Dans les trépidations de la vie ordinaire, les événements singuliers que j'ai décrits depuis ce lointain automne où je fis la connaissance du professeur sont désormais si éloignés et si irréels que j'ai parfois l'impression d'avoir presque tout rêvé. Est-ce que ça s'est passé comme ça ou est-ce que le temps, mes souvenirs et mes pensées ont modifié le cours des évènements, y ont ajouté des choses ou l'ont même défiguré ?
C'est une part de soi qui meurt, mais cette part n'est pas enterrée, elle est au contraire omniprésente. Elle te suit où que tu ailles et entretient le souvenir. C'est la mort qui habite en toi. Et, bien que tu saches très bien que la vie ne te doit rien et qu'on peut rien exiger d'elle, on ne se débarrasse jamais de ce deuil et de ce manque.
ça ne te fait pas vibrer ? Tu ne ressens aucune excitation, la proximité de quelque chose de trop...de trop... carrément trop sublime pour pouvoir être exprimé par des mots ?!
Quand tu l'ouvriras et que tu en feuilletteras les pages, quand tu en respireras l'odeur. Quand tu sentiras la sueur te couler au bout des doigts et que tu percevras son insupportable légèreté et incommensurable poids. Alors seulement tu comprendras quel genre de livre c'est.
Je regrette la fraîcheur islandaise et les montagnes bleues au loin.Je regrette de ne pas y être quand l'hiver s'installe,un vrai hiver avec beaucoup de neige,le froid et les tempêtes de neige qui durent des jours entiers.Je regrette de ne pas voir la mer recouverte de glace.Je regrette aussi la longueur des jours d'été,quand le soleil ne se couche pas et se contente de décliner et d'éclairer la nuit de sa lumière froide si particulière.
Le professeur était connu pour son indomptable acharnement à dénicher les manuscrits disparus. En cela, à certains égards, il faisait surtout penser à un enquêteur. Il enquêtait à partir d'indices, il analysait avec rigueur les témoignages et suivait la piste avec une indomptable ténacité jusqu'à ce qu'il ait trouvé ce qu'il cherchait ou alors que la piste se révèle être une impasse et qu'il ne puisse plus avancer. On le connaissait pour avoir passé au peigne fin des musées en Allemagne, au Danemark, en Grande-Bretagne, en Irlande, en Suède, en Norvège et dans bien d'autres endroits, partout où il espérait découvrir un fragment de manuscrit, de document islandais, de copies, voire de morceaux de ce qu'il y a de plus précieux, à savoir, les livres sur parchemin.
Importants ou non, les livres voyagent partout. Bons ou mauvais, ils ne choisissent pas leurs propriétaires, pas plus que le genre de maison dans laquelle ils vont se retrouver ou l'étagère sur laquelle on les rangera.
Un cimetière abandonné comme n'importe quel autre en Islande, avec juste quelques tertres herbeux éparpillés çà et là sur un terrain en pente.
Les mots écrits en petits caractères sont des géants dans l'histoire de la civilisation.
Il était bien entendu très difficile de conserver cette espèce de spectre pour soi sachant qu'avec le temps il serait de plus en plus dur de garder le secret.