a pas contribué à faire taire ces histoires de revenants.
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Il se souvenait parfaitement du visage bienveillant de cet homme, de la pureté qui habitait ses yeux, de la sagesse qu’on imaginait derrière ce front haut, de la maturité qu’on devinait dans ses paroles. Ce voyageur était des plus sympathiques, mais il y avait en lui quelque chose qui l’effrayait, quelque chose qui l’avait conduit à fuir la cuisine parce qu’il ne supportait plus d’être dans la même pièce que lui. Il voulait que cet homme s’en aille. Pour une raison qu’il ignorait, il le percevait comme une menace.
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- La vie n'est jamais simple, nota Erlendur. C'est la première chose que nous devons apprendre. La vie n'est jamais simple.
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- Erlendur, les flics ne sont pas là pour sauver les âmes, avait objecté Marion, pour cela nous avons les pasteurs.
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En revanche, j'aimerais bien que la version officielle du destin de Matthildur demeure inchangée. Si c'est possible. Il y a dans l'histoire de sa disparition une certaine beauté. Même si elle est fondée sur un satané mensonge...
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