Citations sur La rivière noire (74)
Elle pensait à Runolfur, à cette méchanceté qui l'habitait et qui coulait au fond de sa conscience telle une rivière noire, profonde, froide et tourmentée.
Je suis allé quelquefois à Reykjavik et ce que j'y ai vu ne m'a pas séduit. Toute cette course pour attraper le vent, tout cet argent dépensé dans des objets inertes et sans âme, de plus grandes maisons, de plus belles voitures. (...) ils passent leur temps à traîner dans les chaînes de restauration rapide et à engraisser. (...) Je crois que nous sommes en train de nous noyer dans de mauvaises habitudes importées de l'étranger. (Métaillié noir, p.54)
- Avez-vous déjà perdu l'un de vos proches de cette façon ? demanda-t-elle à Elinborg.
- Non, pas de cette façon, si vous entendez par là...
- C'est comme si le temps s'était arrêté. Il ne se remettra en route que lorsque nous saurons ce qui est arrivé.
- C'est évidemment terrifiant de voir de telles choses se produire.
- Le plus triste, c'est que cela ne prend jamais fin, nous ne pouvons pas faire notre deuil correctement car nous ne savons rien, observa Hallgerdur avec un demi-sourire, les bras croisés sur sa poitrine. Une chose que nous ne retrouverons jamais a disparu avec Lilja.
Elle passa la main dans ses cheveux.
- Et cette chose, c'est peut-être nous-mêmes.
On aurait dit que ces gens n'avaient pas la moindre retenue quand il s'agissait d'écrire sur eux-mêmes, leurs amis et leur famille, leurs activités et leurs agissements, leurs désirs, leurs sentiments, leurs opinions, en résumé, tout ce qui pouvait leur venir à l'esprit au moment où ils se trouvaient face à leur ordinateur. Ils semblaient ne s'imposer aucune forme de censure. Ils racontaient absolument tout.
« Personne ne leur prêtait une attention particulière dans le bar et ce ne fut pas non plus le cas quand ils en sortirent, une bonne heure plus tard, pour aller chez lui, en empruntant des rues peu fréquentées. À ce moment-là, les effets du produit avaient déjà commencé à se faire sentir. Il lui avait offert une autre margarita. Alors qu’il revenait du comptoir avec la troisième consommation, il avait plongé sa main dans sa poche pour y prendre la drogue qu’il avait versée discrètement dans la boisson. Tout se passait pour le mieux entre eux, il savait qu’elle ne lui poserait aucun problème. »
L'espace d'un instant, Elinborg aperçut une croix blanche dans le faisceau de la lampe. Puis, elle distingua une pierre taillée, enfoncée dans la terre, et qui portait une inscription.
- Nous sommes dans un cimetière ? murmura-t-elle.
Au lieu de lui répondre, la jeune femme continua d'avancer jusqu'à se poster auprès d'une croix blanche toute simple. Au centre, on voyait une plaque d'acier portant une inscription en lettres fines. Des fleurs fraîches reposaient sur la tombe.
- Qui est-ce ? interrogea Elinborg en essayant de déchiffrer l'inscription dans le vacillement de la lampe.
- C'était son anniversaire l'autre jour, murmura la jeune femme.
Elinborg fixait la tombe. La lumière de la lampe s'éteignit, elle entendit des pas s'éloigner et comprit qu'elle était seule dans le cimetière.
- Avez-vous déjà perdu l'un de vos proches de cette façon ? demanda-t-elle à Elinborg.
- Non, pas de cette façon, si vous entendez par là...
- C'est comme si le temps s'était arrêté. Il ne se remettra en route que lorsque nous saurons ce qui est arrivé.
- C'est évidemment terrifiant de voir de telles choses se produire.
- Le plus triste, c'est que cela ne prend jamais fin, nous ne pouvons faire notre deuil correctement car nous ne savons rien, observa Hallgerdur avec un demi-sourire, les bras croisés sur sa poitrine. Une chose que nous ne retrouverons jamais a disparu avec Lilja.
Elle passa sa main dans ses cheveux.
- Et cette chose, c'est peut-être nous-mêmes.
Ensuite, elle avait vu ce sang.
Et cette entaille en travers de sa gorge.
Elle avait été prise de nausée. Elle ne voyait plus que le visage blafard de l'homme et cette entaille rouge, béante. Elle avait l'impression qu'il la fixait de ses yeux mi-clos et qu'il l'accusait.
- Il semblait plutôt en bonne forme physique, dit Elinborg au coach, un homme musclé d'une trentaine d'années qui rayonnait de joie de vivre et d'optimisme avec son teint hâlé et ses dents aussi éclatantes que les lumières d'une piste d'atterrissage.
Le mépris que la justice affiche envers ces femmes n’est pas fait pour arranger les choses, observa Elinborg. Ici en Islande, quand ils sont condamnés, les violeurs passent en moyenne un an et demi en prison. C’est triste de voir que ces hommes peuvent se comporter comme des bêtes sauvages sans écoper d’une peine digne de ce nom.